« Monsieur le Président, avec #MeTooInceste et les dénonciations massives des violences faites aux enfants, nous avons été des milliers à prendre la parole pour révéler l’ampleur de ces crimes odieux qui gangrènent la société. Notre vécu, notre expérience nous dictent les mesures qui permettraient enfin de protéger les enfants : notamment la reconnaissance de l’inceste et de l’amnésie traumatique, l’imprescriptibilité de ces crimes et un seuil d’âge de non-consentement à 15 ans, ou 18 ans en cas d’inceste.
‘C’est aujourd’hui à nous d’agir’ : par cet engagement, vous avez donné l’espoir que nos prises de parole ne seraient pas vaines.
Mais si votre gouvernement avait voulu agir, il aurait mis en procédure accélérée l’examen de la proposition de loi d’Isabelle Santiago, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 18 février, et qui représente une véritable avancée : dès le mois de mars, nous aurions eu une loi claire avec des seuils d’âge bien définis. Au lieu de cela, vous avez choisi de jouer la montre en présentant la proposition de loi Billon, décriée par les victimes et les associations car elle prévoyait un seuil d’âge de non-consentement à 13 ans et rien sur l’inceste.
Si des avancées ont été obtenues dans les textes, à l’Assemblée et au Sénat, avec un seuil d’âge ramené à 15 ans (18 ans en cas d’inceste), ce ne sont que des aménagements de façade. Derrière son titre de ‘loi pour renforcer la protection des mineurs’, ce dispositif fragilise la protection des enfants.
Le garde des Sceaux a défendu la clause ‘Roméo et Juliette’ conditionnant l’application de la loi à un écart d’âge d’au moins cinq ans entre la victime mineure et l’agresseur majeur. Elle ramène le seuil de non-consentement à 13 ans quand les viols sont commis par des majeurs de 18 ans, alors même qu’aujourd’hui le Code pénal interdit toute relation sexuelle entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur, sous la qualification d »atteinte sexuelle’. C’est un recul.
Quant à l’inceste, il a été concentré autour des seuls liens du sang : ‘l’autorité de droit ou de fait’ devra être démontrée pour les conjoints, concubins ou partenaires de ces derniers. Et que dire des propos du garde des Sceaux défendant un inceste consenti ?
Enfin, l’imprescriptibilité que nous demandions n’est plus qu’une prescription glissante. Une avancée toute relative, qui ne reconnaît pas l’amnésie traumatique, dont plus de la moitié des victimes de violences sexuelles pendant l’enfance font état. Ce mécanisme neurologique est pourtant reconnu par l’OMS. Son introduction dans la loi donnerait aux victimes un droit d’accès à une enquête conformément au droit européen.
Que reste-t-il de nos témoignages sur les violences sexuelles subies quand nous étions enfants ? Rien : les enfants de 13 à 15 ans violés par un jeune majeur seront toujours soumis à des interrogatoires pour apporter les preuves de leur non-consentement. Et ce, alors même que, selon le ministère de l’Intérieur, 50% des auteurs de viols ont moins de 20 ans.
Que reste-t-il de la parole des enfants ? Rien, on la disqualifie en invoquant notamment le fumeux ‘syndrome d’aliénation parentale’.
Que reste-t-il de notre demande de criminalisation de la prostitution des mineurs? Un amendement proposait de sanctionner les adultes qui vendent le corps des enfants, dont tant de jeunes de l’aide sociale à l’enfance. A l’arrivée, rien.
Que reste-t-il de la nécessité de protéger les personnes qui effectuent des signalements? Rien.
Que reste-t-il pour les personnes en situation de handicap mental, quatre fois plus exposées aux violences sexuelles? Rien.
Que reste-t-il pour répondre à la souffrance répétée des enfants contraints à fréquenter un parent dont ils ont dénoncé les violences sexuelles ? Toujours rien.
Nous qui avons pris la parole pour que les enfants soient enfin protégés, nous dénonçons une proposition de loi vidée de toute portée. Monsieur le Président, nous vous demandons d’agir, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. » |
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