4 avril 2022
Il était attendu pour ce lundi 4 avril au matin. C’est finalement à 17 heures que le troisième et dernier volet du sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) sera dévoilé au grand public. L’approbation de ce document, qui porte sur les solutions disponibles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, devait s’achever vendredi 1er avril. Mais les délégués ne se sont mis d’accord que deux jours plus tard, le 3 avril dans la soirée. Un retard important qui s’explique par la charge politique de ce texte.
Ce troisième volet est le fruit d’un long travail collectif, qui a impliqué plus de 230 auteurs pendant cinq ans. Comme pour chaque rapport du Giec, sa publication s’accompagne d’un « résumé à l’intention des décideurs ». Le contenu de cette version condensée du texte est négocié ligne par ligne par les représentants des 195 pays membres du Giec, en collaboration avec les auteurs.
Les tractations ont été particulièrement intenses : « Ce n’est pas surprenant, le troisième volet du rapport est toujours plus politique que les autres, dit à Reporterre le chercheur en sciences politiques François Gemenne, qui a suivi les négociations. C’est le volet le plus utilisé, le plus instrumentalisé par le grand public. Il est certain que les États sont plus attentifs et le scrutent davantage que les autres. »
Un langage qui titille les pays les plus pollueurs
Le contenu de ce rapport est en effet sensible. Y sont notamment identifiées les mesures d’atténuation compatibles avec les objectifs fixés dans l’Accord de Paris. Les retards se sont accumulés au cours des quinze jours de négociations en ligne. « Globalement, comme souvent, c’était surtout les pays les plus pollueurs qui essayaient d’atténuer le langage pour qu’il ne puisse pas être utilisé contre eux, explique François Gemenne. L’Arabie saoudite ne voulait pas que l’on parle d’une sortie complète des énergies fossiles, et le Brésil ne voulait pas que l’on parle de “régime végétalisé”, mais plutôt d’un “régime équilibré”. »
La question du financement international a également créé des tensions. Selon BFMTV, les États-Unis ne voulaient pas intégrer au document final des données montrant que les pays en voie de développement ont besoin d’un soutien financier très important pour respecter l’Accord de Paris, tandis que la Chine souhaitait mettre ce point en avant.
« Personne ne cherche vraiment à le torpiller »
« On essaie toujours de trouver un compromis, une voie entre deux », dit François Gemenne, avant de rappeler que les scientifiques gardent « toujours le dernier mot » : « S’ils ne sont pas satisfaits du texte, ils peuvent bloquer le processus et refuser de publier le rapport. »
Les États n’ont en revanche pas ce pouvoir. Ils ne peuvent que refuser de valider individuellement le rapport. « Les États doivent donc aussi chercher un compromis qui satisfasse les scientifiques. » La marge de manœuvre des représentants est également limitée : « Il est difficile pour les États de contredire frontalement ce que fait le Giec, dans la mesure où il recense des études déjà publiées », dit à Reporterre Clément Sénéchal, chargé de campagne climat à Greenpeace.
Malgré les tentatives des gouvernements « d’infléchir » le contenu du texte, François Gemenne observe que les discussions au sein du Giec sont souvent plus constructives que dans le cadre des négociations internationales sur le climat. Le fait que ces résumés à l’intention des décideurs ne soient pas contraignants juridiquement y contribue peut-être. « Chacun sait que c’est l’intérêt de tout le monde que le rapport soit publié. Personne ne cherche vraiment à le torpiller. » Reste à savoir si ses conclusions – exigeantes – seront suffisamment prises au sérieux.
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