Son nom, « Yvan Colonna », figure dans les slogans et son portrait est brandi dans les manifestations qui agitent la Corse depuis le 2 mars.
Ces douze derniers jours ont été marqués par des blocages de lycées et d’universités, des cortèges de milliers de Corses et ce dimanche des confrontations entre plusieurs centaines d’émeutiers et les forces de l’ordre. La tension est palpable dans l’île et elle est étroitement liée au sort d’Yvan Colonna.
Qui est-il ?
De berger à taulard
Yvan Colonna est né en Corse en 1960, à Ajaccio, de père corse et de mère bretonne. A vingt et un ans, il interrompt des études d’éducation physique pour retourner dans le fief familial, à Cargèse, élever des chèvres. Son surnom de « berger de Cargèse » date de ce métier endossé à 20 ans.
Le jeune homme, physique de sportif et regard doux sous d’épais sourcils foncés, cumule alors travail à la bergerie et militantisme dans les mouvements nationalistes corses.
En 2001, il prend place pour la première fois sur le banc des accusés pour un verdict qui le concerne : Yvan Colonna est condamné pour avoir fait le guet lors de l’attaque par un groupe de nationalistes de la gendarmerie de Pietrosella, quatre ans plus tôt.
Mais l’affaire qui lui vaudra la réclusion à perpétuité a fait bien plus de bruit encore : le 6 février 1998, Claude Erignac, préfet de la région de Corse, est abattu en pleine rue. Quatre militants nationalistes corses sont arrêtés : ils donnent le nom d’Yvan Colonna comme étant le tireur. Mais Colonna est introuvable. Il ne sera interpellé que quatre ans plus tard, non pas au bout du monde, mais simplement caché en Corse, dans une bergerie.
Il connaîtra trois procès pour cet assassinat, en 2007, 2009 et 2011, et à trois reprises sera reconnu coupable et condamné à réclusion à perpétuité. Les dénonciations de ses ex-complices ont pesé lourd dans ce verdict.
L’aura de Colonna
Cette saga judiciaire avait été accompagnée de manifestations de soutien à Yvan Colonna, en Corse, aux cris de « justice pour Yvan ». Des manifestants nationalistes aux yeux desquels Yvan Colonna est un prisonnier politique, voire un innocent victime de l’Etat français, un héros. Cette image de héros a imprégné des générations de Corses qui n’étaient pourtant pas nés au moment des attaques ni de l’arrestation d’Yvan Colonna : les jeunes étaient nombreux ces derniers jours dans les foules qui ont défilé dans les villes de l’île et qui ont porté en héros le portrait du berger-détenu.
Le sentiment d’injustice depuis la condamnation de Colonna avait été accentué par le refus prolongé de son transfert vers un établissement pénitentiaire en Corse, près de sa famille.
Cette demande de transfert a été portée depuis des années par les nationalistes, à la tête de la collectivité de Corse depuis 2015. Mais elle n’a jamais été exaucée : les autorités françaises ont refusé de lever le statut de « détenu particulièrement signalé » d’Yvan Colonna, un statut qui empêchait de facto son arrivée en Corse. C’est donc à Arles qu’il était détenu et c’est là qu’il a été agressé le 2 mars.
L’agression, une étincelle
Yvan Colonna a été attaqué à Arles par un codétenu radicalisé, dans la salle de sport de la prison : il est entre la vie et la mort.
Les manifestants qui, depuis, manifestent leur colère en Corse répètent deux questions, en particulier : qu’est-ce qui explique que les deux détenus se soient retrouvés seuls dans cette salle huit longues minutes ? Et puisque l’Etat français avait choisi de maintenir Colonna à Arles plutôt qu’en Corse et que c’est à Arles qu’il a été agressé, l’Etat n’a-t-il pas de responsabilité dans cette agression ? Ils incriminent l’Etat français, au cri de « statu francese assassinu ! » (« Etat français assassin! »).
Ces jours de tension ont mené Jean Castex, le Premier ministre français, à finalement suspendre le statut de « détenu particulièrement signalé » de l’ex-berger ainsi que de deux autres membres du « commando Erignac », Pierre Alessandri et Alain Ferrandi.
Mais les revendications des manifestants vont plus loin. Les nationalistes corses, portés par cet élan populaire et cette tension peut-être propice aux concessions, appellent à « d’autres gestes publics, forts et immédiats » du gouvernement, selon les mots de Gilles Simeoni, l’ancien avocat d’Yvan Colonna devenu Président du conseil exécutif corse. Sur ce fond de colère populaire et sur l’aura d’Yvan Colonna, le nationaliste appuie une demande de longue date qui a déjà amené son lot d’étincelles : « la reconnaissance du peuple corse, le statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice ».
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