IL NOUS FAUT UN NOUVEAU MAI 68

Pour ne pas payer leurs crises sanitaires, financières et leurs guerres
IL NOUS FAUT UN NOUVEAU MAI 68
Ce qui est frappant en France dans la période actuelle, c’est à la fois combien les contestations, les luttes sociales et les grèves sont nombreuses, témoignant d’une aspiration forte au changement et combien en même temps l’ordre établi arrive, malgré tout, à sauver ses positions et continuer sa destruction des acquis sociaux.
Le mouvement contre le pass sanitaire finit à peine que d’autres protestations se font entendre et d’autres mouvements s’enclenchent.
Le 8 mars, pour la journée internationale de lutte des femmes pour leurs droits, il y avait du monde dans la rue et plus de grèves que d’habitude. Le 12 mars, il y avait encore beaucoup de gens qui manifestaient pour la défense du climat et en même temps du monde encore avec les Gilets Jaunes dont la contestation a repris fortement contre la hausse des prix. Parallèlement, le nombre de grèves qui durent pour des augmentations de salaires n’a jamais été aussi important depuis décembre dernier. Et ça va continuer, non seulement avec la journée de grève interprofessionnelle du 17 mars mais aussi avec la grève illimitée à la RATP qui débute le 25 mars, la grève des cheminots et des agents territoriaux le 31 mars, celles des sages-femmes et des agents de sécurité début avril et bien d’autres journées d’action syndicale, sociale ou sociétale durant cette période, des assistants d’éducation jusqu’aux retraités en passant encore par la défense du climat ou les mobilisations contre la guerre.
Tout cela témoigne à quelques semaines voire quelques jours des élections présidentielles que beaucoup croient moins aux élections qu’à la lutte sociale pour changer leur sort. Du coup, les élections présidentielles en sont en partie délégitimées, en tout cas, au moins grandement décolorées. Pourtant, en même temps, ce sont les candidats de l’ordre établi et d’un ordre encore plus dur à l’encontre des classes populaires qui cumulent à cette date le maximum d’intentions de votes. Et au vu des sondages actuels, Macron le mal élu de 2017, encore plus discrédité et détesté aujourd’hui, l’emporterait.
Cette distorsion montre qu’il manque quelque chose.
On le voit bien : il y a du monde aux manifestations, mais ce n’est pas torrentiel. Les grèves pour les salaires sont nombreuses et durent, mais elles sont le plus souvent de courte durée, ou perlées, un jour par ci, un jour par là, s’arrêtent, reprennent, puis s’arrêtent à nouveau, gagnant assez souvent mais se contentant d’assez peu, en gros de limiter l’érosion des salaires par la hausse des prix, mais pas avec la perspective d’obtenir de grandes avancées. Il y a de la colère mais pas encore assez de détermination donnée par la confiance en soi et surtout lié à cela, l’adoption large de perspectives générales, l’envie et la volonté farouche de changer le monde.
Cela se voit encore avec la guerre en Ukraine.
Il y a un énorme élan populaire de solidarité humaine avec la population ukrainienne – et c’est formidable – contre l’horreur de ce qu’elle subit. Mais il y a pas en même temps autant de solidarité avec la résistance du peuple ukrainien contre l’invasion. Ou dit autrement, il n’y a pas le sentiment que le soulèvement populaire en Ukraine contre la guerre est de même nature que nos protestations ici contre l’oppression et l’exploitation, que la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. On est solidaire humainement mais avec des victimes ; on manifeste « pour la paix » de loin mais pas par solidarité de près avec leur résistance, leurs révoltes et combats, c’est-à-dire sans être pour la révolution pour nous débarrasser de tous nos dirigeants fauteurs de guerre comme de crise sanitaire ou financière.
Du coup, Macron a un espace pour se présenter lui-même en acteur de « paix », lui qui mène la guerre au Mali et arme l’Arabie Saoudite dans sa guerre au Yémen. A partir de là, il peut prolonger sa politique contre les pauvres et dire cyniquement depuis les fastes du château de Versailles qu’ à cause de la guerre il faudra – c’est-à-dire les français pauvres –, un peu plus se serrer la ceinture et repousser l’âge de départ à la retraite à 65 ans… et en même temps gagner des points dans les sondages. A l’inverse, mais parallèlement, certains, du fait de l’absence de cette pression populaire, de cette conscience, peuvent soutenir l’impérialisme russe, son invasion militaire et ses crimes de guerre sans honte, contribuant à semer la confusion dans les esprits des classes populaires, gênant l’expression d’une conscience de classe indépendante et de la détermination qui va avec.
Bien sûr, tout cela est sur le fil.
On voit bien qu’il faudrait peu de choses pour que les grèves actuelles sur les salaires basculent et que leurs mille ruisseaux se transforment en un seul fleuve qui emporte tout, y compris les élections présidentielles, y compris en nous faisant voir autrement le conflit en Ukraine, en y voyant l’expression locale d’une volonté générale de tous les peuples de refus de tous les oppresseurs, pouvant changer l’issue de cette guerre et ajouter à l’ampleur de nos luttes sociales, la volonté large de rupture totale avec la barbarie capitaliste.
Si ce basculement des consciences ne se faisait pas maintenant, cette élection présidentielle pourrait en paraître d’autant plus « volée ».
Ça s’était passé ainsi au printemps 1967 lors des élections législatives. Il y avait beaucoup de grèves malgré et contre la période électorale, comme aujourd’hui, témoignant d’une colère contre le régime gaulliste, mais n’osant pas encore penser la rupture avec le général. Du coup les gaullistes n’avaient gagné les élections que de peu, donnant un arrière-goût d’élections « volées » à la population. En conséquence de cette opposition sourde, De Gaulle, à l’issue des élections, avait continué sa politique de destruction des acquis sociaux et des libertés démocratiques mais en les imposant par le moyen de décrets. C’est-à-partir de là que s’est levé le mouvement de contestation qui éclatera largement en grève générale au printemps 1968.
La perspective de la grève générale habite déjà notre période. Il faut juste qu’elle mûrisse encore un peu. Soyons sûrs que Macron et la barbarie capitaliste y contribueront.
Jacques Chastaing le 13 mars 2022
Peut être une image de texte qui dit ’CHANGER DE GERANT NE SERTÀ RIEN CA TGR L SME C'EST LE SYSTÉME QU'IL FAUT ABATTRE COMITÉ D'ACTION 15e’
Christian Ribaud, Colette Bienvenu et 53 autres personnes
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