Le gouvernement veut prolonger l’état d’urgence sanitaire et la possibilité de recourir au passe sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022

Le texte doit être présenté, mercredi, en conseil des ministres, puis être examiné par l’Assemblée le 19 octobre. Un calendrier confirmé par Matignon au « Monde ».

Par Alexandre Lemarié

Publié le 14 10 2021

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Surtout ne pas baisser la garde. L’épidémie de Covid-19 a beau décroître, l’exécutif veut garder des outils à sa disposition pour faire face à une éventuelle résurgence du virus. Un projet de loi visant à prolonger la possibilité de recourir au passe sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022 doit être présenté par le premier ministre Jean Castex, mercredi 13 octobre, en conseil des ministres, puis être examiné par l’Assemblée nationale le 19 octobre. Un calendrier que confirme Matignon au Monde, en précisant que le texte sera intitulé « projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire ».

Alors que l’instauration du passe sanitaire a cristallisé la colère de dizaines de milliers de personnes ces dernières semaines, le gouvernement assure ne pas vouloir « prolonger indéfiniment » cet outil contraignant, mais seulement se laisser « la possibilité » d’y « recourir » jusqu’à l’été, « si nécessaire ». « Après avoir été dans la réaction et l’adaptabilité pendant la crise, il faut désormais passer davantage à une logique d’anticipation face à l’inédit », a déclaré Emmanuel Macron à ses troupes, lors du dernier conseil de défense sanitaire, le 7 octobre, à l’Elysée. « Il faut avoir le plus de cordes à notre arc pour faire face à une éventuelle cinquième vague », souligne l’Elysée. Avant d’insister sur « le souhait » du chef de l’Etat de se passer, si possible, de ce dispositif, considéré, comme « provisoire ».

Au Parlement, les responsables de la majorité soulignent à leur tour qu’il ne s’agit que de « dispositions potentielles », afin de pouvoir réagir le plus vite possible, si besoin. « Après l’urgence, on est désormais dans la vigilance », insiste le chef de file des députés MoDem, Patrick Mignola. D’où la présentation d’un nouveau texte, afin de reporter la possibilité légale de faire appliquer le passe sanitaire, qui arrive à échéance le 15 novembre.

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L’exécutif reste sur ses gardes

Certes, les données épidémiologistes et la couverture vaccinale massive de la population ont de quoi rassurer, et même donner des arguments à ceux qui plaident pour relâcher les restrictions. Mais, avec l’arrivée de l’hiver, l’exécutif reste sur ses gardes, en ne sous-estimant pas le risque d’un rebond épidémique. « Ça continue de baisser, mais il y a des frémissements dans certains départements. Pour le moment, il s’agirait de quelques clusters, mais on surveille », indique Matignon. Les autorités redoutent un relâchement des gestes barrières. « Les gens se comportent comme si la pandémie était finie, alors qu’elle n’est pas derrière nous », s’alarme une ministre. L’exécutif justifie sa prudence, en s’appuyant sur un avis du conseil scientifique, publié le 7 octobre, recommandant aux autorités de ne plus utiliser le passe sanitaire uniquement lorsque « la situation épidémiologique ne le justifiera plus ».

Malgré cette caution scientifique, la décision du pouvoir relance le débat sur le respect des libertés. Car le projet de loi prévoit également de prolonger jusqu’au 31 juillet 2022 l’état d’urgence sanitaire, soit au-delà de l’élection présidentielle d’avril, et du mandat actuel de M. Macron. Au sommet de l’Etat, certains s’inquiètent du torrent de critiques que risque d’entraîner le maintien d’un tel régime juridique sur une durée aussi longue. D’autres prédisent une vive opposition de l’opposition, et même de certains députés de la majorité, au nom de la défense des libertés. « L’état d’urgence est un état d’exception. Et en démocratie, l’exception ne peut devenir la règle », estime ainsi le député La République en marche (LRM) de Paris, Hugues Renson.

L’exécutif s’attend à des débats parlementaires houleux, en particulier au Sénat, où son président Les Républicains (LR) Gérard Larcher a déjà prévenu qu’il ne voulait pas accorder de « blanc-seing » au gouvernement sur la prolongation de l’état d’urgence jusqu’à fin juillet. « C’est une atteinte aux libertés individuelles et collectives », a-t-il dénoncé mardi, sur France info. Pas question de laisser « les pleins pouvoirs » au gouvernement « pour lutter contre la crise pendant une aussi longue période », a abondé le sénateur LR, Philippe Bas (Manche). Alors que M. Larcher a indiqué qu’il demandera un nouveau vote du Parlement en février, le chef de file des députés LR, Damien Abad, a indiqué qu’il n’y aura pas de vote favorable de son groupe à l’Assemblée, sans clause de revoyure.

En guise d’apaisement, Matignon promet un rapport d’information du gouvernement au Parlement avant le 28 février exposant les mesures prises, ainsi que les raisons de leur éventuel maintien sur toute ou partie du territoire. Pas question, toutefois, de renoncer à la date du 31 juillet. Un refus que l’exécutif justifie par la suspension des travaux du Parlement à partir de la fin février – même s’il peut être convoqué en session extraordinaire si nécessaire – et le climat « pas apaisé », en cas de retour du texte au Parlement. « A deux mois de la présidentielle, l’opposition rejetterait dans tous les cas un texte visant à prolonger le passe sanitaire », prédit M. Mignola.

Réflexion collective sur les états d’urgence « à répétition »

Des arguments, loin de clore le débat. Pour éviter toute dérive, le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, a plaidé pour que son institution puisse exercer un contrôle systématique des lois d’état d’urgence. « Les états d’urgence à répétition doivent conduire à une réflexion collective », a-t-il jugé le 4 octobre, dans Le Figaro, suite à une proposition du Conseil d’Etat suggérant une saisine automatique du Conseil constitutionnel sur ces lois. Même le patron de LRM Stanislas Guerini s’est dit « favorable » à un contrôle des lois d’état d’urgence par « une commission spécifique » à l’Assemblée.

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Au sein du gouvernement, des ministres évoquent un « exercice de communication difficile » avec une prolongation du passe sanitaire « contre-intuitive », au moment où l’épidémie recule et où le port du masque à l’école a été assoupli. Un des risques est également de relancer les mouvements dans la rue contre une supposée « dictature sanitaire ». Environ 45 000 manifestants ont encore défilé le 9 octobre sur l’ensemble du territoire, pour le treizième samedi consécutif. « On garde une vraie poche de résistance sur les vaccins et cette loi donnera probablement lieu à de nouvelles mobilisations », s’inquiète le député LRM Sacha Houlié, en soulignant que la fin du remboursement des tests, prévue à partir du 15 octobre, va revenir de facto à « contraindre les derniers résistants à se faire vacciner ».

Accusé de dérive liberticide, le gouvernement espère faire taire les critiques, en présentant le passe sanitaire comme un outil… de liberté. « Cet été, on a pu garder de nombreux lieux ouverts, comme les restaurants ou les bars, grâce au passe. C’est donc un atout pour garantir la liberté d’une écrasante majorité de Français », fait valoir la ministre du travail, Elisabeth Borne, en affirmant recevoir plus de demandes de professionnels visant à le maintenir qu’à le supprimer. Une manière de faire passer cet outil si décrié comme la meilleure arme anti-confinement.

 

 

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