Fabienne Orsi, chercheuse engagée dans la défense de l’hôpital public, co-initiatrice de l’Appel à la tenue d’un Atelier démocratique et populaire pour la refondation du service public hospitalier, a adressé une lettre à la direction de l’APHM à l’occasion d’une expérience sensible, lettre qu’elle a choisie de rendre publique en solidarité avec toutes celles et tous ceux qui continuent de se mobiliser pour un hôpital public humaniste et de qualité. En publiant cette lettre, Fabienne Orsi en appelle également à la nouvelle maire de Marseille qui, traditionnellement, est aussi présidente du Conseil de surveillance de l’APHM. Pour elle, il y a urgence.Lettre adressée à Jean-Olivier Arnaud, directeur général de l’APHM et Pierre Pinzelli, secrétaire général de l’APHM Copie à Sylvia Breton, directrice générale adjointe, Caroline Peragut, responsable du service communication, Dominique Rossi, président de la CME, Jean-Luc Jouve, chef de pôle de pédiatrie, membre du Collectif InterHôpitaux.
Marseille le 13 juillet 2020
Messieurs,
Il y a 9 mois vous refusiez que se tienne à la Timone le débat public que j’organisais avec des collègues chercheurs et que nous avions intitulé « Où va l’hôpital public ? ».
Aujourd’hui, voyez où nous en sommes. Les soignants n’en peuvent plus de manifester leur colère et leur rage face à des autorités publiques sourdes à l’état de déliquescence du service public hospitalier.
Et vous, quelle est votre position ? Quelle est la position de la direction de l’APHM ?
Nous aimerions tellement vous entendre, nous, « usagers » de l’hôpital public de Marseille.
Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui font que dans le sixième pays le plus riche du monde, dans la deuxième ville de France, l’hôpital public soit dans un état de pourrissement sans nom, des chambres sans douche, sans eau chaude, des fenêtres sans stores, sans gel hydro-alcoolique ?
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, alors que la qualité de l’alimentation est la condition première d’une bonne santé et devrait donc être à la base de toute démarche de soin, ce sont des plateaux-repas industriels et insipides qui sont servis aux patients, des plateaux-repas qui coûtent une fortune aux contribuables et qui vont à l’encontre de toute logique environnementale ?
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, dans le plus moderne des services d’urgences, on peut y attendre plus de quinze heures sur un brancard, dont six à attendre un scanner car un seul scanner est disponible la nuit dans le plus grand hôpital public de Marseille ? Que les patients âgés, perdus, fragiles soient attachés à leur brancard faute de personnels pour en prendre soin, qu’aucune distribution de masques ne soit régulièrement faite aux patients pendant leurs longues heures d’attente aux urgences ? Rappelez-moi combien dure l’efficacité d’un masque chirurgical ?
Je vous joins quelques photos prises çà et là, dans l’éventualité où vous n’ayez pas le temps de vous rendre dans l’hôpital public, depuis vos bureaux de la rue Brochier.
Pour ma part, je n’oublierai pas le regard de cette vieille dame m’implorant d’une voix toute fine et douce de la détacher alors même que comme elle, tout près d’elle, j’attendais sur un brancard mon heure de passage au scanner la nuit.
Je suis certaine que vous prendrez le temps de répondre à mon courrier, et que vous aurez à cœur de montrer votre mobilisation pour que cette grande institution républicaine que constitue l’hôpital public redevienne la fierté de notre beau pays.
Avec mes meilleures salutations
Fabienne Orsi est co-initiatrice de l’Appel à la tenue d’un Atelier populaire et démocratique pour la refondation du service public hospitalier avec le Collectif Inter-hôpitaux, les Économistes Atterrés, le Collectif Inter-Urgences, le Printemps de la psychiatrie, les Ateliers travail et démocratie
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