Coronavirus: pourquoi le nombre de morts en France est plus important qu’en Allemagne

1/04/2020 – https://www.huffingtonpost.fr/

L’épidémie de Covid-19 semble autant toucher les deux pays, mais la courbe des décès y est très différente. Plusieurs pistes permettent d’expliquer cet écart.

En France, le nombre de morts a atteint 4032 ce mercredi 1er avril, avec 509 nouveaux décès, a annoncé le directeur général de la Santé Jérôme Salomon. La veille, l’Allemagne dénombrait 732 personnes décédées à cause du nouveau coronavirus Sars-Cov2. Soit un taux de mortalité brut (à prendre avec des pincettes, comme nous allons l’expliquer) d’environ 1%, contre 7% pour la France, si l’on rapporte au nombre de cas officiellement déclaré.

Pourquoi notre voisin a-t-il des chiffres si bas? “C’est difficile à démêler (…) Nous n’avons pas de vraie réponse et c’est probablement une combinaison de différents facteurs”, admettait le 19 mars Richard Pebody, responsable à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La courbe ci-dessous est ainsi assez parlante:

Pour visualise le graphique: https://www.huffingtonpost.fr/entry/coronavirus-pourquoi-le-nombre-de-morts-en-france-est-plus-important-quen-allemagne_fr_5e84ad54c5b6871702a82e5c

Pour comprendre, il faut se plonger dans les statistiques et les courbes de différents pays et prendre les hypothèses une à une. C’est certainement un ensemble qui permet d’expliquer cette différence, dont notamment la stratégie allemande de tests massifs et ses implications.

Les explications qui ne suffisent pas

Pour commencer, on pourrait penser que, comme le Covid-19 est plus meurtrier chez les seniors, la population allemande est plus jeune. Sauf que l’âge médian chez nos voisins est supérieur (47,1) au nôtre (41,4).

On pourrait aussi se dire que l’épidémie a démarré plus tard en Allemagne. Cette explication n’est pas inintéressante, nous y reviendrons, mais ne suffit pas: au 1er mars, l’Allemagne dénombrait 111 cas, contre 100 en France.

Il est par contre avéré que la France et son voisin ne comptent pas les décès de la même manière. L’Allemagne ne réalise pas de test post-mortel sur des personnes décédées qui ne sont pas positives au Covid-19. La France réalise ce genre de tests, précise l’AFP. Pour autant, le gouvernement français ne communique pour l’instant que les morts en hôpitaux, ce qui devrait rapprocher le décompte allemand du décompte français.

Enfin, l’Allemagne dispose de plus de lits en soins intensifs que la France (25.000 contre 7000). Si la préparation du système hospitalier va clairement jouer un rôle, ici aussi, l’explication ne permet pas vraiment d’y voir clair: pour l’instant, le système français n’est pas saturé.

Des tests massifs aux nombreuses implications

L’un des éléments clés pour comprendre la différence entre les deux pays semble résider dans la politique de dépistage du coronavirus Sars-Cov2. “Au début, quand nous avions relativement peu de cas, quand il s’agissait de les trouver et de les isoler, nous nous en sortions assez bien en Allemagne”, explique au Washington Post Reinhard Busse, chef du département de gestion des soins de santé à l’université de technologie de Berlin. “C’est la raison principale”.

Et avec le temps, l’Allemagne a démultiplié sa capacité de tests pour rivaliser avec la Corée du Sud, laissant la France loin derrière, incapable de suivre pour l’instant la cadence. L’Allemagne pratique aujourd’hui près de 300.000 à 500.000 tests par semaine contre 35.000 à 85.000 en France, où seuls les cas sévères ou en milieu hospitalier sont dépistés.

Cette différence fondamentale pourrait avoir deux conséquences importantes. La première, c’est que Berlin a peut-être une vision plus claire de l’épidémie que Paris. “Nous ne savons pas exactement combien il y a de cas inconnus, mais nous estimons que ce nombre n’est pas très élevé”, a déclaré à NPR Lothar Wieler, directeur de l’agence fédérale allemande de la Santé. Alors qu’en France, le nombre de cas bénins de coronavirus est très certainement bien plus important que les chiffres officiels.

