À Marseille, la mairie va racheter L’Après M, le resto solidaire des quartiers nord

Reportages — Alternatives

3 juin 2021

C’est un soulagement pour les militants, qui craignaient l’expulsion. La mairie de Marseille s’est porté acquéreuse d’un McDonald’s transformé depuis le premier confinement en plateforme solidaire. Dans les quartiers nord, L’Après M, désormais pérenne, pourrait bien devenir un fast-food social.

Marseille (Bouches-du-Rhône), reportage

« Comme quoi tout fini par arriver », se réjouit Fathi Bouaroua, le président de l’association L’Après M. Mercredi 2 juin, sur le parking de l’ancien McDonald’s de Saint-Barthélemy, dans le XIVe arrondissement de Marseille, il accueillait le maire socialiste Benoît Payan et plusieurs de ses adjoints. « Pour que vous ne soyez pas au bord du chemin, la ville de Marseille prend ses responsabilités. J’ai appelé le président de McDonald’s France pour lui signifier que la Ville va se porter acquéreuse. Il est d’accord pour vendre. »

Le projet d’acquisition, « au prix des domaines, autour de 650 000 euros », précise le maire, sera présenté au conseil municipal le 9 juillet. Leader de la lutte pour la préservation de cette « place du village » au milieu des cités alentour, l’ancien syndicaliste Kamel Guemari a la mine réjouie. Les bénévoles espéraient une pérennisation des lieux depuis l’automne : fini, le risque d’expulsion.

« Le projet répondra aux préoccupations populaires. Nous en avons marre d’être stigmatisés », dit Kamel Guemari. © Pierre Isnard-Dupuy/Reporterre

Le restaurant, qui n’était plus exploité par McDonald’s depuis fin 2019, avait été « réquisitionné » lors du premier confinement pour être transformé en une plateforme d’entraide. Ici, par la seule action des bénévoles, des milliers de colis alimentaires sont distribués chaque semaine, un jardin potager a été planté et des activités pour enfants sont organisées. Les anciens salariés et leurs soutiens souhaitent y développer un fast-food social, qui accueillerait, courant 2022, des jeunes des quartiers environnants et des personnes en réinsertion. La plupart des produits seraient livrés par des agriculteurs locaux et souvent bio, qui collaborent actuellement à l’aide alimentaire. « Le projet répondra aux préoccupations populaires. Nous en avons marre d’être stigmatisés, d’être écrasés par un système qui crée des voyous low cost parce qu’ils n’ont pas d’autre alternative. Dans ces quartiers, il y a des êtres qui ont le droit d’être considérés », appuie Kamel Guemari.


À lire aussi : À Marseille, un McDonald’s est devenu un foyer vibrant de solidarité


L’annonce de la pérennisation du lieu, attendue depuis l’automne, a suscité applaudissements et cris de joie. Les bénévoles ont entonné leur hymne, sur un air de chant des supporters de l’Olympique de Marseille. « Nous sommes L’Après M / Et nous avons les clés / Avec Marseille / Avec le peuple ».

« Nous sommes L’Après M, et nous avons les clés », chantent les soutiens. © Pierre Isnard-Dupuy/Reporterre

Reste à construire la coopération avec la puissance publique. « Que la mairie soit propriétaire, ce n’est pas ce que l’on aurait voulu. Alors maintenant on milite pour avoir un bail emphytéotique de minimum 18 ans pour ne pas dépendre des humeurs et des changements politiques », explique Fathi Bouaroua. Autrement dit, que ni les activités, ni les valeurs portées collectivement ne puissent être « sous pression » des élus ou d’un changement de majorité.

Le maire socialiste Benoît Payan annonce la pérennisation du lieu. © Pierre Isnard-Dupuy/Reporterre

Les ex salariés et leurs soutiens avaient lancé à la mi-mai une « Société citoyenne immobilière » intitulée La Part du Peuple. Cette association avait pour ambition de devenir propriétaire de l’ancien McDonald’s grâce à l’apport de 50 000 adhérents. À raison de 25 euros par adhésion, la somme atteindrait 1,25 million d’euros. Depuis l’ouverture des adhésions à la mi-mai, 4 000 personnes ont déjà contribué. Fathi Bouaroua entend rassembler encore la moitié des adhérents, et donc la moitié de la somme, afin d’investir dans l’aménagement, le matériel et la gestion du futur restaurant.

C’est maintenant que tout se joue…

La communauté scientifique ne cesse d’alerter sur le désastre environnemental qui s’accélère et s’aggrave, la population est de plus en plus préoccupée, et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale dans le traitement de l’actualité.
Contrairement à de nombreux autres médias, nous avons fait des choix drastiques :

  • celui de l’indépendance éditoriale, ne laissant aucune prise aux influences de pouvoirs. Reporterre est géré par une association d’intérêt général, à but non lucratif. Nous pensons qu’un média doit informer, et non être un outil d’influence de l’opinion au profit d’intérêts particuliers.
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En résumé, Reporterre est un exemple rare dans le paysage médiatique : totalement indépendant, à but non lucratif, en accès libre, et sans publicité.
Le journal emploie une équipe de journalistes professionnels, qui produisent chaque jour des articles, enquêtes et reportages sur les enjeux environnementaux et sociaux. Nous faisons cela car nous pensons que la publication d’informations fiables, transparentes et accessibles à tous sur ces questions est une partie de la solution.

