Après les manifestations très massives de la semaine dernière contre la loi Sécurité Globale, la mobilisation reprenait ce samedi sous haute surveillance policière. Des manifestations importantes comme en témoignent les dizaines de milliers de manifestants dans plus de 90 cortèges qui se sont élancés partout en France Mais une mobilisation moins ample que la semaine passée de sorte que la coordination qui se présente comme la direction du mouvement devrait commencer à se questionner sur sa stratégie, et son socle revendicatif.
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samedi 5 décembre
Une journée de mobilisation placée sous le signe du contrôle policier
Après une semaine marquée par la tentative du gouvernement d’avancer de pseudo-concessions pour tenter d’apaiser la colère – avec l’annonce de la « réécriture » de l’article 24, les annonces de Darmanin concernant une éventuelle réforme de l’IPGN ou encore l’interview accordée à Brut par le Président de la République -, le gouvernement avait choisi ce samedi de renforcer drastiquement la présence policière pour étouffer la mobilisation. Partout, la journée a ainsi été marquée par une volonté d’entraver la manifestation. La veille, la manifestation avait ainsi été interdite à Montpellier par la Préfecture. A Bordeaux, c’est l’accès au centre-ville qui a été interdit de même qu’à Lille, tandis qu’à Nantes le passage dans le centre-ville a fait l’objet d’âpres discussions avant d’être finalement autorisé. A Lyon, la manifestation n’a été autorisée que sur la rive gauche du Rhône. A Rennes, toute manifestation non déclarée avait été interdite la veille.
Corollaire de cette volonté d’entraver la mobilisation, des dispositifs policiers massifs. A Paris, ce sont plus de 6000 policiers et gendarmes qui ont été mobilisés pour « sécuriser » le parcours de la porte des Lilas à la Nation. Dès son départ de la Porte des Lilas, lieu excentré des lieux de pouvoir, la manifestation parisienne a ainsi été placée sous une forte pression policière avec des contrôles et des interpellations de manifestants et un encadrement très serré. Dans le reste de la France, la police était également sur le pied de guerre. A Bordeaux, un canon à eau était de sortie accompagné d’un dispositif massif pour empêcher l’accès au centre-ville. Le dispositif était également très important à Marseille, Rennes, Lyon et Toulouse.
Départ de la #MarcheDesLibertes à Paris #StopLoiSecuriteGlobale
Dispositif policier très imposant ! pic.twitter.com/aEYHqLyG2p— Cerveaux non disponibles (@CerveauxNon) December 5, 2020
Les dispositifs policiers massifs ont favorisé les tensions dans les cortèges. A Paris, ils ont donné lieu à des affrontements qui se sont suivis d’un gazage massif et du nassage de l’arrière du cortège, dont les manifestants n’ont finalement été libérés que pour être gazés, empêchant ainsi toute une partie de la manifestation d’avoir lieu. Place de la République, la répression s’est poursuivie avec l’usage de GLI-F4 qui aurait provoqué l’amputation d’une partie ou de la totalité de la main d’un manifestant d’après plusieurs témoignages sur les réseaux sociaux. A 19h30, 21 personnes avaient par ailleurs été placées en garde à vue.
Des milliers de manifestants dans toute la France malgré la répression et la division des marches
Ces dispositifs policiers très forts n’ont cependant pas empêché des dizaines de milliers de personnes de manifester dans toute la France. A Marseille, la mobilisation a été dynamique. La marche hommage à Zineb Rédouane s’est mêlée à la manifestation contre la loi sécurité globale et à la manifestation des précaires et sans-papiers et plusieurs milliers de manifestants ont ainsi parcouru la ville dans un cortège dynamique. A Lille, près de 3000 personnes ont manifesté. A Strasbourg, autour de 2000 personnes ont manifesté comme la semaine précédente.
Refoulée du centre ville par un dispositif policier conséquent, une foule des grands jours remonte désormais vers la gare Saint Charles #LoiSecuritaireGlobale #ViolencesPolicieres #StopLoiSécuritéGlobale #Marseille pic.twitter.com/PvsrFoiFtj
— Saléiodé (@saleiode) December 5, 2020
"On veut tous, filmer la police !" scandent des militants de collectifs contre les violences policières dont @UNPA75, qui milite depuis des années autour de la nécessité de filmer la police et les violences policières. pic.twitter.com/vABhNNi3GA
— Révolution Permanente (@RevPermanente) December 5, 2020
Pour élargir le mouvement, se doter d’une stratégie et d’objectif clair, penser les alliances
Samedi dernier, des dizaines de milliers de personnes déferlaient dans la rue contre l’offensive autoritaire du gouvernement, et sous l’émotion vive suscitée par les vidéos de violences policières perpétrées contre des migrants Place de la République et contre Michel Zecler. Suite à ce pic de mobilisation, force est de constater que la Coordination n’a pas réussi à battre le fer tant qu’il était chaud pour assurer une mobilisation d’ampleur. En ne donnant comme perspective, dans son communiqué du 28 novembre, qu’un appel à ce que Macron « entende le peuple », la Coordination a laissé planer un flou sur la suite de la mobilisation. Dans la continuité de sa politique de dialogue avec le gouvernement incarné par la rencontre avec Gérald Darmanin et le courrier adressé à Jean Castex, la Coordination semble avoir eu l’espoir d’une réponse du gouvernement et l’illusion que celui-ci plierait à l’issue d’une grande journée de mobilisation.
