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[ad_1] 2020-05-18 11:34:22 Source
Introduction : taxonomie [1] des requins capitalistes
Essayer de réformer le capitalisme est à peu près aussi futé que d’essayer de convertir un requin au végétarisme. Et c’est aussi dangereux. Ne vous approchez pas trop du gouffre béant de ces mâchoires avides si vous ne voulez pas vous faire croquer tout vif, comme en ont fait cruellement l’expérience tant de libéraux idéalistes de l’espèce présentée ci-dessous.
Hélas, la conclusion qu’impose l’histoire de cinq siècles de « progrès » capitaliste, c’est que de par sa nature même, le capitalisme ne peut entretenir sa croissance qu’en consommant la vie des ouvriers et en mâchouillant le monde naturel – tout comme le requin ne peut survivre sans se bourrer de chair fraîche et de sang.
Le premier terrain de chasse où les requins capitalistes se firent les dents fut l’Europe occidentale. Ils commencèrent par dévorer les communaux, raser les chaumières des paysans, envoyer à la potence les sans abri en les inculpant de vagabondage, dévaloriser le travail des femmes et les persécuter en les accusant de sorcellerie et chasser des campagnes les petits paysans propriétaires pour les enfermer dans l’enfer des fabriques.
Les premiers requins capitalistes firent leur apparition dès 1492 au large des Amériques, occupés à dévaster les Caraïbes. Par la suite, dans leur furieuse fringale d’or et d’argent, ils exterminèrent quasiment les populations indigènes. Jamais rassasiés, les requins coloniaux remplacèrent les indigènes morts par des importations constamment renouvelées d’Africains razziés, voués à se tuer au travail en tant qu’esclaves. Les voraces requins de race blanche ne cessaient de grossir en taille et en audace, s’engraissant aux dépens de générations d’hommes, de femmes et d’enfants dont ils suçaient la substance à raison de quatorze heures quotidiennes d’un travail inhumain dans des usines suffocantes de suie ou sous le fouet des contremaîtres des plantations.
Croissant toujours en taille comme en appétit, dans les dernières décennies du XIXème siècle les requins impérialistes parvenus à la pleine maturité et en proie à une fringale effrénée se jetèrent sur les populations innombrables et sur les fabuleuses richesses de l’Afrique et de l’Asie.
A l’aube du XXème siècle, les requins capitalistes commencèrent à s’en prendre les uns aux autres, comme toujours quand la fringale tourne à la rage. Bien entendu, les plus gros avalèrent les plus petits mais ces géants n’en continuèrent pas moins à s’entredéchirer et à se mordre partout sur la planète.
A ces requins toujours plus gros, il fallait toujours plus de proies – et bientôt, les diverses espèces se groupèrent en bancs pour accroître leur potentiel d’agression mutuelle. Les ichtyologistes politiques distinguent au moins quatre regroupements de ce genre : le freemarketus omnivorus, le fascistus visciosus, le rapacius stalinoidus et le theocraticus ferocius.
Après chaque orgie de destruction mutuelle, les survivants jouissaient de quelques années de prospérité et d’engraissement, avant que le retour des années maigres ne les jettent dans de nouvelles hécatombes.
A l’orée du XXIème siècle, les vieux requins de l’espèce occidentale se virent défiés sur leurs terrains de chasse traditionnels par de jeunes générations de requins à croissance rapide – chinois, indiens, russes, iraniens et brésiliens, mieux adaptés à la capture des variétés locales de poissons et de plus en plus compétitifs. Le bouillonnement sanglant atteignit des mers jusqu’alors paisibles, mais avec la multiplication des chasseurs, le stock de gros gibier ne tarda pas à s’épuiser et ils durent se rabattre sur la masse des petits poissons.
Dans cette guerre de tous contre tous, le succès alla principalement à ceux qui surent combiner à la férocité la ruse. Les proies se faisant rares, ces requins plus malins que les autres se revêtirent de couleurs trompeuses pour se confondre avec les hauts fonds et se jeter par surprise sur les petits poissons, les seuls qui restaient, et les dévorer. D’autres, plus malins encore se peignirent en vert et d’autres encore, pour mieux tromper leurs proies, se prétendirent végétariens.
Dès 1930, le spécialiste allemand du requin capitaliste, Herr Doktor Bertolt Brecht avait prévu ce phénomène : « Si les requins étaient des hommes, ils mettraient fin à cette situation présente où tous les petits poissons sont égaux. Certains se verraient confier d’importantes fonctions qui les placeraient au-dessus des autres. On permettrait même à ceux qui sont un peu plus gros de manger les plus petits. Ce qui conviendrait parfaitement aux requins, puisqu’ils auraient ainsi l’occasion d’avoir eux aussi des proies plus considérables à dévorer. Et les plus gros des petits poissons useraient des pouvoirs qu’on leur avait donnés pour maintenir l’ordre parmi le menu fretin et promouvoir des professeurs, des officiers, des ingénieurs, etc. »
Mettant ses pas dans les traces augustes de Herr Brecht, votre humble serviteur a consacré les cinquante dernières années à patiemment repérer aux quatre coins du monde les spécimens de comportement propres aux requins « végétariens », qu’ils portent l’aileron à gauche ou à droite. Ces descriptions anatomiques visent à aider le lecteur à reconnaître les différentes espèces qu’il voit frétiller dans l’aquarium de son écran télé. Cette Taxonomie des requins capitalistes constitue sa modeste contribution scientifique à la cause du peuple travailleur et autre menu fretin engagé dans la lutte de classe des riches contre les pauvres, dans laquelle les riches ont eu pendant bien trop longtemps l’exclusivité de l’initiative.
