Le Sénégal en proie à des affrontements d’une ampleur inconnue depuis plusieurs années

Au moins quatre personnes ont été tuées depuis mercredi dans des affrontements entre jeunes et forces de l’ordre déclenchés par l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko.

Le Monde avec AFP

Publié le 05 03 2021

Dakar a vécu, vendredi 5 mars, des scènes de guérilla urbaine entre les forces de l’ordre et des centaines de jeunes réclamant la libération du principal opposant au pouvoir, Ousmane Sonko, dont l’arrestation a libéré une exaspération accumulée devant la dureté des conditions de vie.

Les tensions, sensibles depuis deux jours dans un pays habituellement considéré comme un îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest, se sont intensifiées sans perspective apparente d’apaisement, la justice ayant maintenu M. Sonko, candidat arrivé troisième de la présidentielle de 2019 et pressenti comme un des principaux concurrents de celle de 2024, en garde à vue. Au moins quatre personnes ont été tuées.

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Samedi, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a condamné les violences survenues ces derniers jours au Sénégal, appelant « toutes les parties à la retenue et au calme ». L’organisation a également invité « les autorités à prendre les mesures nécessaires pour apaiser les tensions et garantir les libertés de manifester pacifiquement, conformément aux lois en vigueur ».

« Libérez Sonko ! »

Dans le quartier populaire de la Médina, au cœur de la capitale sénégalaise à l’arrêt, des groupes de jeunes scandant « Libérez Sonko ! » ont harcelé en jetant des pierres les très nombreux policiers, dans les nuages de lacrymogènes et les déflagrations de grenades assourdissantes, selon des journalistes de l’Agence France-Presse. Les mêmes incidents se sont reproduits un peu plus loin près de la place de la Nation. Des blindés avaient été positionnés auprès du palais de la présidence et ses accès bouclés.

Les manifestations ont fait au moins quatre morts depuis mercredi, a fait savoir le ministre de l’intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome. Lors d’un discours diffusé en direct à la télévision, il a affirmé que ces morts ont eu lieu lors d’événements qui « relèvent du grand banditisme et de l’insurrection », et a accusé Ousmane Sonko d’avoir « lancé des appels à la violence » et à « l’insurrection ».

Jeudi soir, des manifestants ont attaqué les locaux du quotidien Le Soleil et de la radio RFM, jugés proches du pouvoir. De nombreuses enseignes françaises ont été attaquées, la France étant volontiers considérée comme soutenant le président Sall. Les écoles françaises dans le pays ont fermé, tout comme l’agence d’Air France.

Trouble à l’ordre public

La garde à vue d’Ousmane Sonko doit s’achever dimanche. Il sera présenté à nouveau au juge lundi, selon ses avocats. M. Sonko a été arrêté officiellement pour trouble à l’ordre public, alors qu’il se rendait en cortège au tribunal où il était convoqué pour répondre à des accusations de viol. L’opposant est visé depuis début février par une plainte déposée par une employée d’un salon de beauté dans lequel il allait se faire masser pour, dit-il, soulager ses maux de dos.

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Dans le cadre de l’affaire de viols présumés, il est ressorti sans être inculpé vendredi du bureau du juge, mais avec un nouveau rendez-vous lundi, et a été replacé en garde à vue dans la procédure pour trouble à l’ordre public, selon ses avocats. M. Sonko fait l’objet d’une « tentative de liquidation aux fins d’élimination d’un adversaire politique », a ainsi dénoncé Abdoulaye Tall. Personnalité au profil antisystème, le député crie au complot ourdi par le président Sall pour l’écarter de la prochaine présidentielle. M. Sall a démenti, fin février, mais gardé le silence depuis sur l’affaire.

Perturbations d’Internet

Les réseaux sociaux ont rapporté des perturbations d’Internet, à l’instar de celles observées dans certains pays à l’initiative des gouvernants dans les périodes de crise. L’observatoire spécialisé Netblocks a confirmé des restrictions sur les réseaux sociaux et les applications de messagerie, affectant le partage de photos et de vidéos.

« Les autorités sénégalaises doivent immédiatement cesser les arrestations arbitraires d’opposants et d’activistes, respecter la liberté de réunion pacifique et la liberté d’expression, et faire la lumière sur la présence d’hommes armés de gourdins aux côtés des forces de sécurité », a demandé Amnesty International. Reporters sans frontières a condamné une « vague de violations de la liberté de la presse inédite ces dernières années dans ce pays d’Afrique de l’Ouest ».

Le Monde avec AFP

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