Macron défait, le RN en force, la Nupes 2e force politique

Bien sûr, nous espérions une victoire plus importante, rêvant d’un gouvernement appliquant le programme de l’Avenir En Commun (devenu celui de la Nupes). Soulignons cependant ce à quoi nos militants sont parvenus, malgré des médias ne leur facilitant pas la tâche -pour ne pas dire l’obstruant. Grâce à eux :
. les réels thèmes d’une politique sensée ont dépassé les sujets de pures manipulations : on a été saisis du souci du pouvoir d’achat, du problème de l’eau, des conséquences du changement climatique, de l’inégalité grandissante entre les citoyens, de notre représentativité par les élus, par exemple.
L’on savait l’objectif d’E. Macron, dont la politique du 1er mandat a entretenu et approché les thèmes chers à l’extrême droite : un duel entre les deux partis. Ce que cette campagne nous a révélé est que l’extrême droite n’est pas son ennemi : lors des duels du 2ème tour entre ce parti et la Nupes, il n’y a pas eu du côté de la macronie d’appel à battre le Rassemblement National ! Mais cela n’a pas empêché la Nupes d’en gagner, et c’est heureux.
Voyons plus en détails ces résultats :

Le président Macron n’a pas obtenu la majorité absolue à l’Assemblée. Candidats Nupes élus, score d’EELV, avancée du RN… Le point complet sur les résultats des législatives.

Emmanuel Macron n’aura pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Dimanche 19 juin, la coalition Ensemble — regroupant le parti du président, Renaissance (ex-La République en marche), le MoDem, Horizons… — n’a obtenu que 38,63 % des voix aux élections législatives, remportant 246 sièges de députés.

Or la majorité absolue se situe à 289 sièges. Sans ce levier, Emmanuel Macron va être contraint de négocier avec les différents partis pour faire voter ses lois — ce qu’il n’avait pas été tenu de faire durant son premier mandat, de 2017 à 2022.

La Nupes [1] — coalition de partis de gauche allant de La France insoumise (LFI) à Europe Écologie-Les Verts (EELV), en passant par le Parti socialiste (PS) — devient la deuxième force politique du pays, en remportant 32,64 % des voix, soit 142 sièges. Vingt-deux députés ont également été élus sous l’étiquette « divers gauche ».

Selon les chiffres compilés par Le Monde, La France insoumise, qui présentait le plus de candidats en vertu de sa troisième place à la présidentielle, a remporté 72 sièges. Un gain important par rapport à 2017, lorsque les Insoumis ne l’avaient emporté que dans dix-sept circonscriptions. EELV et les différents partis du pôle écologiste récoltent 23 sièges. Le PS décroche 26 sièges ; de 2017 à 2022, il disposait d’un groupe de 28 parlementaires. Le PCF, qui présentait 49 candidats dans le cadre de la Nupes, a remporté le siège dans seulement douze circonscriptions. Génération·s la formation fondée par Benoît Hamon, enverra 4 députés au Palais Bourbon. On ne sait pas si les forces politiques de la Nupes siégeront dans un seul groupe ou séparément.

Le Rassemblement national (RN), parti d’extrême droite, obtient un score historique : 17,30 % des voix et 89 sièges. Seuls huit députés avaient été élus sous cette étiquette il y a cinq ans. En perte de vitesse depuis l’élection présidentielle, le parti Les Républicains (LR) n’obtient quant à lui que 6,98 % des voix, soit 61 sièges.

Seuls 46,23 % des Français inscrits sur les listes électorales sont allés voter à ces élections législatives, l’abstention s’élevant à 53,77 %.

Trois ministres devront démissionner

Même si la coalition présidentielle reste la première force politique française en nombre de votes et de sièges, c’est un sacré revers pour Emmanuel Macron. Il échoue non seulement à remporter la majorité absolue à l’Assemblée, mais trois de ses ministres sont battus.

Justine Benin, secrétaire d’État chargée de la Mer, a été vaincue dans la deuxième circonscription de Guadeloupe par le candidat divers gauche Christian Baptiste (41,35 % à 58,65 %). Dans la sixième circonscription du Pas-de-Calais, c’est la ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, qui a été battue de peu (49,94 %) par une représentante du Rassemblement national, Christine Engrand (50,06 %).

Amélie de Montchalin, ministre de la Transition écologique, a également été défaite dans la sixième circonscription de l’Essonne : elle n’obtient que 46,64 % face au candidat de la Nupes, Jérôme Guedj (53,36 %). Emmanuel Macron avait prévenu : les ministres battus vont devoir quitter le gouvernement. Un remaniement aura donc lieu dans les prochains jours.