Des illusions et un manque de fermeté dans lequel le gouvernement s’est engouffré en proposant une pseudo-concession par la réécriture de l’article 24 pour démobiliser une partie des manifestants. Une annonce à laquelle la Coordination n’a répondu que le lendemain soir, en dénonçant correctement la diversion opérée et en appelant à la lutte, mais en laissant ainsi s’installer le doute. De façon évidente, ces flottements n’ont pas participé à élargir le mouvement, et à s’opposer de manière claire à l’ensemble de la loi Sécurité Globale et pas seulement à trois articles dont l’article 24. Pire, elles ont fait miroiter qu’une solution pouvait venir d’en haut sans jamais œuvrer à batailler contre les manœuvres gouvernementales et à afficher une détermination à même d’entraîner non seulement plus largement mais à encourager l’auto-organisation.
Pour renforcer le mouvement, plus que jamais, il est nécessaire d’œuvrer à l’auto-organisation. En ce sens, la génération Adama qui se politise actuellement sur la question des violences policières et de l’anti-racisme très présente samedi dernier, faisait cruellement défaut ce samedi. Du côté du mouvement ouvrier, malgré la convergence avec les marches contre le chômage et la précarité, celui-ci n’a pas été au rendez-vous. En dépit de la colère contre l’offensive autoritaire du gouvernement et face à la crise économique, les directions syndicales n’ont fait aucun travail pour tenter de mobiliser leur base et contribuer à la construction d’un mouvement massif contre le gouvernement.
Pour faire un saut et profiter de la brèche ouverte contre Macron et sa loi Sécurité Globale, il est nécessaire de ne pas restreindre comme tend à le faire la Coordination le cadre du mouvement à quelques articles de la loi sécurité globale et au schéma national du maintien de l’ordre. Alors que le gouvernement a tenté de clore temporairement le dossier de la Loi Sécurité Globale et remis son offensive islamophobe au premier plan cette semaine, avec l’annonce de la dissolution du CCIF et l’opération lancée par Darmanin contre 76 mosquées, le refus de prendre en charge cette question a conduit la Coordination à garder le silence à un moment où elle aurait pu porter une parole forte. Une parole qui, en lien avec l’article 25 de la loi séparatisme, aurait pu permettre d’élargir la mobilisation notamment aux quartiers populaires. Paradoxalement, alors que dans son dernier communiqué la Coordination explique que le gouvernement essaie « de sortir l’article 24 de la proposition de loi Sécurité globale… pour mieux inclure ses dispositions dans l’article 25 de la loi sur le séparatisme » elle se refuse toujours à dénoncer le retrait du projet de loi islamophobe !
S’auto-organiser sur les lieux d’études et de travails, dans les quartiers pour imposer notre issue
Pour massifier la mobilisation, il faudra donc s’en donner les moyens. Cela passe par la nécessité d’impulser partout où cela est possible des cadres d’auto-organisation, dans les lieux d’études, dans les lieux de travail, dans les quartiers populaires, et de penser la stratégie à adopter pour chercher les points de contacts avec les autres secteurs de la population opposées à la loi sécurité Globale mais aussi à l’ensemble de la stratégie sanitaire du gouvernement et aux conséquences sociales de la crise économique. En ce sens, il est plus que nécessaire que le mouvement ouvrier prenne part à ces mobilisations pour y agréger sa force de frappe en liant la question des licenciements à celle de l’offensive autoritaire qui ne sont que les deux faces d’une même pièce.
Pour rendre possible une telle démarche, il y a urgence à en finir avec les illusions du dialogue avec le gouvernement pour ne laisser aucune place au doute et revendiquer le retrait total de la loi sécurité globale. En outre, alors que la loi séparatisme revient sur le devant de la scène, il est urgent d’inclure son retrait dans les revendications du mouvement et de construire des manifestations massives aux côtés de tous ceux qui seront dans la rue contre l’islamophobie le 12 décembre prochain, pour qu’une véritable mobilisation contre l’ensemble de l’offensive autoritaire du gouvernement puisse réellement se mettre en place.
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, qui milite depuis des années autour de la nécessité de filmer la police et les violences policières.
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