La société américaine, accusée de vouloir influencer les projets du gouvernement, se défend de toute implication.
Il a fini par prendre officiellement la parole. Le groupe BlackRock s’est défendu ce jeudi de toute implication dans la politique du gouvernement français, et notamment concernant la réforme des retraites.
Depuis plusieurs semaines, le plus gros gestionnaire mondial d’actifs est accusé, notamment par Mediapart, L’Humanité et plusieurs élus, d’être le grand gagnant de la loi Pacte et du projet de réforme du système de retraites.
Qu’est-ce que BlackRock ?
BlackRock, groupe américain, est le plus gros gestionnaire de fonds mondial. Il gère environ 7000 milliards de dollars d’actifs à travers les différents continents.
La filière française, ouverte en 2006, emploie environ 200 salariés et gère pour ses clients près de 27,4 milliards d’euros. Son président, Jean-François Cirelli, a effectué auparavant une grande partie de sa carrière dans le domaine de l’énergie, notamment à GDF Suez. De 2002 à 2004, il a également été directeur adjoint au cabinet du Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin.
Pourquoi est-il critiqué en France ?
BlackRock est accusé de chercher à s’impliquer dans la politique du gouvernement, pour en faire profiter ses affaires et celles de ses clients.
En cause, notamment, une note datant de juin dernier, dont l’existence a été signalée par Mediapart le 9 décembre dernier mais qui est accessible à tout le monde en ligne. BlackRock y saluait la réforme de l’épargne-retraite à travers la loi Pacte, adoptée par le Parlement en avril dernier. Le groupe formulait également une série de « recommandations » pour « réussir la réforme de l’épargne-retraite » et pour « améliorer la qualité du dispositif », notamment « imposer à terme la mise en place des dispositifs d’épargne-retraite de type auto-enrolment (adhésion automatique) ».
Comme de nombreux acteurs de la finance, le groupe est favorable à un système de retraite par capitalisation, alors que le système français fonctionne toujours par répartition (et devrait rester ainsi après la réforme voulue par l’exécutif). Mais « les assureurs et les financiers ne se privent pas de dispenser [au gouvernement] leurs conseils « éclairés », auxquels il prête la plus grande attention, pour faire éclater le système », écrit Mediapart.
« Depuis un mois, votre gouvernement a autorisé le géant des fonds de pension américain à collecter directement la retraite privée des Français. Si la réforme va à son terme, les affaires de BlackRock prendront donc un formidable essor en France », a aussi asséné le député LR Olivier Marleix, le 11 décembre dernier à l’Assemblée nationale.
Retraites : "Si votre réforme va à son terme, les affaires de #BlackRock prendront donc un formidable essor en France", déplore @oliviermarleix, qui accuse le gouvernement "d'offrir trois milliards d'euros aux fonds de pension".#DirectAN #QAG pic.twitter.com/cn8UJHt8Ok
— LCP (@LCP) December 10, 2019
L’élu d’Eure-et-Loir fait référence à la loi Pacte, qui « a déjà profondément modifié le régime d’épargne de retraite » et pour laquelle « Black Rock n’a fait figurer aucune activité de lobbying », avait-il dénoncé auprès de France 3, précisant son intention de saisir la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Quels sont les liens entre BlackRock et le gouvernement ?
Ces critiques se basent, notamment, sur les multiples rencontres entre BlackRock et l’exécutif français depuis deux ans. Comme l’avait révélé Le Canard enchaîné à l’automne 2017, le PDG américain du groupe, Larry Fink, a participé à une réception à Matignon et à l’Elysée le 25 octobre 2017. Cet échange a aussi été mentionné dans le documentaire consacré à BlackRock, « Ces financiers qui dirigent le monde », diffusé sur Arte en septembre dernier.
D’autres rencontres ont eu lieu entre les dirigeants de BlackRock et des ministres ou Emmanuel Macron, depuis l’élection de ce dernier en mai 2017. Cela s’est produit, notamment, le 6 juin 2017 (à Matignon et à l’Elysée, selon l’Obs ) et le 28 juin 2017 (à New York avec le ministre des Finances Bruno Le Maire). BlackRock faisait également partie des gros gestionnaires de fonds français et mondiaux invités par l’Elysée à participer à un sommet sur le climat, le 10 juillet dernier.
L’ancien Monsieur retraites du gouvernement, Jean-Paul Delevoye, a lui aussi rencontré des responsables de BlackRock le 3 mars 2018, comme tous « les acteurs du champ de la retraite et de l’épargne retraite qui en faisaient la demande », a indiqué son entourage à Libération.
Que répond l’entreprise ?
Après avoir, dans un premier temps, refusé de répondre aux accusations, BlackRock a finalement réagi ce jeudi. Dans un communiqué envoyé à la presse, le groupe dit « s’étonner des allégations qui circulent à propos de [ses] positions concernant les dispositifs de retraite en France ».
Concernant la note de juin dernier, le groupe insiste sur le fait que « [son] analyse était adressée à tous les acteurs de la retraite des secteurs publics et privés ». « Nous veillons à respecter la réglementation en vigueur en termes d’engagement avec les pouvoirs publics, comme dans l’ensemble de nos activités de gestionnaire d’actifs », assure aussi BlackRock, démentant avoir « cherché à exercer une influence sur la réforme du système de retraite par répartition en cours auprès des pouvoirs publics ou de tout autre acteur du secteur ».
Et le groupe de promettre, en conclusion, de « poursuivre la pédagogie à propos des activités de gestionnaire d’actifs », regrettant des « incompréhensions sur notre métier qui ont circulé au cours des derniers jours ».
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