Afghanistan : les talibans s’emparent de Ghazni et Hérat, et se rapprochent de Kaboul

Les insurgés islamistes se sont emparés de deux villes stratégiques ce jeudi, dans l’ouest et l’est du pays. Les forces afghanes, incapables de contenir ces avancées, se replient alors que Kaboul, la capitale, est menacée.

par Victor Boiteau

publié le 12 août 2021 à 19h08

«Hérat, la province la plus vaste et la plus stratégique de l’ouest du pays, a également été conquise», a déclaré le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, sur Twitter. «Les soldats ont déposé leurs armes et ont rejoint les moudjahidines, a-t-il ajouté. La reddition des troupes est en cours.» La ville, qui compte près de 600 000 habitants, est en proie à des combats depuis la fin du mois de juillet.

Prises stratégiques

Plus tôt ce jeudi, les talibans ont pris le contrôle de Ghazni, à l’est du pays, à moins de 150 kilomètres de Kaboul. «L’essentiel» de la ville «est tombé aux mains des talibans ce matin», a déclaré le chef du conseil de la province, Nasir Ahmad Faqiri, cité par l’AFP. «Ils ont pris le contrôle de zones clés : le bureau du gouverneur, le quartier général de la police et la prison.» Un mode opératoire répété à chaque offensive lancée contre une grande ville. Des prises stratégiques et symboliques, relayées sur les réseaux sociaux.

Avec Ghazni et Hérat, les talibans contrôlent désormais onze capitales provinciales sur 34. Et se rapprochent inexorablement de la capitale, où des milliers de réfugiés affluent ces dernières semaines. Ils ont également progressé vers Kandahar, leur fief historique. «Kandahar en pleine conquête», déclarait dans la journée de jeudi leur porte-parole, relayant une vidéo d’insurgés marchant sur la place des Martyrs, dans le centre-ville.

Lashkar Gah, une autre grande ville du sud du pays, dans la province de Helmand, est également menacée par l’avancée des islamistes. Le sud, l’ouest, une grande partie du nord du pays échappent désormais aux forces gouvernementales qui, suivant les conseils des Américains, se sont repliées sur les capitales provinciales et à Kaboul. A Hérat, les forces afghanes ont ainsi battu en retraite, et se sont retirées vers la base militaire de Guzara, a expliqué un haut responsable des forces de sécurité à l’AFP.

Partage du pouvoir

Face à la détérioration de la situation militaire, Kaboul a proposé un partage du pouvoir aux talibans en échange d’un arrêt des combats, selon un négociateur du gouvernement interrogé par l’AFP. De nouveaux pourparlers sont menés depuis mardi, à Doha, entre les autorités afghanes et des émissaires talibans, sous l’égide des Etats-Unis. S’il se concluait, ce pacte signerait un cinglant aveu d’échec pour le gouvernement afghan, incapable de contenir les avancées des insurgés.

A lire aussi

Face à la progression des talibans, les Occidentaux abandonnent l’Afghanistan

Signe de cette impuissance, le gouvernement a fait appel aux anciens «seigneurs de guerre» et leurs puissantes milices pour les combattre. A l’image d’Abdul Rachid Dostom, 67 ans, un chef de guerre issu de la minorité ouzbèke accusé de crimes, mais qui jouit d’une immense notoriété pour sa lutte contre les Soviétiques dans les années 80, puis contre les talibans lors de la guerre civile. A Hérat, les forces gouvernementales afghanes étaient épaulées par les miliciens de l’ancien chef de guerre Ismail Khan, autre figure de ces «seigneurs» qui, ces dernières années, contestaient le pouvoir central.

De leur côté, les Etats-Unis, qui doivent achever le retrait définitif de leurs troupes d’ici au 31 août ne reviendront pas sur leur décision de quitter le pays«Je ne regrette pas ma décision», a ainsi assuré Joe Biden, mardi, lors d’un échange avec la presse à la Maison Blanche. Les Afghans «doivent avoir la volonté de se battre […] pour eux-mêmes, pour leur nation» a-t-il par ailleurs exhorté.

Civils tués

Les Afghans, eux, fuient les combats. Des centaines voire des milliers de civils ont été tués lors d’affrontements entre les talibans et l’armée afghane. «Les enfants, les femmes et les hommes afghans souffrent et sont forcés de vivre chaque jour dans la violence, l’insécurité et la peur», a déclaré lundi le chef de l’humanitaire de l’ONU, Martin Griffith. Les enfants sont également victimes des combats. En trois jours, le week-end dernier, 20 enfants ont été tués et 130 blessés dans la province de Kandahar, a rapporté le représentant de l’Unicef en Afghanistan, Hervé Ludovic De Lys, qui s’est dit «choqué par l’escalade rapide des violations graves» contre les enfants.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire