Le Texas a rouvert vendredi ses restaurants et centres commerciaux au lendemain de la journée la plus meurtrière du coronavirus dans l’Etat: un paradoxe qui résume la situation des Etats-Unis, où le déconfinement gagne du terrain sans que l’épidémie ait entamé un vrai reflux.
Avec le Texas, le plus important à redémarrer à la fois par sa taille, sa population et son économie, ce sont près de la moitié des 50 Etats américains qui ont commencé ou s’apprêtent à lever les restrictions.
A Houston, The Galleria, plus grand centre commercial texan, a recommencé à accueillir des clients mais au compte-gouttes, et bon nombre d’enseignes sont restées closes. Magasins, restaurants et cinémas doivent limiter la clientèle à 25% de leur capacité.
Le long d’une allée presque vide, Diane Curtis marche d’un pas vif. Elle est venue « acheter des chaussures » à la petite fille qu’elle tient par la main mais aussi « pour sortir de la maison ».
Elle assure ne pas craindre d’attraper le virus: « c’est comme pour toutes les maladies, ça partira mais ça prendra sûrement du temps. »
Egalement optimiste, Jack Sweed, qui travaille dans l’industrie pétrolière, estime que « les mesures de sécurité ont fonctionné » et se réjouir de retrouver son restaurant mexicain favori, Picos, qui a rouvert après quelques modifications: des barrières en plexiglas autour du bar, des nappes, des couverts et menus jetables, et des employés gantés et masqués.
De plus en plus impatient, à six mois de la présidentielle, de voir l’économie sortir de l’hibernation dans laquelle l’ont plongée les mesures pour endiguer le virus, Donald Trump a salué la réouverture décidée par le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbott.
Le président américain s’en est en revanche pris vendredi à celle du Michigan, la démocrate Gretchen Whitmer, au lendemain de l’irruption dans le Capitole de cet Etat durement touché par la maladie de manifestants armés réclamant l’assouplissement des restrictions.
– « Eteindre l’incendie » –
« La gouverneure du Michigan devrait lâcher du lest et éteindre l’incendie. Ce sont des gens très bien, mais ils sont en colère », a tweeté le milliardaire républicain.
Pourtant, le Texas ne remplit pas du tout les critères émis il y a seulement deux semaines par Donald Trump en vue d’un redémarrage du pays.
Cet Etat du Sud a enregistré jeudi 1.000 nouveaux cas et 50 morts du Covid-19, soit son bilan quotidien le plus lourd depuis le début de l’épidémie, pour un total de près de 800 décès. Les chiffres sont demeurés élevés vendredi (34 décès, 1.142 nouveaux cas).
Or la Maison Blanche estime qu’il faut constater une diminution des cas sur 14 jours avant une reprise progressive des activités.
Une tendance qui n’est avérée ni au Texas, ni dans plusieurs des autres Etats américains ayant, à des degrés divers, entamé leur déconfinement.
Surtout, au niveau national, les statistiques restent sombres.
– « Le plateau se prolonge » –
Avec 1,1 million de cas et plus de 64.300 morts, le pays est le plus endeuillé au monde par la pandémie. Et la propagation continue à un rythme soutenu, avec régulièrement des bilans de plus de 25.000 nouveaux cas et plus de 2.000 décès quotidiens.
La Maison Blanche place beaucoup d’espoirs dans l’antiviral remdesivir, qui a reçu vendredi des autorités sanitaires américaines un feu vert pour son utilisation en urgence, après un essai encourageant pour la durée de rétablissement des patients.
Les Etats-Unis sont bloqués depuis le début ou le milieu d’avril sur ce « plateau » dont ils peinent à redescendre.
Les grands foyers, comme celui de New York, où un confinement strict reste en vigueur avec les écoles fermées jusqu’à la fin de l’année scolaire, commencent lentement à refluer. Mais de multiples autres régions, comme la Virginie ou le Massachusetts, prennent le relais.
On est loin de la situation des pays européens comme la France, l’Italie ou l’Espagne, où un déconfinement extrêmement limité et prudent n’est envisagé qu’après avoir observé un vrai reflux de la propagation du virus.
« Il n’y a pas une épidémie unique aux Etats-Unis, elle évolue de manière différente selon les endroits du pays », explique à l’AFP William Hanage, professeur associé d’épidémiologie à la Harvard School of Public Health.
Relevant que les confinements à géométrie variable instaurés par les gouverneurs américains depuis plus d’un mois « n’ont rien à voir » avec celui, pur et dur, mis en place à Wuhan, en Chine, il estime qu’il s’agit « d’une des raisons pour lesquelles ce plateau se prolonge ».
« Sans mesures supplémentaires, on pourrait rester sur ce plateau pendant un bon moment », prévient aussi sur Twitter Jeremy Konyndyk, du cercle de réflexion Center for Global Development, qui appelle à s’intéresser davantage aux nouveaux épicentres de l’épidémie aux Etats-Unis: « les lieux de travail et les structures de soins peu sécurisés ».
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