Manquements graves aux normes incendie dans les hôpitaux dont à la Timone à Marseille

Sunday, July 28, 2019
Bonsoir,

A force de comprimer les budgets de la santé et du social, on ne met pas de clim dans les chambres des EHPAD, on ne remplace pas les personnels malades, on met en place des fusions d’établissements, on ferme des services… et on ferme les yeux sur la sécurité incendie…

Ci-joint deux  articles du JDD du 27 juillet :

– « Incendies : enquête sur ces dizaines d’hôpitaux qui violent les règles »

– « Manquements graves aux normes incendie : la situation critique de l’hôpital de la Timone à Marseille »

Bonne soirée,

Cédric

Le Journal Du Dimanche (JDD) du 27 juillet 2019

Par Pierre Bafoil , Plana Radenovic , Anne-Laure Barret

De nombreux établissements hospitaliers ne respectent pas les normes de sécurité incendie
au risque de conséquences catastrophiques. En dépit des investissements réalisés, le
problème perdure et fait l’objet d’un persistant silence des autorités.

A l’AP-HP, 20 établissements recevant du public sur 370 sont frappés d'un avis défavorable de la commission de sécurité incendie. (Nicolas Marques pour le JDD)
Un rire nerveux. C’est la réponse gênée d’un agent du service de sécurité incendie du CHU
de la Timone, à Marseille, lorsqu’on lui demande comment faire face à un éventuel sinistre dans les étages de cette tour. C’est ma plus grande crainte, confie-t-il. Notre gros souci, c’est de pouvoir évacuer les personnes à cause des fumées. Le système de sécurité présente des défaillances. En cas de départ de feu, plus de mille personnes pourraient se retrouver piégées dans les locaux vétustes de cet immeuble de grande hauteur. En 2017, la sous-commission de sécurité des Bouches-du-Rhône a émis un avis défavorable à son exploitation.
Est-ce un cas isolé, une preuve de plus que la ville, qui laisse nombre de ses écoles et immeubles à l’abandon, est vraiment à part? Ou bien un exemple parmi d’autres des défauts structurels de ces tours géantes des années 1970 aux étages supérieurs impossibles à évacuer et inaccessibles aux échelles des pompiers? Difficile d’estimer le nombre d’hôpitaux, de cliniques ou d’Ehpad qui continuent de recevoir des malades malgré un avis défavorable de la commission de sécurité incendie. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le ministère de la Santé l’ignore. Les mises en conformité de sécurité incendie ne font pas l’;objet de remontées centralisées, élude-ton Avenue Duquesne. Les cas emblématiques hôpital Bichat et de hôpital Saint-Antoine à Paris
De son côté, la direction de la sécurité civile du ministère de l'Intérieur a recensé en 2017 quelque 6.400 avis défavorables sur 51.000 contrôles effectués dans les établissements recevant du public (ERP). Mais elle ne pouvait préciser, en cette fin de semaine, combien parmi les 6.270 structures de santé avec hébergement étaient en dehors des clous.
Sollicitée, l Association des maires de France indique que cette problématique n’est pas de son ressort. Pourtant, les édiles siègent au conseil de surveillance des hôpitaux…
Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), 20 ERP sur 370 sont frappés d’un avis
défavorable. Les plus emblématiques sont les IGH de Bichat et de Saint-Antoine, à Paris, et
ceux de Beaujon et de Louis-Mourier en banlieue. ;Ce chiffre est en diminution, il y en avait 37 il y a sept ans, précise François Crémieux, le directeur général adjoint. Depuis 2010, on consacre 15 à 20 millions d’euros chaque année à la mise en sécurité. Nantes, Besançon et Toulouse dans le viseur en 2013

