Cocorico: le Parlement consacre « le patrimoine sensoriel » des campagnes

Le coq Maurice à Saint-Pierre d’Oléron, le 5 juin 2019 ( AFP / XAVIER LEOTY )

Qu’ils s’appellent Marcel ou Maurice, les coqs de France vont pouvoir chanter sans craindre les conflits de voisinage… c’est ce que vise le texte pour « protéger le patrimoine sensoriel des campagnes » adopté définitivement jeudi par le Parlement, via un ultime vote unanime du Sénat.

La chambre des territoires a voté à main levée, sans modifications, une proposition de loi UDI-Agir déjà adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, inscrite à l’ordre du jour à la demande du groupe centriste.

Le texte porté par le député Pierre Morel-A-L’Huissier, qui introduit la notion de « patrimoine sensoriel »  des campagnes dans le droit français, est ainsi définitivement adopté.

Sonnerie des cloches, chant du coq ou des cigales, coassement des grenouilles, cancanement des canards, mais aussi effluves de crottin de cheval ou d’étable: sons et odeurs caractérisant les espaces naturels, parfois dénoncés comme des nuisances, entrent désormais dans le code de l’environnement. Une consécration qui permet de les inscrire dans le patrimoine commun de la nation.

Le secrétaire d’Etat chargé de la Ruralité Joël Giraud a salué « une bonne proposition de loi de défense de la ruralité », notant que « la vie à la campagne suppose d’accepter quelques nuisances ».

Pour le rapporteur du texte au Sénat, Pierre-Antoine Levi, « la symbolique est forte ». Et le texte « peut constituer un outil utile pour les élus locaux au quotidien pour les accompagner dans leurs démarches de pédagogie et de médiation » et leur permettre de désamorcer en amont les contentieux.

Élevage d'oies et de canards, à Soustons, le 2 septembre 2019 ( AFP / Iroz Gaizka )

Élevage d’oies et de canards, à Soustons, le 2 septembre 2019 ( AFP / Iroz Gaizka )

S’il n’existe pas de statistiques officielles sur le nombre de troubles du voisinage, et encore moins sur leur localisation en milieu rural ou urbain, M. Levi rapporte « un sentiment de sollicitations croissantes » chez les élus locaux.

En témoigne la médiatisation de certaines affaires, qui prêtent parfois à sourire, mais n’en sont pas moins chronophages pour les édiles et finissent parfois devant les tribunaux.

Et ces litiges pourraient encore augmenter, « avec l’envie de campagne » générée chez les urbains par le confinement, comme l’ont relevé plusieurs sénateurs.

– Un effet dissuasif attendu –

Le rapporteur cite l’exemple étonnant de vacanciers qui en 2018 dans le Var avait réclamé le recours à des insecticides pour se débarrasser de cigales trop bruyantes.

Olivier Paccaud (LR) rapporte une procédure à Pignols, dans le Puy-de-Dôme, contre les déjections d’abeilles.

Le coq Maurice lui est passé à la postérité après avoir été en 2019 au centre d’un conflit judiciaire, lancé par les voisins qui se plaignaient de son cocorico matinal. La justice avait finalement autorisé le coq à continuer de chanter.

Il est mort de maladie l’année d’après, son propriétaire louant « un emblème, un symbole de la ruralité, un héros ».

Les auteurs de la proposition de loi attendent un effet dissuasif en matière de plaintes pour nuisances. « Les avocats vont pouvoir prévenir leurs clients, +Attention, il y a un patrimoine sensoriel protégé, on risque de se faire bananer+ », déclarait Pierre Morel-A-L’Huissier, lors de l’examen à l’Assemblée il y a un an.

La proposition de loi prévoit également de confier aux services régionaux de l’inventaire du patrimoine culturel une mission d’étude et de qualification de « l’identité culturelle des territoires ».

Est enfin prévue la remise d’un rapport du gouvernement sur le trouble anormal du voisinage.

M. Levi estime que ce rapport « est de nature à éclairer les futurs débats » sur une réforme de la responsabilité civile « prévue depuis plusieurs années, sans avoir encore abouti ».

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