[ad_1] 2021-11-18 22:50:50 Revolution Permanente
Crédit Photo : THOMAS LOHNES / AFP
5e vague et surenchère autoritaire en Europe
À quelques semaines de la saison hivernale, l’inversion des courbes épidémiques inquiète fortement. À niveau européen, cette tendance – désormais qualifié de cinquième vague – est générale. En Belgique, le nombre de 10 300 nouvelles infections quotidiennes est similaire à celui d’il y a un an pendant la deuxième vague. Au Royaume-Uni, le taux d’incidence est de 500 nouveaux cas par million d’habitants. En Allemagne, les courbes épidémiques sont inédites depuis le début de la pandémie. En Autriche, le taux d’incidence est le plus élevé d’Europe et les autorités craignent une saturation des hôpitaux aux alentours du 24 novembre.
Une combinaison de facteurs explique cette tendance. D’une part, la baisse progressive de la protection octroyée par la vaccination au fil du temps qui rend indispensable le maintien des gestes barrières ainsi que le traçage des chaînes de contamination – mise à mal par le déremboursement des tests sur lequel ne souhaite pas revenir l’exécutif. D’autre part, la réticence persistante de secteurs de la population à se faire vacciner en raison de leur défiance vis-à-vis du gouvernement et de l’efficacité d’une telle injection : ces personnes sont majoritaires à être contaminées puis hospitalisées. Enfin, la saison hivernale rend le cocktail potentiellement explosif comme l’indique le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy : « un rebond épidémique serait déjà vraiment préoccupant s’il venait s’emboîter avec les autres virus hivernaux, comme la grippe ou la bronchiolite ».
Face à cette situation, la surenchère autoritaire est frappante. Entre le confinement des personnes non-vaccinées annoncé dimanche soir en Autriche et l’interdiction pour les Berlinois de l’accès aux lieux publics et de loisirs à défaut de vaccination préalable ou d’une précédente contamination les mesures restrictives gagnent du terrain en Europe et ciblent principalement les non vaccinés. Avec l’instauration d’un passe vaccinal, la Suède n’y coupe pas non plus alors qu’elle était perçue jusqu’alors comme une exception à la dynamique répressive. Responsabiliser les non-vaccinés de la situation sanitaire semble ainsi être une option reluisante pour un certain nombre de gouvernements. De fait, après un an et demi de pandémie et de multiples périodes de retrictions, ceux-ci semblent tenter le tout pour le tout afin de sauver l’économie d’une énième mise sous cloche tout en se préservant d’une colère généralisée de la part d’une population profondément lassée de la séquence épidémique.
En France, le passe vaccinal pas à l’ordre du jour, la stigmatisation des non-vaccinés si !
Une préoccupation qui n’échappe pas à l’exécutif français, fébrile à quelques mois à peine des présidentielles : « Cette vague est européenne (…) Nous la subissons de façon retardée et même très retardée par rapport à beaucoup de nos voisins du fait de notre bonne couverture vaccinale et du passe sanitaire » indique le ministre de la Santé Olivier Véran. De quoi revendiquer un bilan victorieux face à l’épidémie ainsi que le succès du passe sanitaire, quelques jours après sa prolongation jusqu’au 31 juillet 2022 et ce malgré les doutes du Conseil Scientifique quant à sa véritable efficacité.
Si Gabriel Attal assurait donc qu’il n’était pas question de quelconques nouvelles mesures restrictives, il a néanmoins déclaré une situation de « vigilance absolue » face au rebond. En effet, avec la saison des bronchiolites et des grippes, un taux d’incidence de 100 nouveaux cas hebdomadaires pour 100 000 habitants – de deux fois le seuil d’alerte officiel – et le retour du variant Delta, rien n’indique que les hôpitaux parviendront à subir un nouveau choc alors que les soignants des pays voisins sont de nouveau en première ligne pour éponger la saturation des établissements de santé. De quoi couper la dynamique de campagne d’Emmanuel Macron, qui espérait avoir clôt le chapitre sanitaire en vainqueur et s’attelait désormais à fignoler son attitude conquérante en se prononçant sur la hausse du coût de la vie ou le harcèlement scolaire.
