Les difficultés des banques posent un problème structurel
Les banques fournissent en Europe 75% des besoins de financements des entreprises et 90% des crédits aux particuliers. Aux Etats-Unis, la situation est inverse puisque le marché est le principal bailleur de fonds aux entreprises.
Or les banques européennes ne sont pas en situation de fournir les financements dont nos économies ont besoin. Voyons pourquoi.
Un marché très concurrentiel et une Europe bancaire désunie
En surface, beaucoup attendent le bouleversement du paysage bancaire jugé vulnérable aux nouvelles technologies. En profondeur, c’est le financement de nos économies qui est endigué par une réglementation inadaptée et l’incapacité européenne à réaliser l’union bancaire. En Allemagne, les cinq plus grandes institutions bancaires contrôlent 30% du marché. Aux Etats-Unis, les cinq premières pèsent 65%.
Dans son étude du 14 décembre 2018 sur les banques de la zone Euro, le cabinet canadien BCA Research prédisait le rebond des banques européennes pour cause de sous évaluation massive. Mais il concluait sur les maigres perspectives du secteur à moyen terme à cause du ralentissement économique et de la faible croissance des encours de crédit. Depuis cette publication, l’indice EuroStoxx Banks a gagné jusqu’à 7%, pour se retrouver en perte à -4% au 22 mars 2019.
Qu’est ce qui plombe les banques européennes ?
Les trois paramètres de la rentabilité des banques mesurés par BCA Research sont :
– Les fonds propres
– La croissance des encours de crédit
– Les créances douteuses
L’exigence de fonds propres est un ratio qui rapporte ces derniers aux actifs « risqués ». Pour simplifier, il s’agit de mesurer les réserves que détient une banque pour faire face à des pertes inattendues sur les actifs qu’elle finance.
En apparence, ça va beaucoup mieux
Le ratio s’est nettement amélioré depuis 2008, passant de 10-12% pour les banques espagnoles, portugaises et italiennes à près de 15% aujourd’hui, et de 13% à 19% pour les banques allemandes, un niveau également atteint par les banques françaises.
Pendant ce temps-là, les banques de la zone Euro ont retrouvé des ROE (Retour sur fonds propres) à 9,8%, peu ou prou les mêmes niveaux qu’avant crise.
Mais les progrès masquent la réalité…
D’une part, les banques ont dans l’ensemble largement réduit la taille de leurs bilans.
D’autre part, elles ont massivement investi en emprunts d’Etat domestiques, diminuant ainsi le dénominateur -les actifs risqués – car les emprunts d’Etat émis dans le domicile de la banque sont considérés sans risque. Cette réglementation a conduit les banques à détenir 60% des engagements souverains en dette étatique locale. Elle empêche la diversification géographique nécessaire pour inciter les banques à prendre plus de risque.
C’est donc l’arithmétique qui améliore les ratios réglementaires, pas l’activité réelle.
Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console…
Dans ce tableau morose, les banques françaises font exception ! Les actifs à risque qu’elles ont financé sont restés à peu près stables depuis l’avant crise 2008 tandis que les fonds propres augmentaient de plus de 50% entre 2010 et 2018.
Le ratio des créances douteuses rapportées à l’ensemble du volume de crédit est un bon indicateur de la qualité du portefeuille d’une banque. Les banques opérant en France, Allemagne, Belgique, Autriche et Finlande affichent moins de 5% tandis que leurs homologues italiens et Irlandais sont au dessus de 10%.
L’exposition aux pays émergents représente un enjeu particulier pour les banques espagnoles. Banco Santander, première banque espagnole et plus grande capitalisation bancaire de la zone euro, a fortement augmenté son exposition à l’Amérique Latine pour doper sa rentabilité sur actifs (ROA). Mais la qualité n’est pas au rendez-vous : l’exposition sud américaine pèse 18% des encours de crédit de Banco Santander et 42% des créances douteuses de la banque.
Depuis que la BCE a placé en 2014 le taux d’intervention en territoire négatif, la marge nette des banques européennes est à 1,6% tandis que celle des banques américaines est à 3,3%. Quand le président de la BCE Mario Draghi a révisé les prévisions de croissance à 1,1% contre 1,7% en début d’année, il a déclaré implicitement que le niveau de taux d’intervention resterait durablement bas. Rien de bon pour les marges des banques. On ne voit toujours pas la lumière au fond du tunnel…
En résumé
– Les banques européennes ont beaucoup réduit la taille de leur bilan depuis la Grande Récession.
– Elles emploient 170% de leur capital Tier 1 en emprunts d’Etat, trois fois plus que les banques américaines.
– Les marges d’intérêts nettes sont faibles dans un environnement de taux d’intervention négatifs.
– La concurrence entre banques reste vive dans un marché très fragmenté.
Les investisseurs ne s’y trompent pas : les banques européennes traitent avec 20% de décote sur leurs valeurs comptables quand leurs rivales américaines se négocient avec une prime de 40%, selon les données disponibles sur Bloomberg. Un handicap pour un secteur qui représente 11% de l’indice MSCI Europe et 10% de l’indice Euro Stoxx 50.
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