LE CLIMAT GENERAL EST EXPLOSIF LA MOINDRE ETINCELLE PEUT TOUT ENFLAMMER

Jacques Chastaing a partagé une publication.

6 h 
Les scrutins électoraux dits « représentatifs » ne représentent tellement plus les électeurs aujourd’hui que Macron, le président le moins bien élu en 2017 et le plus détesté de la cinquième république pourrait bien être réélu en avril 2022. Il y a quelque chose qui ne fonctionne plus dans leur démocratie avec leurs violences policières systémiques, leur racisme institutionnel, leurs atteintes aux libertés personnelles et collectives tendancielles, et, finalement, leur système électoral plus du tout représentatif… et ça se voit de plus en plus.
Au fil de ce temps de déliquescence démocratique, l’acceptation de l’exploitation et de l’oppression s’est transformée en résignation rageuse, où la rage couve et croit en permanence sous la résignation et peut exploser à tout moment.
Ainsi, après une longue période de montée de l’abstention au fil des scrutins durant ces dernières décennies qui traduisait tout à la fois un dégoût avéré mais en même temps encore une certaine croyance dans le système, une sorte d’espoir trahi, on voit en plus de ce phénomène se construire peu çà peu une distance plus grande encore à l’encontre des scrutins bourgeois qui se traduit cette fois par une montée des luttes sociales à proximité des scrutins présidentiels.
Ces luttes étaient d’abord hier un moyen de pression pour tenter d’obtenir quelque chose comme dans une lutte revendicative habituelle. Aujourd’hui, et tout spécialement cette année, le nombre particulièrement important de ces luttes traduit aussi un rejet global du système électoral bourgeois traditionnel manifestant les premiers pas de masse du rejet du rapport traditionnel de subordination des luttes sociales aux élections, un rapport de subordination qui est donc en train de s’inverser.
Ainsi, sans qu’on en ait peut-être encore bien conscience, se glisse insensiblement dans nos esprits avec l’idée que Macron va peut-être bien gagner, qu’il faudra de toute façon continuer la lutte, quel que soit l’élu, et donc le symptôme qu’on n’apporte pas tant d’importance que ça à ces élections, en tous cas moins qu’auparavant.
On sait en effet que si Macron gagne, sa victoire ne sera pas légitime, qu’elle sera une victoire volée. Ce sera une victoire non pas gagnée par le jeu démocratique non faussé mais volée par un système faussé où on n’élit jamais le pouvoir économique des banquiers et des conseils d’administration des milliardaires, les vrais décideurs, qui avec leur argent, leurs médias et leurs sondages d’opinion fabriquent les résultats. Ce sera encore une victoire volée dans ces conditions d’un jeu démocratique faussé par l’absence réelle d’une opposition syndicale et politique de gauche qui est sortie du champ des luttes, y abandonne les gens laissés à eux-mêmes, on l’a encore vu avec les Gilets Jaunes et les anti-pass, et n’a plus du tout la volonté – pour celle qui ne s’est pas vendue directement à Macron – de construire une riposte dans les grèves et la rue à la hauteur des attaques du gouvernement, seule condition pour espérer ensuite à travers cette démocratie de la rue construire une mobilisation dans les urnes malgré et contre l’appareil médiatique ainsi que contre les habitudes de la soumission.
Cela dit, malgré les sondages, Macron n’a pas encore gagné. Loin de là. Car la démocratie de la rue est bien présente.
Cette année, le nombre exceptionnel de luttes à la veille du scrutin, avec par exemple encore le démarrage d’une grève illimitée à la RATP le 25 mars et une nouvelle journée d’action nationale dans plusieurs secteurs professionnels le 31 mars ainsi que d’autres grèves encore jusqu’au 5 avril, auxquelles se rajoutent maintenant en plus des Gilets Jaunes, les blocages de routes et de dépôts pétroliers par des agriculteurs, marins-pécheurs, ambulanciers, taxis, ouvriers ou patrons du BTP… contre la hausse des prix des carburants qui pourraient faire tâche d’huile ces prochains jours. Tout cela rend le résultat du scrutin incertain jusqu’à quelques jours du vote. Les provocations de Macron sur la retraite à 65 ans ou l’obligation de travailler pour les bénéficiaires du RSA, ce qui équivaut à une destruction du Smic, qui ont pour signification aujourd’hui pour lui d’affirmer qu’il est le maître et qu’il ne craint ni le vote ni la rue, pourraient bien tout d’un coup se retourner contre lui.
Tout est possible.