Dans ce cadre, l’idée d’un confinement des non-vaccinés ou d’un passe vaccinal reste pour l’instant hors de propos pour l’exécutif qui tente d’éviter tout départ de feu. Déjà, le passe sanitaire avait causé l’ire d’une partie de la population – en particulier en Guyane où la mobilisation ne faiblit pas – et généré les critiques de plusieurs institutions à l’instar de la Défenseure des droits Claire Hédon qui alertait sur une mesure aux allures discriminatoires.
Pour l’instant, le gouvernement se contente donc de maintenir le passe et se satisfait de sa prolongation qui vise déjà, selon l’épidémiologiste Antoine Flahault, à stigmatiser les non-vaccinés : « La France a déjà, dans une certaine mesure, confiné les non-vaccinés puisque l’on ferme les bars, les cinémas, les salles de sport et les transports publics à ceux qui ne détiennent pas le pass ». En outre, le déremboursement des tests combiné à l’annonce d’un passe sanitaire conditionné à une troisième dose pour les plus de 65 ans vise à imposer implicitement la vaccination au détriment de mesures accessoires alors que cette stratégie montre aujourd’hui ses limites en Europe, comme l’indique Antoine Flauhault à propos du Danemark : « Les Danois, en levant toutes leurs mesures le 10 septembre dernier, ont également misé sur leur couverture vaccinale et redoutent aujourd’hui que le rebond important qu’ils observent en vienne à saturer leurs hôpitaux (…) Clairement, la stratégie du tout vaccinal n’a pas sa place désormais, sachons apprendre des leçons de nos voisins et combiner au vaccin les autres mesures efficaces de lutte contre le coronavirus ».
Dans le même sens, le battage médiatique en faveur d’un durcissement des mesures à l’encontre des non-vaccinés s’intensifie et permet au gouvernement de banaliser d’éventuelles mesures de ce type tout en le déresponsabilisant de cette situation. En effet, les dizaines d’articles de journaux sur les mesures autrichiennes et allemandes, le sondage ELABE pour L’Express et BFM TV indiquant que 60% des Français seraient favorables à des restrictions à l’encontre des non-vaccinés, ou encore le communiqué du 8 septembre de l’Académie de médecine suggérant de remplacer le pass sanitaire par un pass vaccinal participent à responsabiliser les non-vaccinés du rebond et légitiment d’éventuelles futures mesures de l’exécutif.
L’autoritarisme sanitaire n’est pas la solution : exigeons des moyens pour faire face au rebond !
De fait, sans envisager de telles restrictions actuellement, la stigmatisation des non-vaccinés comme étant les coupables de l’épidémie profite à l’exécutif qui cherche à tout prix à échapper à ses responsabilités dans la gestion de la crise sanitaire sans pour autant attiser la gronde. Comme l’indique Jean-François Delfraissy, « l’hôpital public n’a aujourd’hui tout simplement plus les moyens d’absorber une vague d’ampleur similaire aux trois premières » du fait de la casse du service public hospitalier à répétition et l’épuisement structurel des équipes de soignants sous-payées et en sous-effectif. La culpabilisation des franges de la population non vaccinées permet ainsi à Emmanuel Macron de légitimer la prolongation du passe sanitaire jusqu’à juillet, poursuivre sa campagne présidentielle sans annonces à haut risque tout en préparant le terrain à de nouvelles restrictions autoritaires si besoin.
Mais face à cette cinquième vague, la stratégie autoritaire du gouvernement et la stigmatisation de secteurs de la population ne peuvent être la solution ! Il est urgent d’exiger des moyens suffisants pour les hôpitaux – alors que le gouvernement fait mine d’enquêter sur la fermeture des lits qu’il a lui-même orchestré – l’augmentation généralisée des salaires des travailleurs de la santé ainsi que des étudiants infirmiers et en médecine, le déremboursement des tests et la gratuité des masques.
[ad_2]
Poster un Commentaire