Les travaux les plus récents en Ichtyologie politique ont identifié dix-sept nouvelles espèces de requins prétendus végétariens, parmi lesquels le requin oxymoronique « charbon propre » et celui du « grand derrick vert », l’insaisissable requin de l’ « économie percolateur » ou des « sacrifices partagés », le milliardaire philanthrope, le praticien de la « guerre humanitaire », le conservateur « compatissant », l’apôtre du « nucléaire propre » et celui du « changement crédible ».
A tous ces requins qui se prétendent végétariens pas question de leur faire passer le goût de la chair humaine ni même de leur faire suivre un régime du genre de celui que les réformateurs libéraux voudraient nous imposer. C’est tout simplement contraire à leur nature (voire figure 1).
Aujourd’hui, toutes ces variétés végétariennes se portent on ne peut mieux, malgré la défiance croissante des petits poissons, parmi lesquels certains vont jusqu’à exiger qu’on exclue de leurs bancs tout requin, de quelque régime alimentaire qu’il se réclame. Il est vrai que la sélection naturelle a rendu les petits poissons survivants plus perspicaces et il se trouve même parmi eux des scientifiques et des lanceurs d’alerte siffleurs qui s’efforcent de comprendre pourquoi tant de petits poissons continuent à se laisser abuser par le déguisement végétarien pourtant transparent de leurs prédateurs.
Il ressort d’observations récentes que de nouvelles espèces de requins capitalistes se sont dotés d’yeux médiatiques scintillants et multicolores grâce auxquels ils réussissent à hypnotiser leurs proies. D’autres injectent dans les assemblées de petits poissons une substance toxique verte appelée « contributions de campagne » qui paralyse complètement leurs membres.
Une autre astuce des requins capitalistes consiste à engraisser des poissons Judas qui, sous prétexte de « représenter » les petits poissons les attirent entre les mâchoires béantes des requins privatiseurs aux aguets ; ceux-ci engloutissent par bancs (d’école) entiers les jeunes poissons qui apprennent à nager. Ces mêmes poissons Judas rôdent tout aussi innocemment au sein des O.N.G, des « groupes de réflexion », des universités, des bureaucraties syndicales et des partis politiques de gauche. Aussi, ouvrez l’œil !
Dans toute cette triste plaisanterie, le comble c’est que les requins milliardaires et les Judas à leur solde ne cessent de hurler à la « guerre de classe » chaque fois que, parmi les petits poissons, un réformiste modéré ose prononcer les mots abominables
d’ « impôts » ou de « dépenses ». Car ils refusent que les petits poissons taxent leurs profits démesurés et financent les biens d’intérêt public que sont l’éducation, le logement, les hôpitaux, les infrastructures, l’environnement, la santé, les retraites, l’assistance maternelle, les transports publics, le traitement des drogués et des alcooliques… dont les petits poissons ont un besoin criant.
Depuis 1980, les requins privatiseurs néolibéraux qui mènent la guerre de classe planétaire ont réussi à dévorer l’essentiel de ces biens d’intérêt collectif dans ce qu’on appelle le « monde en développement » et ont commencé à s’en goberger aussi dans les pays dits « avancés ».
Aujourd’hui, ces mêmes requins capitalistes apparus pour la première fois en 1492 sur les côtes sud-américaines continuent à dévorer les peuples de la planète. Dans leur fringale inextinguible de profits, ils pénètrent les recoins les plus reculés pour s’approprier l’eau, polluer l’air, exterminer les animaux et asservir les gens. Depuis le krach de 2008, la dépression s’est installée sur le monde tandis que l’échéance d’un bouleversement climatique catastrophique se rapproche de jour en jour.
Le capitalisme prédateur n’a pas plus de chance de se réformer de lui-même qu’un requin anthropophage de se faire végétarien. Il est grand temps pour les milliards de petits poissons que nous sommes de renverser les rôles et de nous unir à l’échelle du monde afin de retourner la guerre de classe contre les requins usuriers qui règnent sur la planète.
Le nom du jeu ici proposé est « Les milliards contre les milliardaires ». Le Nombre est l’atout maître des petits poissons : « Nous sommes nombreux, ils ne sont que quelques-uns « a dit le poète Shelley. Si donc il n’y a qu’une chance sur cent de gagner la partie, la carte à jouer est celle de l’« auto-organisation planétaire ». Il ne s’agit pas d’opposer à la violence capitaliste une violence plus grande, à la terreur, la terreur, au requin le barracuda – de toutes façons, ils possèdent toutes les armes. Il s’agit de mettre en œuvre la solidarité et l’unité dans la résistance.
Ça a l’air de châteaux en Espagne ? Dis-toi bien ceci, cher lecteur : le jour où nous nous réveillerons tous, nous autres petits poissons, pour déclencher une grève générale planétaire sera le jour où le pouvoir des banquiers et des multinationales s’évaporera dans les airs. Grâce à Internet, la désobéissance civile de masse à l’échelle du monde peut être organiser en temps réel. Et ce jour-là pourrait être demain. [2]
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