Macron rattrapé par le boulet Villiers

PUY-DU-FOU
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Par Jonathan Bouchet-Petersen — 
Emmanuel Macron au Puy du Fou en août 2016. Photo Loic Venance. AFP

Alors que les rassemblements de plus de 5 000 personnes sont toujours interdits, le Puy-du-Fou a pu accueillir samedi soir 9 000 spectateurs. Une décision polémique, du préfet de Vendée, qui fait suite à un traitement de faveur accordé au parc d’attractions par le Président.

Nouveau traitement de faveur pour le Puy-du-Fou, où 9 000 spectateurs ont assisté samedi soir au spectacle quand la jauge reste de 5 000 personnes maximum pour la quasi-totalité des manifestations culturelles et sportives ? Alors que la proximité entre Villiers et Macron, largement relayée par le Vendéen vociférant dès qu’il en a l’occasion, est de notoriété publique, elle apparaît aujourd’hui comme un boulet pour le chef de l’Etat davantage que comme un subtil signal envoyé à la France souverainiste.

Accusation de népotisme

Ce week-end, l’Elysée a ainsi été obligée d’assurer dans le Journal du dimanche que la dérogation dont le Puy-du-fou a bénéficié samedi soir, loin d’être un fait du prince, est une décision de la préfecture de Vendée, seule. Selon une confidence d’un proche du président de la République rapportée par l’hebdomadaire et visant à contrer toute accusation de népotisme, Macron aurait même été «surpris» en apprenant la nouvelle. De son côté, la préfecture a, elle, justifié son choix par le «niveau de vulnérabilité limité» constaté ces derniers jours dans le département, assurant qu’elle pourrait de nouveau autoriser une telle jauge le week-end prochain.

Depuis le début, quelque chose cloche dans ce pas de deux entre Emmanuel Macron et Philippe de Villiers. Pourquoi ce Président, héros autoproclamé des «progressistes», entretient-il ostensiblement une relation particulière et même privilégiée avec une figure, qui plus est largement démonétisée, de la France réac, intolérante et volontiers complotiste ? Question de sympathie personnelle (c’est son droit, mais à titre privé) ou de stratégie politique visant à flatter la droite «dissidente» comme lors de ses appels téléphoniques à Jean-Marie Bigard ou Eric Zemmour ? L’un n’exclue pas l’autre. On se rappellera qu’en août 2016, Macron ministre de l’Economie avait surpris son monde en débarquant chez le souverainiste au Puy-du-Fou, une étape quelque peu contre-intuitive dans les prémices de son épopée présidentielle. On a aussi découvert depuis un Président, tout quadra qu’il est, plus attiré par la culture d’hier que par celle d’aujourd’hui. Plus Stéphane Bern que Billie Eilish en somme.

Sms présidentiel

Si l’Elysée assure ne pas être intervenue, la préfecture traite-t-elle avec l’équité requise celui qui est considéré comme un «proche» du président de la République, le genre à faire du barouf pour que son sort soit jugé à part ? La question est évidemment légitime. La décision de rouvrir le parc d’attractions dès le début du mois de juin avait en effet été prise personnellement par Macron en conseil de défense alors que son Premier ministre Edouard Philippe n’y était pas favorable. Informé dès la mi-mai par un sms présidentiel, Villiers s’était d’ailleurs empressé de le publier sur Twitter. Et le Puy n’en est pas resté là : en juillet, le parc d’attractions a de nouveau été au cœur d’une polémique en accueillant 12 000 personnes à un seul et même spectacle alors que la limite de 5 000 personnes courait jusqu’à fin août. Après la diffusion d’images par France Télévisions et un bad buzz sur les réseaux sociaux, la direction du parc avait assuré s’appuyer sur une décision validée par le préfet, mais celui-ci avait réfuté tout accord de sa part. Le Puy avait dû rétropédaler, jusqu’à ce samedi où la préfecture a donné son accord à l’accueil de 9 000 spectateurs. Pour le reste du pays, l’interdiction des rassemblements de plus de 5 000 personnes vient d’être prolongée jusqu’au 30 octobre.

