Le cas concret d’une gilet jaune

Sans dec?

J’ai commencé ma demande de mise en retraite hier : j’ai pas tous mes trimestres, je les aurais à 69 ans, une mirifique retraite de 1100 euros. Primo, j’apprends que je n’aurais pas d’aides puisque je m’octroie la liberté de partir à l’âge légal avec un nombre de trimestres insuffisants. Deuxio, que j’aurais 730 euros brut! Bah, j’ai bien chialé un coup et bu du rouge…tant que je peux encore… Me reste plus qu’à être à la fois confiante en la vie, attentive aux ouvertures, sereine, vous voyez le tableau du développement personnel. Bien sûr on peut me rétorquer : « travailles jusqu’à 69 ans », pour des raisons très complexes, dont une reprise de travail accompagnée d’un huissier car la direction exigeait ma démission, me refusait l’accès à mon poste de travail et ne me versait aucun salaire, après suspension de 6 mois, cette même direction se gausse de ma demande de prolongation, qu’elle refuse.(Elle a du m’accepter illico au boulot, son avocat est devenu vert! l’huissière était pantoise. Attaquer au Tribunal administratif dans la FPH a été au dessus de mes forces.). Et allez démissionner de la FPH à 61 ans et trouver un boulot!
On me dit que je pars perdante, que je ne suis pas combative… J’ai passé mon bac à la rue, j’ai cru pouvoir fuir le système, m’entourer d’un troupeau de chèvres anarchistes, cultiver des légumes capricieux, me transporter à dos de mules.

Mais quand tu as des enfants, un jour, tu redescends d’un lieu perché et pas tellement solidaire dans les années 1980. Et tu suis la route de la méritocratie, de la misère à l’aisance, tu penses, naïvement que l’ascenseur social ça existe. Étudiante, tu t’es pas immolée, mais t’as volé pour manger et faire manger tes enfants, t’as fait plein de petits boulots, atypiques, intéressants et fous, juste déclarés au minimum, en cas d’accident de travail, mais qui ne correspondent pas à ce que tu as bossé réellement et qui t’auraient ouverts des droits!

C’était ça ou vendre son cul, ce qui n’offre pas plus d’indemnités retraite, est plus rémunérateur dans le court terme, mais, je ne voudrais pas irriter « les travailleuses du sexe », mais un brin perturbateur. Et t’es arrivée à ce putain de diplôme à Bac + 5, l’Eldorado. Et oui, pendant 20 ans, c’était plutôt cool. Contractuelle et vacataire de la Fonction Publique à temps partiel et libérale. On te croit blindée de thunes!

Non, je vivais, je pouvais voyager, manger à ma faim. Là, le libéral, exit depuis 2018, étranglée par la CIPAV, une caisse de retraite particulièrement féroce. Toujours auprès des précaires, on n’oublie jamais quand on a été dans la misère et qu’on a bouffé au secours catholique, qu’on a été sans toit. On n’oublie jamais quand on a été pauvre.

Là, je me demande s’il faut chercher un sens à tout ça, y a des gens qui disent que la roue tourne, que le peuple aura raison. Blablabla, le karma, l’éthique. Où a-t-on vu que les puissants ont été définitivement éradiqués, que ces parasites ne sucent plus le sang des pauvres? Ce soir terrible coup de mou. Où serai-je en mai 2020 et quelle bonne surprise pourra me réserver la vie?
On me dit, postule ailleurs et démissionne. Démissionne prends-toi du chomedu. Ah mais pour bénéficier du chomedû, me faut un projet différent de mon corps de métier.
On me dit : « tu pars perdante, bats-toi »

Bon, disons que je suis sous le coup de la sidération, celui d’avoir été bon public, de m’être laissée gruger par un système qui se fout des mes compétences, de mes efforts, qui prône la méritocratie pour que tu aies, à l’approche de la retraite, l’idée de devenir nomade, parce que SDF, ah non, tu veux pas.
Voilà, ça va passer, faut que je digère l’insécurité. J’avais qu’à pas divorcer!
Fallait que je le dise…

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