L’épouse de l’ancien Premier ministre et candidat à la présidentielle 2017 a peiné à justifier de la réalité de ses missions rémunérées pour son mari, ce jeudi devant le tribunal correctionnel de Paris.
« Nous avons mal pour vous de ce côté de la barre ». Depuis une heure, Penelope Fillon peine à détailler les missions qui lui ont valu d’être employée comme assistante parlementaire par son mari lorsque le magistrat du parquet national financier (PNF) lui fait cet aveu. Plutôt que d’être agacée par les réponses évasives ou les souvenirs approximatifs de la prévenue, l’accusation joue sur l’empathie. « Nous ne nous réjouissons nullement de vous voir à la barre, avait indiqué quelques minutes auparavant le second magistrat du parquet. Nous compatissons car nous savons combien cet exercice est difficile. » Il le fut effectivement.
Entre les questions chirurgicales de la présidente et les piques du parquet, l’épouse de l’ancien Premier ministre, poursuivie pour complicité et recel de détournement de fonds publics, a passé une après-midi désagréable ce jeudi.
«J’ai toujours travaillé en retrait»
Embauchée dès la première élection de son mari en 1981, Penelope Fillon assure avoir toujours tenu le même rôle : en substance, assurer le lien avec les habitants de la circonscription, gérer le courrier adressé à leur domicile et rédiger de petites revues de presse locales. Mais si son époux fournira des explications à l’absence de traces laissées par ce labeur _ archives détruites, notes volantes, recommandations informelles_ Penelope Fillon l’admet en fin d’audience : « Il n’y a pas beaucoup de preuves concrètes de ce que je faisais ».
« J’ai toujours travaillé en retrait. Je n’étais pas sur le devant de la scène », développe-t-elle lorsque le parquet évoque l a fameuse interview accordée en 2007 au Sunday Telegraph dans laquelle elle explique ne jamais avoir été l’assistante de son mari et apprécier « observer le monde du travail ». « Vous êtes une travailleuse passive. C’est assez surprenant comme concept », ironise le PNF.
Mais le tribunal va dans le détail et s’attarde longuement sur les premières missions ponctuelles qui lui ont été confiées entre 1981 et 1985, quand bien même leur cas est prescrit. Ainsi de celle sur « l’aménagement du bocage sabolien » facturée 30 000 francs ou bien celle sur « l’organisation du secrétariat ». « C’est mon mari qui m’a donné les thèmes », répond la Galloise qui commence la plupart de ses réponses par cette même formule renvoyant à son époux. La présidente cherche des exemples précis du travail accompli mais ça coince.
Un François Fillon sentencieux
Le tribunal s’étonne aussi des salaires conséquents mais surtout variables qui lui sont octroyés pour chaque contrat. « Je pense que mon mari a décidé du montant en fonction du crédit qu’il avait de disponible », avance-t-elle avec son accent légèrement british.
Interrogé à son tour, François Fillon assume : « La rémunération de Penelope, oui, c’était une variable d’ajustement par rapport à l’enveloppe disponible. La rémunération de mes collaborateurs, c’est moi qui la fixe en fonction des règles de l’assemblée nationale. Je n’ai de compte à rendre à personne ». Le PNF s’étrangle mais saisit la balle au bond. « Vous confirmez bien que les rémunérations étaient fonction du crédit disponible et non de la tâche confiée ? » « Cette question méconnaît la séparation des pouvoirs. Le parlementaire est seul maître des tâches et de la rémunération », assène l’ancien Premier ministre, sentencieux.
«Madame, une première expérience professionnelle, ça marque quand même !»
Le tribunal insiste et ne cesse d’appuyer là où ça fait mal. Lors de leurs premières déclarations face aux enquêteurs après la révélation de l’affaire, ni Penelope Fillon, ni son mari n’ont évoqué ces premières années de collaboration. « J’ai oublié », admet la Galloise qui invoque la pression. « Madame, une première expérience professionnelle, un premier salaire, ça marque quand même ! » tance la présidente.
« J’entends l’émotion même si elle est difficilement crédible de mon point de vue », raille le parquet. Quant à l’absence de déclarations de congés payés – une manière de toucher de confortables primes de fin de mission — Penelope Fillon reconnaît « une négligence ». « Avec le recul, j’aurais dû regarder, consent-elle. Mais je ne m’occupais pas des détails administratifs des contrats. C’était mon mari. » Le refrain est connu.
«Défendre son honneur et celui de son épouse»
La collaboration entre Penelope Fillon et son mari a cessé courant 2013. Parce que François Fillon avait décidé de se consacrer à la présidentielle, assurent-ils de concert. Le PNF y voit plutôt l’imminence de la mise en place de la haute autorité sur la transparence de la vie publique (HATVP) qui a obligé les parlementaires à dévoiler le nom de leurs collaborateurs. « Je l’ai déclarée à toutes les autorités depuis 2000 », réplique François Fillon. « Sauf que celle-là était publique », avance le PNF qui s’étonne de ce « hasard du calendrier ».
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