Pour prendre la mesure du non-respect des normes incendie hospitalières à travers le pays, il faut plonger dans un rapport édifiant publié par la Cour des comptes en 2013. Il est certes déjà ancien, et on peut supposer que sa lecture a conduit les directions épinglées à lancer des travaux. Selon ce document, il y a six ans, 16% des bâtiments des CHU avaient reçu un avis défavorable à la poursuite d’exploitation par la commission de sécurité incendie, soit 213 au total. Parmi les hôpitaux pointés du doigt figuraient la Timone ainsi que les CHU de Nantes, Besançon et Rangueil, à Toulouse. Dans ce dernier cas, il s’agissait d’un défaut de naissance : À son ouverture en 1975, [il] présentait déjà des non-conformités en matière de sécurité incendie. De 1975 à 1995, la commission [de sécurité] a constaté de graves non-
conformités et peu d'améliorations.
Le rapport notait que des travaux successifs d’amélioration de la sécurité avaient été
effectués à la suite d’un avis défavorable en 1996. Preuve sans doute que, pour reprendre
les mots d'Alain Secoué, ancien vice-président de l’Association des chargés de sécurité en
établissements de soins, cette sanction constitue une épée de Damoclès.
Malheureusement, elle n’a pas toujours l’effet escompté, déplore-t-il. Or les lacunes peuvent être catastrophiques.
En 2013, la Cour des comptes relevait également qu’un carton rouge donné par les pompiers
entraînait presque jamais de fermeture administrative : Les CHU continuent alors à faire
fonctionner les bâtiments concernés en prenant des mesures compensatoires: personnels
de sécurité incendie supplémentaires, lancement de travaux de mise en conformité selon un
calendrier pluriannuel.
Deux mois et demi après la tragédie de Notre-Dame , faut-il s’inquiéter des libertés prises par
endroits avec la réglementation? Le fait que les comptes des hôpitaux soient déficitaires ne
les conduirait-il pas à rogner sur leurs dépenses de maintenance, voire à renoncer à des chantiers colossaux dont le coût se chiffre souvent en dizaines de millions d’euros? Le
ministère de l’Intérieur, qui assure que les conditions de sécurités exigées en France sont
les plus strictes qui soient, se veut rassurant : Les établissements vraiment dangereux, il
n’y en a plus. Spécialiste de la prévention, le commandant de pompiers Didier Rémy met en
garde contre une interprétation erronée de la signification des avis défavorables: Ça n’a
pas pour objet de faire fermer un établissement, dans un premier temps tout au moins, mais
ça signifie : attention, il y a un risque et voici les prescriptions qui en découlent. Bien loin,
donc, d’une absence totale de dangerosité…
L’évolution incessante des normes anti-feu suscite une tension permanente De l’aveu de plusieurs acteurs, la majorité des directeurs d’hôpital, dont la responsabilité pénale personnelle est engagée en cas de sinistre, tentent de suivre les préconisations des experts.

On ne joue pas avec la sécurité incendie, soutient Isabelle Sarciat-Lafaurie, secrétaire générale adjointe du syndicat Syncass-CFDT. C’est le point sensible qui peut nous empêcher de dormir." Aujourd’hui à la tête de l’hôpital privé Saint-Joseph à Paris, Jean-Patrick Lajonchère se souvient d’avoir passé en 2003 une année éprouvante : Lorsque j’ai pris les rênes de Saint-Louis, je devais procéder à la mise en conformité incendie. Il a fallu batailler contre des médecins qui s’y opposaient en disant que la poussière des travaux allait détériorer la santé des malades.

Pendant toute la durée des travaux, je me rassurais en pensant qu’en cas d’accident le juge verrait que certes les normes n’étaient pas respectées, mais que j’avais hérité d’une situation compliquée et tout fait pour la régler. Je n’ai été tranquille qu’une fois le chantier achevé.
Lorsque l’architecture, et c’est fréquent dans les tours, empêche la mise en conformité, on
multiplie le nombre d’agents de sécurité incendie.En cas de faille, ajoute Isabelle Sarciat-
Lafaurie, on met de l’humain. L’humain détecte le départ de feu souvent mieux que la centrale de sécurité incendie.

C’est le grand secret des directeurs de grands hôpitaux universitaires comme de petits
établissements : l’évolution incessante des normes anti-feu suscite une tension permanente.
La complexité du problème de la sécurité incendie est impossible à expliquer au grand
public, c’est pour ça qu’on n’en parle jamais à l’extérieur, murmure l’ancien numéro un d’un
CHU de province. Chaque année, les hôpitaux investissent des millions d’euros pour la mise
en conformité. C’est un travail sans fin.

Une anecdote fait frémir chez les managers de la
santé : au lendemain de son ouverture, l’hôpital Pompidou à Paris n’était déjà plus en règle
et il a fallu fermer, au moyen de cloisons, les postes de soin tout neufs qui avaient pourtant
reçu un satisfecit quelques mois plus tôt.

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