BFM Business, 14 janvier 2020
Le Conseil d’analyse économique, un organisme rattaché à Matignon, a examiné à la loupe les 36.000 communes pour tenter de comprendre les raisons de l’émergence des gilets jaunes. Et l’aspect économique des territoires est loin d’être le critère le plus important.
C’était il y a un peu plus d’un an. En novembre 2018, le mouvement des gilets jaunes émergeait avant de prendre une dimension nationale. Des millions de personnes à travers la France exprimaient leur mécontentement avec des réclamations aussi bien économiques que politiques.
Aujourd’hui, le mouvement a clairement baissé en intensité, même si on retrouve en partie ses contestations dans celui contre la réforme des retraites.
Dans une note publiée ce mardi, le Conseil d’analyse économique (CAE), un organisme rattaché à Matignon mais qui réalise des études indépendantes, s’est penché sur l’émergence du phénomène gilets jaunes.
Loin des grandes généralités nationales, ses auteurs ont préféré « une approche très micro-locale », explique Philippe Martin, président délégué du CAE, sur le plateau de 12H, l’Heure H, sur BFM Business. En clair, ils ont « regardé les 36.000 communes » de France pour voir « ce qui prédit le mieux le fait que dans telle commune on a eu un événement gilets jaunes ». Environ 8% des communes ont connu ce mouvement en novembre-décembre 2018.
Le facteur « supérette »
Les auteurs ont mis en exergue certains facteurs. Le premier, « c’est l’économie, c’est la variation du taux de chômage » explique Philippe Martin. Mais ce qui est important n’est pas tant la situation de chacun mais plutôt « la dégradation de l’environnement très local, au niveau de la commune, par exemple ». En clair, il faut aussi prendre en considération l’entourage de ceux qui s’engagent dans le mouvement. « Si autour de vous, dans votre commune, il y a beaucoup de chômage » cela va aussi provoquer « un niveau de bien-être plus faible » poursuit Philippe Martin.
Et le bien-être est le facteur le plus déterminant, et il dépasse largement le cadre de l’économie. Le deuxième effet qui est d’ailleurs « quantitativement le plus prédictif », c’est la perte des équipements, des infrastructures dans les communes. « Elles peuvent être publiques: ça peut être une maternité, un lycée, une bibliothèque », poursuit le président délégué du CAE. « Ou des équipements privés, par exemple la supérette, parce que c’est aussi un lieu de socialisation. »
Et d’étayer: « c’est très prédictif d’un événement gilets jaunes » explique-t-il soulignant que 8% des communes n’ayant pas perdu leur supérette ont connu un mouvement gilets jaunes contre 29% pour celles ayant perdu ce commerce de détail.
De façon plus générale, la « distance aux équipements » est un facteur important.
« Les communes dont certains équipements ont disparu, et qui se sont trouvées éloignées à plus d’une heure de la prochaine ville équipée, ont une probabilité nettement plus élevée de connaître des évènements gilets jaunes: 50 % de plus que la moyenne des autres communes » indique l’étude. Au contraire, « les communes dont le temps de trajet a diminué ont une probabilité plus faible d’avoir connu un événement gilets jaunes. »
D’autre facteurs, comme la hausse de la fiscalité locale, la chute des transactions immobilières (signe d’une perte d’attractivité du territoire) et la disparition des associations pour permettre le lien social ont aussi eu un impact important.
Alors comment remédier à cette crise latente? « Il faut remettre du lien social, il faut remettre, par exemple, des fonctionnaires » dans certains services de proximité, assure Philippe Martin. Il faut aussi « redéfinir les objectifs d’aides aux territoires en prenant en compte toutes les dimensions du bien-être et non les seuls critères économiques » jugent les auteurs de l’étude. Mais aussi redynamiser les centres-villes qui se dépeuplent.
Poster un Commentaire