Mulhouse : une marche blanche a rendu hommage à Dinah, l’ado qui s’est suicidée après des insultes racistes et homophobes

L’adolescente s’est pendue au début du mois après avoir été longuement harcelée lors de sa scolarité. Une commémoration a réuni plus d’un millier de personnes ce dimanche après-midi à Mulhouse. Une enquête a été ouverte.

par LIBERATION

publié le 23 octobre 2021
(mis à jour le 24 octobre 2021)

Des pancartes «Dinah à tout jamais dans nos cœurs», «Repose en paix Dinah» ou «Justice pour Dinah». Plus d’un millier de personnes se sont rassemblées ce dimanche après-midi pour une marche blanche à Mulhouse en la mémoire de Dinah, qui s’est suicidée chez elle à 14 ans au début du mois d’octobre, après avoir été harcelée par plusieurs adolescents pendant deux longues années.

Place de la Réunion, la mère de la jeune fille a notamment dénoncé micro en mains, la passivité de l’ancien collège de Dinah malgré les nombreuses alertes de la famille. «Il faut que le harcèlement cesse. Ma fille a été harcelée pendant deux ans, et pendant deux ans, on a fait des pieds et des mains pour que ça s’arrête […] Ils [l’établissement, ndlr] m’ont dit ce sont des banalités entre copines […] Sur place rien n’est fait […] rien n’est pris au sérieux. Le problème vient de l’établissement», a-t-elle déclaré la voix pleine d’émotion. La famille de la jeune fille a d’ailleurs annoncé qu’elle souhaitait porter plainte contre l’établissement.

Mais, surtout, avant de lancer la marche, la mère de Dinah a tenu à exprimer sa reconnaissance aux gens venus en nombre rendre hommage à sa fille : «Je vous remercie du fond du cœur d’être là […] elle aurait été tellement heureuse de voir ce monde, elle qui se sentait tellement seule.» Des mots fortement applaudis et ponctués de «Justice pour Dinah» venus de la foule.

Les persécutions ont commencé en 2019, alors que Dinah se trouvait en classe de 4e, au collège Emile-Zola de Kingersheim, en périphérie nord de Mulhouse (Haut-Rhin). Au sein de l’établissement, un groupe de jeunes l’insultait quotidiennement : «Sale lesbienne», «sale arabe», «sale métisse». «Ils avaient aussi créé un groupe sur WhatsApp avec elle et ils l’insultaient, a raconté Rayan, le grand frère de la victime, interrogé par BFMTV. Un jour, ma mère a pris son téléphone pour lui faire supprimer mais ils ont continué à lui envoyer des insultes par d’autres réseaux.»

Dinah a bien prévenu sa famille. Une confrontation a même eu lieu au collège avec ses bourreaux. Sans effet. Malgré tout, la jeune fille a réussi à ne pas décrocher à l’école. Au contraire : elle a obtenu son brevet avec mention très bien. Elle est ensuite allée en seconde dans un lycée différent de celui de ses harceleurs. Mais le réfectoire de son nouvel établissement étant commun à plusieurs lycées de la ville, Dinah n’a pas tardé à recroiser ses tortionnaires durant les pauses déjeuners.

En mars 2021, l’adolescente a tenté une première fois de se donner la mort. Elle a survécu. Puis décidé d’envoyer une lettre aux personnes qui la harcelaient, afin de leur demander d’arrêter. Peu de temps après, elle a reçu une réponse : «La prochaine fois on espère que tu arriveras à mourir», cite encore son frère Rayan.

Finalement, le matin du 5 octobre, elle a été retrouvée morte par sa mère. «Dinah avait un groupe de copines. Elles faisaient plein d’activités ensemble, dormaient l’une chez l’autre. Mais, dès le moment où elle leur a dit qu’elle était attirée par les filles et tout particulièrement une fille du groupe, leur comportement a changé. Elle a eu des courriers insultants. Dinah avait une sensibilité à fleur de peau. Elle a très mal vécu ce changement de comportement», a témoigné sa mère au journal l’Alsace.

Enquête ouverte

Une enquête a été ouverte par le parquet de Mulhouse pour «recherche des causes de la mort», afin de déterminer si le harcèlement scolaire est à l’origine du suicide, ou «s’il se combine à d’autres choses». «Ses proches ont en effet évoqué un harcèlement scolaire dont elle aurait été victime, mais il ne s’agit pour le moment que d’une hypothèse. L’exploitation en cours de son téléphone et de son ordinateur permettra d’en savoir un peu plus», précise la procureure de la République, Edwige Roux-Morizot, interrogée par BFMTV.

Les enquêteurs vont notamment tenter de comprendre à quel point l’école où était scolarisée la victime était au courant et si des mesures préventives avaient été mises en place afin d’éviter un tel drame. La famille de la victime a prévu de porter plainte : «Il y a une enquête en cours mais on ne nous tient pas au courant. On va bientôt porter plainte contre X et on compte aussi porter plainte contre le collège qui n’a rien fait pour ma sœur, a fait savoir Rayan auprès de BFMTV. On n’accepte pas ça.»

Le principal de l’ancien collège de Dinah a été auditionné jeudi matin par la police. Contactée par France Bleu Alsace, l’académie de Strasbourg assure que «tous les moyens nécessaires seront mis en œuvre pour collaborer avec la justice et aider l’enquête. L’académie prend très au sérieux les situations de harcèlement».

Mise à jour : actualisation dimanche à 15h45 avec les extraits du discours de la mère de Dinah.

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