Plusieurs centaines de salariés sans-papiers ont entamé un mouvement de grève ce lundi en Ile-de-France dans les secteurs de la propreté, de la restauration ou encore de la livraison. La CGT dénonce des conditions de travail d’une précarité extrême.
Plus de 200 travailleurs sans-papiers ont entamé une grève ce lundi sur onze sites en région parisienne. Pour quelles raisons ?
Il y a aussi le sujet des livreurs, qui subissent les conséquences d’une sous-traitance en cascade. Dans le 19e arrondissement de Paris, Monoprix a confié sa livraison à Stuart, qui a sous-traité à PickUp, une filiale de La Poste, qui a sous-traité à une société de livraison qui a fait travailler des personnes sans fiche de paye – bien qu’on trouve la trace de chèques – puis leur a imposé d’être autoentrepreneurs. Il faut que l’Etat mette ces entreprises devant leurs responsabilités.
Combien y a-t-il de travailleurs sans-papiers en France ?
Plusieurs centaines de milliers, mais c’est difficile à dire précisément. Le mouvement de ce lundi est coordonné avec plusieurs départements et plusieurs syndicats de différents métiers, afin que ces travailleurs aient plus de force et qu’ils puissent sortir de l’ombre.
Ils font tourner un grand nombre de secteurs d’activité. On sait qu’ils sont nombreux dans la restauration – en particulier à la plonge. Dans le BTP, des entreprises ont recours à des intérimaires sans-papiers pour des tâches de manœuvre ou pour de la démolition – ils sont alors exposés à de l’amiante et à du plomb dans des conditions de travail dégradées – mais aussi à des postes qualifiés, tels que coffreur.
Les travailleurs sans titre de séjour sont nombreux dans le secteur de la propreté. Chez l’entreprise Sepur, à Bobigny, on constate un système organisé d’abus d’intérim. A la demande de chefs d’équipes, certains doivent revenir travailler sous une nouvelle identité, afin d’éviter une requalification en CDI.
On trouve aussi des travailleurs sans-papiers dans l’aide à la personne, la logistique, le nettoyage des bureaux, le tri des déchets… Globalement, tous les métiers pénibles, ceux que les Anglo-Saxons appellent les 3D : « Dirty, Dangerous and Demeaning » [« sales, dangereux et humiliants », NDLR].
Tous ces travailleurs sans titres de séjour, ce sont des gars qui ont dû continuer à travailler durant le confinement, même sans masque, dans des conditions de travail encore dégradées. Quand tous les cafés étaient fermés et qu’il n’y avait pas de sanitaires accessibles, certains travailleurs en ont été réduits à faire leurs besoins dans des bidons !
Ils travaillent, payent des cotisations sociales… Quelles conditions doivent-ils remplir pour être régularisés ?
Il faut trois ans de présence en France et avoir travaillé vingt-quatre mois, ou bien cinq ans de présence et avoir travaillé au moins huit mois au cours des deux dernières années. Et surtout, ces personnes ont besoin du soutien de leur employeur, parce qu’il faut un contrat de travail ou une promesse d’embauche et que c’est lui qui doit remplir la demande de régularisation. On fait face à un véritable arbitraire patronal. Or, ceux qui surexploitent ces situations de précarité n’ont aucun intérêt à y mettre fin, puisqu’ils en tirent un profit.
Ils peuvent ainsi infliger des conditions de travail que d’autres n’accepteraient pas : des horaires imposés, de la flexibilité, une absence d’équipements de protection… Mais avec la mobilisation de ce lundi, on voit que ces travailleurs ont choisi de dire non. Lorsqu’on est sans titre de séjour, il se crée une inégalité de droits qui est préjudiciable pour tout le monde. C’est la raison pour laquelle cela ne concerne par seulement les sans-papiers, mais tous les salariés. Nos intérêts sont communs, que l’on soit Français ou immigré.
On entend dire que les Français ne souhaitent pas leur régularisation, mais c’est faux. Un sondage Harris Interactive, réalisé au mois de mars, montre que 60 % des personnes interrogées souhaitent leur régularisation, et 89 % demandent qu’on ne fasse pas de différence entre un travailleur français et un travailleur immigré. Politiquement, il y a un réel manque de courage à refuser de régulariser ces travailleurs.
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