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C’est un soulagement pour les militants, qui craignaient l’expulsion. La mairie de Marseille s’est porté acquéreuse d’un McDonald’s transformé depuis le premier confinement en plateforme solidaire. Dans les quartiers nord, L’Après M, désormais pérenne, pourrait bien devenir un fast-food social.

Marseille (Bouches-du-Rhône), reportage

« Comme quoi tout fini par arriver », se réjouit Fathi Bouaroua, le président de l’association L’Après M. Mercredi 2 juin, sur le parking de l’ancien McDonald’s de Saint-Barthélemy, dans le XIVe arrondissement de Marseille, il accueillait le maire socialiste Benoît Payan et plusieurs de ses adjoints. « Pour que vous ne soyez pas au bord du chemin, la ville de Marseille prend ses responsabilités. J’ai appelé le président de McDonald’s France pour lui signifier que la Ville va se porter acquéreuse. Il est d’accord pour vendre. »

Le projet d’acquisition, « au prix des domaines, autour de 650 000 euros », précise le maire, sera présenté au conseil municipal le 9 juillet. Leader de la lutte pour la préservation de cette « place du village » au milieu des cités alentour, l’ancien syndicaliste Kamel Guemari a la mine réjouie. Les bénévoles espéraient une pérennisation des lieux depuis l’automne : fini, le risque d’expulsion.

« Le projet répondra aux préoccupations populaires. Nous en avons marre d’être stigmatisés », dit Kamel Guemari. © Pierre Isnard-Dupuy/Reporterre

Le restaurant, qui n’était plus exploité par McDonald’s depuis fin 2019, avait été « réquisitionné » lors du premier confinement pour être transformé en une plateforme d’entraide. Ici, par la seule action des bénévoles, des milliers de colis alimentaires sont distribués chaque semaine, un jardin potager a été planté et des activités pour enfants sont organisées. Les anciens salariés et leurs soutiens souhaitent y développer un fast-food social, qui accueillerait, courant 2022, des jeunes des quartiers environnants et des personnes en réinsertion. La plupart des produits seraient livrés par des agriculteurs locaux et souvent bio, qui collaborent actuellement à l’aide alimentaire. « Le projet répondra aux préoccupations populaires. Nous en avons marre d’être stigmatisés, d’être écrasés par un système qui crée des voyous low cost parce qu’ils n’ont pas d’autre alternative. Dans ces quartiers, il y a des êtres qui ont le droit d’être considérés », appuie Kamel Guemari.


À lire aussi : À Marseille, un McDonald’s est devenu un foyer vibrant de solidarité


L’annonce de la pérennisation du lieu, attendue depuis l’automne, a suscité applaudissements et cris de joie. Les bénévoles ont entonné leur hymne, sur un air de chant des supporters de l’Olympique de Marseille. « Nous sommes L’Après M / Et nous avons les clés / Avec Marseille / Avec le peuple ».

« Nous sommes L’Après M, et nous avons les clés », chantent les soutiens. © Pierre Isnard-Dupuy/Reporterre

Reste à construire la coopération avec la puissance publique. « Que la mairie soit propriétaire, ce n’est pas ce que l’on aurait voulu. Alors maintenant on milite pour avoir un bail emphytéotique de minimum 18 ans pour ne pas dépendre des humeurs et des changements politiques », explique Fathi Bouaroua. Autrement dit, que ni les activités, ni les valeurs portées collectivement ne puissent être « sous pression » des élus ou d’un changement de majorité.

Le maire socialiste Benoît Payan annonce la pérennisation du lieu. © Pierre Isnard-Dupuy/Reporterre

Les ex salariés et leurs soutiens avaient lancé à la mi-mai une « Société citoyenne immobilière » intitulée La Part du Peuple. Cette association avait pour ambition de devenir propriétaire de l’ancien McDonald’s grâce à l’apport de 50 000 adhérents. À raison de 25 euros par adhésion, la somme atteindrait 1,25 million d’euros. Depuis l’ouverture des adhésions à la mi-mai, 4 000 personnes ont déjà contribué. Fathi Bouaroua entend rassembler encore la moitié des adhérents, et donc la moitié de la somme, afin d’investir dans l’aménagement, le matériel et la gestion du futur restaurant.

C’est maintenant que tout se joue…

La communauté scientifique ne cesse d’alerter sur le désastre environnemental qui s’accélère et s’aggrave, la population est de plus en plus préoccupée, et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale dans le traitement de l’actualité.
Contrairement à de nombreux autres médias, nous avons fait des choix drastiques :

  • celui de l’indépendance éditoriale, ne laissant aucune prise aux influences de pouvoirs. Reporterre est géré par une association d’intérêt général, à but non lucratif. Nous pensons qu’un média doit informer, et non être un outil d’influence de l’opinion au profit d’intérêts particuliers.
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En résumé, Reporterre est un exemple rare dans le paysage médiatique : totalement indépendant, à but non lucratif, en accès libre, et sans publicité.
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Vous comprenez donc pourquoi nous sollicitons votre soutien. Des dizaines de milliers de personnes viennent chaque jour s’informer sur Reporterre, et de plus en plus de lecteurs comme vous soutiennent le journal. Les dons de nos lecteurs représentent plus de 97% de nos ressources. Si toutes les personnes qui lisent et apprécient nos articles contribuent financièrement, le journal sera renforcé. Même pour 1 €, vous pouvez soutenir Reporterre — et cela ne prend qu’une minute. Merci.

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