Rassemblement de militants de la Nupes, le 19 juin 2022.

Élisabeth Borne devrait garder son poste

Sur le principe, la Première ministre Élisabeth Borne devrait pouvoir garder son poste [2] : elle a remporté la sixième circonscription du Calvados face à Noé Gauchard, représentant de la Nupes. Mais la victoire n’est que d’une courte tête : 52,46 % des voix, contre 47,54 %.

« Normalement, Madame Borne devrait partir, a réagi le nouveau député Nupes des Bouches-du-Rhône, Manuel Bompard, sur le plateau de BFMTVLe premier résultat des élections législatives d’hier, c’est que le gouvernement tel qu’il a été constitué par Emmanuel Macron ne peut pas continuer à gouverner comme si de rien n’était, et comme si on n’avait pas entendu le signal des électrices et des électeurs. »

En tout, douze ministres du gouvernement (sur les quinze qui se présentaient) ont été élus. Certains avec une large avance sur leur adversaire, comme le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui a remporté 57,52 % des voix face à la candidate de la Nupes Leslie Mortreux (42,48 %) — malgré les accusations de violences sexuelles à son encontre. Même chose pour le ministre des Solidarités Damien Abad, également visé par des accusations de violences sexuelles : il a obtenu 57,86 % des voix, contre 42,14 % à sa rivale Florence Pisani (Nupes).

Des bons résultats pour le gouvernement, contrebalancés par le rejet d’anciens « poids lourds » de la macronie. L’ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a été battu (48,51 %) par le candidat Nupes Léo Walter (51,49 %) dans les Alpes-de-Haute-Provence. Richard Ferrand, proche d’Emmanuel Macron et président de l’Assemblée nationale, a également été défait (49,15 %), dans le Finistère, par Mélanie Thomin (Nupes, 50,85 %). Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l’Éducation nationale, avait même été éliminé dès le premier tour des législatives, le 12 juin.

« On espérait mieux évidemmenta réagi sur le plateau de France 2 la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire. C’est une première place décevante, mais c’est une première place. »

Côté Nupes, des députés sortants réélus

La grande majorité des députés sortants ont été confortablement réélus. C’est le cas des leaders des différents partis de la Nupes — Olivier Faure, Fabien Roussel — et de la totalité des députés insoumis à nouveau candidats. Parmi elles et eux, on trouve ainsi des figures des combats écologistes au Palais Bourbon.

Candidate (Nupes) à sa succession dans la 2e circonscription des Deux-Sèvres, Delphine Batho est arrivée largement en tête avec 57,88 % des voix face à Cécile Rochefort, d’Ensemble. L’ancienne ministre de l’Écologie de François Hollande rempile ainsi pour son quatrième mandat. Elle a quitté le PS en 2018 et préside désormais Génération écologie. Candidate à la primaire écologiste de 2021, elle est arrivée en troisième position avec 22 % des voix.

Jean-Luc Mélenchon le 19 juin 2022.

Avec 61,01 % des voix, le « député reporter » François Ruffin l’a emporté face à la candidate du Rassemblement national, Nathalie Ribeiro-Billet. Originaire d’Amiens, le journaliste, fondateur et rédacteur en chef de la revue Fakir, mais aussi réalisateur de documentaires, dont récemment Debout les femmes (2020), siégera à nouveau sur les bancs de l’Assemblée nationale.

Mathilde Panot a confortablement obtenu son ticket pour l’Assemblée nationale. La députée insoumise a obtenu 67,63 % des voix face à Philippe Hardouin, d’Ensemble, dans la 10e circonscription du Val-de-Marne. Âgée de 33 ans, Mathilde Panot est présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale. Selon un classement de l’association Agir pour l’environnement, elle a été, par ses votes, la députée la plus engagée pour l’environnement avec Delphine Batho.

Aurélien Taché a été réélu dans la 10e circonscription du Val-d’Oise, avec 55,76 % des voix. Le député du Val-d’Oise a quitté LREM en 2020 avant de fonder le parti Les Nouveaux démocrates, dont il est le coprésident. Durant la campagne présidentielle, il était membre du conseil politique de Yannick Jadot, le candidat EELV.

Également très investi sur les questions écologiques, Loïc Prud’homme a été largement réélu dans la 3e circonscription de la Gironde. Il a obtenu 59,27 % des voix face à Fabien Robert, d’Ensemble.

De nouvelles têtes vertes à l’Assemblée

L’Assemblée nationale va changer de visages, avec l’arrivée en nombre de figures des luttes écologistes et sociales.

