Le chef de l’État avait annoncé s’être fait vacciner le 31 mai. Or, d’après les données de l’Assurance-maladie consultées par Mediapart, il aurait été vacciné le 13 juillet, au lendemain de son allocution présidentielle sur le passe sanitaire. L’Élysée évoque une « erreur » dans la transmission des données.
L’affaire paraissait entendue : après avoir été contaminé par le Covid-19 en décembre 2020, ce qu’il avait lui-même révélé dans une logique de transparence alors saluée par la majorité, Emmanuel Macron avait été vacciné, le 31 mai 2021, jour de l’ouverture de la campagne de vaccination à tous les adultes.
Le président de la République l’avait déclaré lui-même dans un tweet annonçant aussi la vaccination de son épouse, Brigitte Macron. Le couple, qui avait contracté le Covid-19 fin 2020, avait comme il se doit attendu six mois pour recevoir une dose, du vaccin Pfizer-BioNTech en l’occurrence. Contrairement à Olivier Véran ou Jean Castex, aucune photographie de la vaccination n’avait été diffusée. « Pas la peine d’héroïser » un acte que devront réaliser des dizaines de millions de Français, commentait-on alors du côté de l’Élysée.
Rien à signaler.
Sauf que les données enregistrées auprès de l’Assurance-maladie ne racontent pas la même histoire. Sur le certificat officiel d’Emmanuel Macron, que Mediapart a pu consulter et authentifier, la « date de vaccination » du président est le 13 juillet, six semaines après son annonce aux Français, et au lendemain de son discours présidentiel annonçant la généralisation du passe sanitaire. Le certificat de vaccination de Brigitte Macron date bien, lui, du 31 mai, comme nous avons pu le vérifier.
Comment expliquer un tel décalage pour le président ? Emmanuel Macron aurait-il pu mentir sur sa véritable date de vaccination ?
L’Élysée explique que la date du 13 juillet est le fruit d’une erreur de saisie réalisée au moment de la génération tardive du certificat de vaccination, tout en refusant de nous communiquer des éléments prouvant que le président a bien été vacciné le 31 mai.
À l’inverse, les données officiellement enregistrées indiquent qu’Emmanuel Macron a reçu sa dose de vaccin Pfizer le 13 juillet. C’est cette date qui figure sur son certificat de vaccination, auquel peuvent avoir accès sans grande difficulté des milliers de professionnels de santé, en raison d’une faille de sécurité révélée par Mediapart en janvier, et qui n’a toujours pas été corrigée (il suffit de se procurer le numéro de sécurité sociale de la personne).
La date d’une vaccination au 13 juillet est aussi celle générée par son QR Code, lui permettant d’activer son passe sanitaire dans son application TousAntiCovid.
Confrontée à ces éléments (nous avons transmis en toute transparence à l’Élysée le QR Code du président), l’équipe d’Emmanuel Macron nous a informés que l’erreur provenait de la télétransmission à l’Assurance-maladie de la vaccination du président. Celle-ci n’aurait été réalisée que le 13 juillet, ce qui expliquerait que cette date figure sur le passe sanitaire de M. Macron.
Pourquoi les données concernant Emmanuel Macron n’auraient-elles été transmises que le 13 juillet, soit six semaines après la date de vaccination officielle ? L’Élysée ne répond pas à cette question qui se pose d’autant plus que les données de Brigitte Macron, elles, font bien mention d’une vaccination le 31 mai. Est-ce à dire que les données de Mme Macron auraient été transmises dès le 31 mai mais pas celles de son mari ? Pas de réponse non plus.
La télétransmission des données à l’Assurance-maladie se fait à travers un formulaire d’information que le vaccinateur transmet à la CPAM en même temps qu’il en remet une copie au vacciné. Le document recense notamment la date de l’ordonnance, la date d’éligibilité au vaccin, ainsi que des données sur la vaccination (numéro du lot, type d’injection, etc.).
Dans la fiche d’Emmanuel Macron, la date d’ordonnance est du 31 mai 2021, quand celle d’éligibilité est du 13 juillet 2021. Sollicitée, l’Assurance-maladie indique que la date d’éligibilité, qui correspond bien à la date de transmission, est pré-remplie et ne peut être modifiée, à l’inverse de la date d’ordonnance, qui peut être corrigée a posteriori.
L’Élysée indique à ce sujet que c’est en remplissant, le 13 juillet, le document de transmission qu’il y a eu une erreur humaine et une « confusion » entre la date de saisie et la date de vaccination. La personne ayant rédigé la fiche du président n’aurait pas précisé, le 13 juillet, que la vaccination avait eu lieu le 31 mai.
Si l’erreur humaine est évidemment possible, la seule date d’ordonnance, le 31 mai, ne permet pas de prouver définitivement que le président a bien été vacciné ce jour-là. En revanche, d’autres données comme le numéro de lot de vaccin (dont il est ensuite possible de retracer la date de livraison) ou la date de signature par l’agent vaccinateur — deux données figurant sur le même formulaire télétransmis à l’Assurance-maladie — pourraient permettre de trancher entre les dates.
Malgré de multiples relances depuis 48 heures, l’Élysée a refusé de communiquer à Mediapart ces informations, qui ne contiennent pourtant aucune donnée sensible.
- PAR BERTRAND DEMEE
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