La guerre en Ukraine sur laquelle joue Macron pour détourner l’attention, peut se transformer en son contraire et multiplier avec l’inflation les luttes contre la hausse des prix et pour la hausse des salaires. Elles peuvent prendre tout d’un coup une dimension inégalée et ainsi suppléer à ce que ne fait pas l’opposition de gauche, construire une riposte générale dans la rue, avec comme résultats des classes populaires qui reprennent confiance en elles, construisent leur propre démocratie et à partir de là décident d’investir le jeu électoral soit en le désertant démonstrativement avec l’abstention, soir en volant le résultat de Macron par une montée de Mélenchon.
Si cela n’arrivait pas, et en cas de victoire de Macron, le sentiment dans les classes populaires d’une élection volée serait de toute façon tellement fort qu’il pourrait mettre en ébullition le lendemain des élections présidentielles – comme aux USA mais avec exactement la signification sociale et politique inverse -, ce que Macron craint tout spécialement du fait des particularités des scrutins présidentiels et législatifs de cette année.
Nous n’allons en effet pas connaître cette année un seul scrutin qui lie en un tout les élections présidentielles et les législatives dans le même bouquet, les législatives venant confirmer le résultat des présidentielles quelques semaines après. Cette année, le délai entre les présidentielles et les législatives est de 50 jours, particulièrement long, presque deux mois, contre un mois d’habitude. Avec un premier tour présidentiel dans trois semaines, le second tour dans un un peu plus d’un mois, des législatives qui auront lieu dans 3 mois, le délai est tel dans cette situation agitée que tout peut arriver, aussi bien avec la guerre, l’inflation, que les luttes sociales. Cela fait qu’on aura deux scrutins au lieu d’un seul. Avec deux résultats peut-être bien différents voire opposés.
Ce délai inhabituel pourrait bien en effet devenir un espace au lendemain du scrutin présidentiel pour la multiplication des luttes sociales et leur politisation, pour l’expression d’une démocratie réelle dans la rue contre la démocratie faussée des élections, c’est-à-dire une politisation et une généralisation des luttes, avec ce sentiment d’une élection « volée », un sentiment semblable à celui éprouvé dans les dictatures qui se prêtent aux jeux électoraux et qui souvent se fait entendre par des explosions révolutionnaires.
En France, on avait déjà connu ce sentiment d’une élection volée au scrutin du printemps 1967, un sentiment qui avait alors synthétisé en lui toute la montée des luttes émiettées de 1963 à 1967 et qui les avait unifiés par la volonté commune qui avait émergé à ce moment de se débarrasser à tout prix de De Gaulle et de son régime. C’est cela qui avait été le point de départ de la montée unifiée vers la grève générale de mai 68.
Macron sait tellement que les luttes peuvent s’emparer de ce sentiment d’une élection « volée » et qu’elles pourraient réduire à néant son éventuelle victoire aux présidentielles y compris par une défaite nette aux législatives qu’il cherche à tout prix à raccourcir le délai entre les présidentielles et les législatives au point d’envisager la dissolution de l’Assemblée nationale dans la foulée des présidentielles. Minoritaire à l’Assemblée nationale, son gouvernement serait alors paralysé, ce qui le pousserait à gouverner par décrets pour faire passer ses mesures impopulaires, comme De Gaulle, après le printemps 1967, amplifiant ainsi le sentiment de démocratie faussée. Ce sont ces décrets qui ont généré encore plus de colères et la volonté en 1967 de passer par la grève et la démocratie de rue pour changer les choses, puisque l’issue des élections et la démocratie électorale était bouchée.
Dans ces moments, le mouvement social lui-même devient peu à peu son propre débouché politique en même temps qu’il tend alors pour cette raison à chercher consciemment sa généralisation, la grève générale.
En même temps que le rapport élections/mouvement s’inverse et que le courant des élections comme débouché principal de la lutte, laisse la place au courant de la lutte comme perspective dominante avec ses propres valeurs et ses objectifs d’une autre société par le peuple et pour le peuple, apparaissent alors les premiers organismes d’auto-organisation, de pouvoirs populaires embryonnaires, de démocratie par en bas, qui ne peuvent pas exister sans la perspective et l’espoir de changer le monde capitaliste et pas seulement de l’améliorer comme dans les élections.
Les conditions de la fermentation politique qui avaient mené à mai 1968 sont en en train de se développer aujourd’hui à une échelle encore bien plus grande qu’à cette époque et au niveau du monde entier, ce qu’on voit dans l’intrication du mouvement social et des élections politiques du Chili à l’Inde, du Pakistan au USA, de quasi toute l’Asie du sud à presque toute le continent américain. Quinze jours avant Mai 68, on prenait pour des martiens ceux qui pensaient qu’on allait vers une explosion sociale. Mai 68 à la puissance dix est devant nous, juste devant.
Jacques Chastaing, le 20 mars 2022
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