Jonathan Bouchet-Petersen


RESEAUX SOCIAUX Le parc d’attractions Puy du Fou, situé en Vendée, a eu l’autorisation d’accueillir jusqu’à 9.000 spectateurs lors de son spectacle de samedi, l’Elysée assure au « JDD » ne pas être intervenu

H. B.

La Cinéscénie du Puy du Fou.
La Cinéscénie du Puy du Fou. — Puy du Fou

La jauge de 5.000 personnes a largement été dépassée au Puy du Fou. Le parc d’attractions, situé en Vendée, a eu l’autorisation d’accueillir ce samedi 15 août jusqu’à 9.000 spectateurs lors de son spectacle nocturne de la Cinéscénie. Un arrêté préfectoral, donnant cette dérogation au Puy du Fou, a été pris le 10 août dernier.

En pleine crise sanitaire, et alors que le gouvernement vient d’annoncer que l’interdiction des événements de plus de 5.000 personnes était prolongée jusqu’au 30 octobre, cette dérogation fait grincer des dents…

« Passe-droit », « grande confusion »…

Plusieurs élus, et de nombreux internautes, n’ont pas du tout apprécié cette dérogation et l’ont fait savoir sur les réseaux sociaux. Beaucoup d’internautes se sont dits « choqués » et « scandalisés » par une telle décision, prise dans un contexte d’augmentation des cas de Covid-19  ces derniers jours en France.

Certains ont fustigé un « passe-droit », pointant du doigt les liens entre Emmanuel Macron et Philippe de Villiers, créateur du parc. « Le #puydufou de la famille de Villiers est autorisé par le préfet à accueillir 9.000 spectateurs demain. Le copinage, le #2poids2mesures en permanence, c’est épuisant », a notamment tweeté une internaute.

D’autres ont pointé la différence de traitement concernant les stades de foot, qui ont rouvert sous conditions.

De nombreux élus de gauche, écologistes, socialistes et communistes, ont également déploré cette dérogation accordée au Puy du Fou. « Il y a les incitations générales à la distanciation physique (prenons soin de nous !)… et il y a les dérogations pour les amis du Président. Macron avait avancé la réouverture du #Puydufou, là ils l’autorisent à créer des clusters #coronavirus », a tweeté Julien Bayou, secrétaire national d’EELV.

« Donc à partir du 15 août, le gouvernement interdit les évènements de plus de 5000 personnes. Ce même 15 août pourtant, le #puydufou pourra, sur dérogation, accueillir 9.000 personnes ! Notre santé vaut bien plus qu’un passe-droit pour l’ami du président ! », a également écrit sur Twitter David Belliard, maire adjoint EELV de Paris.

Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a quant à lui relevé une « grande confusion ». Le sénateur socialiste Rachid Temal ou encore l’eurodéputée Place Publique Aurore Lalucq ont également pris la parole ce samedi pour fustiger cette décision.

L’Elysée assure ne pas être intervenu

Cette dérogation controversée a été accordée le 10 août par la préfecture de Vendée. « Les campagnes de dépistage montrent que le niveau de vulnérabilité est très limité », a-t-elle notamment justifié dans un communiqué.

Face aux accusations de « passe-droit » et de « copinage », la présidence de la République a affirmé qu’il n’y avait « eu aucune intervention de l’Elysée » pour outrepasser le seuil des 5.000 personnes, selon le JDD. Un proche du Président aurait même laissé entendre que le chef de l’Etat aurait été « surpris » par la décision préfectorale et aurait « appelé à la vigilance et à l’équité » dans le contexte du Covid-19.

Le Puy du Fou, situé aux Epesses (Vendée), avait déjà créé la polémique en juillet dernier en obtenant une dérogation lui permettant d’accueillir pour un même spectacle 12.000 personnes, réparties en trois tribunes de 4.000 spectateurs, séparées par des parois en plexiglas. Le parc était repassé sous la barre des 5.000 spectateurs accueillis, suite à la diffusion d’un reportage de France Télévision sur le sujet, le 25 juillet dernier.

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