Le fondateur de Wikileaks a été arrêté par la police britannique et présenté à la justice mercredi. Scotland Yard a par ailleurs reçu une demande d’extradition en provenance des Etats-Unis.
La police britannique a précisé que c’est l’ambassadeur d’Equateur lui-même qui a « invité » les policiers à entrer dans ses locaux. Lenin Moreno, le président équatorien, a expliqué dans le même temps que son pays avait retiré l’asile à Julian Assange, qui l’avait obtenu en 2012. La nationalité équatorienne de M. Assange, accordée en décembre 2017, lui a aussi été retirée. M. Moreno a présenté cette décision comme « souveraine […] après les violations répétées des conventions internationales et des protocoles de cohabitation » avec Julian Assange au sein de l’ambassade. Une décision aussitôt dénoncée comme « illégale » par le compte Twitter de WikiLeaks. « Personne n’est au-dessus des lois », a rétorqué la première ministre britannique, Theresa May.
Les Etats-Unis ont demandé son extradition
Quelques minutes après avoir annoncé l’arrestation de M. Assange pour avoir enfreint les conditions de sa liberté conditionnelle, Scotland Yard a expliqué avoir reçu une demande d’extradition en provenance des Etats-Unis. Une perspective que craignaient depuis 2012 les soutiens de WikiLeaks.
Les autorités américaines ont, dans la foulée, rendu publiques les charges qui pèsent contre le fondateur de WikiLeaks, en particulier de piratage informatique. Julian Assange est accusé d’avoir « conspiré » avec Chelsea Manning, une militaire américaine qui avait fourni au site Internet, en 2010, des millions de documents secrets issus de l’armée et de la diplomatie américaine. La publication de ces pièces par WikiLeaks, en partenariat, pour une partie d’entre elles, avec Le Monde, avait contribué à mettre la plate-forme et son fondateur sur le devant de la scène.
Depuis l’arrestation de Chelsea Manning, en 2010, la question du degré exact d’implication de Julian Assange dans l’extraction de ces documents est centrale. Selon le document d’inculpation rendu public jeudi par le ministère de la justice américain, Julian Assange aurait proposé à Chelsea Manning de décrypter un mot de passe interne au ministère de la défense et lui aurait fourni un logiciel, dont le rôle exact demeure flou, afin qu’elle puisse avoir accès à davantage de documents.
Julian Assange encourt une peine maximale de cinq années de prison. Cette peine, relativement modeste, s’explique par le fait que les autorités américaines ne l’accusent pas, à ce stade, d’« espionnage », comme cela était craint par ses soutiens.
Un « jour sombre pour la liberté de la presse »
Conspué sous l’administration Obama – notamment par Hillary Clinton, alors responsable de la diplomatie américaine –, Julian Assange s’est attiré la sympathie du clan Trump lors de la campagne présidentielle de 2016, en publiant sur WikiLeaks les e-mails piratés de la campagne d’Hillary Clinton.
Donald Trump avait même déclaré, lors d’un meeting, « j’aime WikiLeaks ! ». Mais la mise en ligne l’année suivante de documents confidentiels de la CIA a refroidi le camp républicain, et a valu à Julian Assange des menaces de la part du patron de la CIA et du ministre de la justice américain, Jeff Sessions, lequel avait affirmé que son arrestation était une « priorité ».
L’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine accuse WikiLeaks d’avoir directement communiqué avec les espions russes responsables du vol et de la publication de documents confidentiels du Parti démocrate. Le Parti démocrate a lui-même porté plainte contre WikiLeaks pour la publication de ces documents, suscitant une vague de critiques dépassant largement le cadre des soutiens de WikiLeaks.
La perspective de son extradition aux Etats-Unis sur la base de ses travaux journalistiques de 2010 a fait réagir les organisations de défense de la liberté de la presse, avant que soient connues les charges exactes pesant sur lui. Le lanceur d’alerte Edward Snowden a dénoncé un « jour sombre pour la liberté de la presse ». « Viser Assange en raison de la fourniture d’informations d’intérêt public à des journalistes serait une mesure strictement punitive et constituerait un dangereux précédent pour les journalistes, leurs sources et les lanceurs d’alerte », a réagi le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire.
Première apparition devant un tribunal londonien
La police britannique avait initialement annoncé que c’était une infraction plus mineure qui avait justifié l’arrestation du patron de WikiLeaks. En 2012, alors que le Royaume-Uni se penchait sur une éventuelle extradition vers la Suède, où M. Assange était réclamé dans le cadre d’une enquête pour viol et agression sexuelle, il avait obtenu l’asile du gouvernement équatorien et s’était réfugié dans son ambassade à Londres.
En procédant de la sorte, Julian Assange avait enfreint les conditions de sa liberté conditionnelle, ce qu’a rappelé la Metropolitan Police après l’arrestation. Cette dernière avait toujours dit vouloir l’arrêter sur cette base. Après son arrestation, Julian Assange est arrivé en début d’après-midi devant un tribunal londonien pour la première audience à ce sujet. Il a été déclaré coupable mais sa peine exacte sera fixée ultérieurement. Il encourt une peine allant de la simple amende à un an de prison.
Des relations de plus en plus compliquées avec l’Equateur
Au fil des années, les relations entre M. Assange et ses hôtes équatoriens étaient de plus en plus irrespirables. Quito avait mis en place un système complexe de surveillance, qui visait non seulement Julian Assange mais aussi ses visiteurs. La situation s’est encore dégradée avec l’élection de M. Moreno à la tête de l’Equateur. Réputé plus ouvert aux Etats-Unis que son prédécesseur, Rafael Correa, le nouveau président équatorien n’a pas hésité à prendre des sanctions à l’encontre de son hôte. L’an dernier, l’accès à Internet de Julian Assange avait été subitement coupé, après qu’il eut publié une série de messages favorables à l’indépendance de la Catalogne.
L’ambassade d’Equateur, située dans un quartier chic de la capitale britannique, était surveillée par un dispositif policier vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les soutiens de Julian Assange ont alerté à plusieurs reprises sur la dégradation de sa santé. Des conditions de vie jugées comme une « détention arbitraire », en 2016, par un groupe de travail de l’Organisation des Nations unies.
Côté suédois, la situation judiciaire de Julian Assange s’est en partie clarifiée, puisqu’une partie des faits qui lui étaient reprochés sont désormais prescrits. L’optique d’un procès en Suède semble peu probable, même si l’avocate de l’une des victimes présumées de Julian Assange a expliqué jeudi vouloir demander au parquet suédois la réouverture de l’enquête.
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