Ancienne candidate à la primaire des écologistes, Sandrine Rousseau l’a emporté dans la 9e circonscription de Paris . Elle a obtenu 58,05 % des voix face au député sortant Buon Tan, d’Ensemble. Du côté EELV, le secrétaire national du parti, Julien Bayou, a recueilli 58,1 % des suffrages dans la 5ᵉ circonscription de Paris. Il s’est imposé face à Élise Fajgeles, d’Ensemble.

La militante écologiste Alma Dufour l’a emporté contre le candidat du Rassemblement national, avec 53,72 % des suffrages. Comme députée de Seine-Maritime de la Nupes, elle pourra poursuivre à l’Assemblée nationale son combat contre Amazon, débuté quand elle était membre des Amis de la terre.

Rachel Keke devient la première députée femme de chambre de la Ve République. Elle l’a emporté avec une très courte avance — 177 voix — face à l’ex-ministre des Sports Roxana Maracineanu, Avant d’être candidate victorieuse dans la 7e circonscription du Val-de-Marne, elle a travaillé au sein de l’hôtel Ibis Batignolles, à Paris, où elle a été femme de ménage puis gouvernante. Rachel Keke est l’une des figures du combat des femmes de chambre qui ont tenu tête au groupe hôtelier Accord pendant vingt-deux mois de grève, de 2019 à 2021.

Ancienne dirigeante d’Attac, présidente du parlement de l’Union populaire durant la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon, Aurélie Trouvé confirme son entrée dans le monde politique. Elle l’a emporté haut la main dans la 9e circonscription de Seine-Saint-Denis, avec 69,24 % des voix face à Alexandre Saada, d’Ensemble.

Candidate de la Nupes dans la 3e circonscription de la Drôme, Marie Pochon est arrivée en tête avec 52,22 % des voix, face à la députée LREM sortante, Célia de Lavergne. À 32 ans, la militante s’est fait connaître par son investissement dans l’association Notre affaire à tous, qui a lancé une action en justice contre la France pour « inaction climatique ». Antinucléaire, la nouvelle députée s’est également imposée dans la circonscription où est implantée la centrale nucléaire de Tricastin.

Aymeric Caron, militant animaliste investi par la Nupes, est arrivé en tête dans la 18e circonscription de Paris avec 51,6 % des voix. L’ancien chroniqueur télé a ainsi battu le député sortant LREM Pierre-Yves Bournazel.

Manuel Bompard a été élu député dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, avec 73,92 % des voix. Il a battu la candidate d’Ensemble, Najat Akodad. Ce cadre de la France insoumise a ainsi repris le fief électoral de Jean-Luc Mélenchon.

Parmi les candidats déçus, Claire Lejeune, militante écologiste, a échoué de peu dans la 7e circonscription de l’Essonne. Elle a été battue par le député LREM sortant Robin Reda, à 214 voix près. Doctorante à Sciences Po, elle est l’une des figures des marches pour le climat. Dans l’Ain, l’activiste climat Lumir Lapray, investie par EELV dans le cadre de la Nupes, n’a obtenu que 41,66 % des votes face à son adversaire Romain Daubié (Ensemble).

Stéphane Ravacley, le boulanger du Doubs qui avait fait parler de lui par sa grève de la faim pour la régularisation de son apprenti guinéen, puis son convoi humanitaire vers l’Ukraine, se présentait dans la 2e circonscription du Doubs, pour la Nupes, sous la bannière EELV. Il n’a finalement obtenu que 47,74 % des voix face à Éric Alauzet, d’Ensemble.

Score historique du RN

Après la coalition présidentielle et la gauche unie, la troisième place revient donc au Rassemblement national. Alors qu’ils n’étaient que huit députés à l’Assemblée de 2017 à 2022, ils vont désormais être 89. Un score historique. Dans l’entre-deux-tours des législatives, la Nupes avait gardé la même ligne que durant la présidentielle : « Pas une voix pour le Front national. »

En revanche, la coalition Ensemble avait refusé d’appeler officiellement à voter pour l’adversaire du parti d’extrême droite. Interrogée sur France Info, sur un potentiel « regret » de ne pas avoir pris position clairement, Aurore Bergé, réélue députée des Yvelines, a maintenu le flou : « On avait malheureusement des cas où c’était très compliqué de savoir définir qui était le candidat qui était le plus républicain. Regardez un duel entre François Ruffin et le Rassemblement national. » Le fameux « barrage républicain » a donc définitivement cédé et coulé lors de ces élections législatives.

 

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