Cela veut dire que le fameux taux de mortalité évoqué plus haut est certainement plus proche de la réalité en Allemagne qu’en France. D’ailleurs, si les estimations varient et s’il est très difficile d’estimer le taux de mortalité pour les personnes atteintes par le Covid-19, de nombreuses études l’estiment aux alentours de 1% (entre 0,5% et 3% le plus généralement).

La France “en avance” sur l’Allemagne?

L’autre impact très important du dépistage massif, c’est la temporalité. “Je crois que nous faisons simplement beaucoup plus de tests que dans d’autres pays, et nous détectons notre épidémie de manière précoce”, explique à NPR Christian Drosten, directeur de l’institut de virologie de l’hôpital de la Charité à Berlin.

Avec des tests plus étendus, l’Allemagne a peut-être vu démarrer l’épidémie plus vite que la France. Le graphique ci-dessous compare l’évolution du nombre total de cas de Covid-19 à partir du moment où les deux pays ont dépassé officiellement la barre des 100 infectés, le 1er mars. On remarque que l’Allemagne a mis 8 jours de plus avant de franchir un autre cap, celui des 10 morts.

Pour visualise le graphique: https://www.huffingtonpost.fr/entry/coronavirus-pourquoi-le-nombre-de-morts-en-france-est-plus-important-quen-allemagne_fr_5e84ad54c5b6871702a82e5c

Cela voudrait donc dire que si l’Allemagne a moins de morts que la France, c’est peut-être parce que l’épidémie est beaucoup plus développée dans l’Hexagone aujourd’hui, mais moins “visible”, vu que le nombre de cas officiel est inférieur.

D’ailleurs, quand on regarde le nombre de décès quotidien en France, Italie et Allemagne (ici aussi, mis sur un pied d’égalité: le graphique démarre quand le cap des 10 morts est dépassé), on remarque que la progression allemande n’est pas si aberrante.

Pour visualise le graphique: https://www.huffingtonpost.fr/entry/coronavirus-pourquoi-le-nombre-de-morts-en-france-est-plus-important-quen-allemagne_fr_5e84ad54c5b6871702a82e5c

Une question d’âge

Dans les jours ou semaines à venir, l’Allemagne pourrait donc suivre un chemin similaire à celui de la France ou de l’Italie, même si l’impact des différentes mesures peut évidemment endiguer l’accélération.

D’ailleurs, le taux de mortalité de l’Allemagne continue de monter. Il y a une semaine, il était de 0,5%, contre 1% aujourd’hui. C’est exactement ce qu’il s’est passé pour la Corée du Sud, qui avait un étonnant taux de mortalité de 0,5% au début de son épidémie. Il est progressivement monté pour se stabiliser à 1,6%. C’est logique: un patient atteint du Covid-19 met du temps à développer des symptômes, puis une forme sévère et enfin, parfois, décéder.

Pour visualise le graphique: https://www.huffingtonpost.fr/entry/coronavirus-pourquoi-le-nombre-de-morts-en-france-est-plus-important-quen-allemagne_fr_5e84ad54c5b6871702a82e5c

Le pays asiatique a plusieurs points communs avec l’Allemagne. Il a mis en place une politique de dépistage massive. Également, les premiers cas touchaient plutôt de jeunes personnes de moins de 50 ans. C’est le cas aussi pour l’Allemagne, rappelle l’épidémiologiste Jark Lauterbach, interrogé par le Washington Post. Le Covid-19 a d’abord touché chez nos voisins des jeunes “revenant de vacances”.

Ces deux éléments laissent penser que le taux de mortalité en Allemagne devrait continuer de monter, sans pour autant atteindre ceux que l’on voit en France ou en Italie, qui ne reflètent encore une fois pas la réalité. Car à l’inverse de la Corée du Sud, qui a réussi à endiguer l’épidémie (via des tests massifs, mais également des mesures de distanciation sociale très respectées), l’épidémie de coronavirus n’a pas encore entamé sa chute en Allemagne.

L’évolution de ces prochains jours et prochaines semaines permettra peut-être de mieux comprendre si ces hypothèses suffisent à expliquer le faible nombre de morts en Allemagne ou si d’autres facteurs sont en jeu.

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