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Doublement palmé à Cannes, Ken Loach revient sur la Croisette avec un nouveau film où il dénonce l’ubérisation du monde du travail. Il partage sa colère avec BFMTV.
Deux fois palmé à Cannes, Ken Loach présente en compétition officielle Sorry We Missed You, un drame où le réalisateur britannique dénonce l’ubérisation du monde du travail.
Il suit le quotidien de Ricky, Abby et leurs deux enfants, une famille pauvre de Newcastle, dans le nord-est de l’Angleterre. Enchaînant les emplois mal payés, Ricky décide de vendre sa voiture pour acheter une camionnette et devenir chauffeur-livreur pour une plateforme de vente en ligne.
Ken Loach a eu l’idée de Sorry We Missed You en préparant son précédent film, Moi, Daniel Blake, qui avait décroché la Palme d’or en 2016. Il raconte à BFMTV:
« Ce film parle des gens qui ont désespérément besoin d’une aide que l’Etat leur refuse. L’Etat punit ceux qui ont le plus besoin d’aide. Lors de nos recherches, nous avons découvert que la pauvreté touche essentiellement les gens qui travaillent. Ce phénomène s’accélère de nos jours. Les deux tiers des nouveaux emplois sont précaires. Nous nous sommes dits qu’il serait intéressant de se pencher sur la manière dont le travail change et de trouver une histoire avec des personnages qui seraient dans cette situation. Le scénariste Paul Laverty a eu l’idée d’une famille et l’histoire est née. »
« C’est une histoire un peu extrême, mais elle est vraie »
Avec son scénariste, Ken Loach a multiplié les rencontres avec des chauffeurs et des travailleurs: « Vous devez écouter leurs histoires. Ce qu’elles racontent est bien pire que notre film. C’est très modéré par rapport à ce qu’ils vivent », prévient-il. Le cinéaste de 83 ans cite alors le cas d’un chauffeur atteint du diabète: « il ne pouvait pas se rendre à l’hôpital pour son rendez-vous médical, car il ne pouvait se permettre d’arrêter [de travailler]. Son diabète s’est aggravé et il en est mort. C’est une histoire un peu extrême, mais elle est vraie. »
Ken Loach dénonce un système capitaliste à bout de souffle:
« L’écart entre les pauvres et les riches se creuse de plus en plus. Le système de santé ne fonctionne pas ». De cette modèle en perte de vitesse est née une colère qui a donné forme ensuite au Brexit, analyse le réalisateur: « Ces choses se sont produites lorsque nous étions dans l’Union Européenne. Elle a donc des questions à se poser ». C’est aussi pour cette raison qu’il continue à faire des films: pour comprendre d’où vient cette colère.
« J’admire le militantisme des gilets jaunes »
Sorry We Missed You dénonce-t-il une forme d’esclavage moderne? « On ne peut pas dire que ce sont des esclaves, mais ils sont exploités massivement. Ils n’ont aucune liberté dans leur vie, aucune liberté de décision, car la société les enferme dans leurs dettes. Pour élever une famille, vous devez continuer de travailler. » Face à cette spirale aliénante, Ken Loach soutient les mobilisations collectives, comme les gilets jaunes en France:
« J’admire leur militantisme. C’est très important qu’ils répliquent et qu’ils n’acceptent pas les compromis proposés. J’ai l’impression que Macron est comme [Tony] Blair. Il dit qu’il faut trouver une solution, mais il soutient le problème: les grosses entreprises, la forte concurrence, etc. Il n’apportera aucune solution. Les gilets jaunes ont bien raison de lui tenir tête. »
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