Jacques Chastaing a partagé une publication.
LES LUTTES QUI CONTINUENT PENDANT L’ÉTÉ ONT TOUJOURS ANNONCÉ DES SUBVERSIONS PROFONDES
Après la perte par Macron de sa majorité au parlement puis la démission de Johnson en Grande Bretagne, c’est maintenant Draghi en Italie qui pose aussi sa démission.
Au delà de la défaite électorale en France, des scandales sexuels chez les conservateurs en Grande Bretagne, des divisions au sommet sur la question ukrainienne en Italie, tous ces gouvernements – et encore au delà en Europe …
LES LUTTES QUI CONTINUENT PENDANT L’ÉTÉ ONT TOUJOURS ANNONCÉ DES SUBVERSIONS PROFONDES
Après la perte par Macron de sa majorité au parlement puis la démission de Johnson en Grande Bretagne, c’est maintenant Draghi en Italie qui pose aussi sa démission.
Au delà de la défaite électorale en France, des scandales sexuels chez les conservateurs en Grande Bretagne, des divisions au sommet sur la question ukrainienne en Italie, tous ces gouvernements – et encore au delà en Europe et dans le monde -qui se voulaient autoritaires se trouvent au contraire en situation de faiblesse.
Depuis 2013 au moins, la bourgeoisie avec son argent et ses médias, a organisé la montée en puissance de ces régimes autoritaires minimisant le parlement, ou qui y tendent, s’appuyant sur la police et les haines raciales ou religieuses, pour détruire un peu plus les acquis sociaux et démocratiques dans le but global dans cette période de capitalisme pourrissant et de concurrence internationale aiguë,.de réduire la part des salaires et accroître celle des profits.
Pourtant, aujourd’hui, tous ces exécutifs durs sont fragilisés face à un retour de flammes (relatif) du parlementarisme. Cette évolution à rebours des tendances lourdes du capitalisme est un reflet déformé de la résistance populaire qui pour sa part croit lentement mais régulièrement. Le retour du parlementarisme – et dans sa foulée probablement du « dialogue social » – a pour vocation d’amortir la colère populaire et la détourner vers les jeux électoraux et politiciens institutionnels.
Le mouvement ouvrier organisé aurait dû profiter de cette faiblesse ajouté de la relative absence l’été des appareils d’Etat et d’encadrement social, journalistes, bureaucrates et policiers, pour s’appuyer sur les mobilisations des travailleurs partout et les pousser plus loin. Que ce soit en Grande Bretagne, en Espagne, en Allemagne et Italie et en France, la colère gronde face à la vie chère. En France, les luttes durent sans discontinuer, notamment sur les salaires, depuis l’automne dernier. Et si les luttes sont encore émiettées, on voit pointer une tendance à leur unification au niveau régional ou professionnel, que ce soit aux Aéroports De Paris, dans l’aviation, le commerce, l’énergie, la chimie, les transports… avec certes encore un caractère économique, perlé mais cependant dans la durée, tout à la fois plus radicales et intersyndicales, une évolution qui cherche le compromis entre l’efficacité relative de la grève locale et la nécessité de la grève d’ensemble, qu’on sent comme des essais vers la généralisation. Il fallait appuyer cette tendance.
De plus les mobilisations paysannes néerlandaises suivies dans bien d’autres pays, qui sont pour leur part politiques visant directement les gouvernements, contribuent à politiser le mouvement social dans son ensemble cet été et il est tout à fait possible que les paysans français s’y mettent à leur tour comme ça s’est fait à La Réunion, où les paysans appuyés par les dockers viennent de remporter une victoire historique face au géant du sucre Téreos (Beghin-Say) et le gouvernement français.
C’était donc le moment pour appeler cet été à mettre le feu au pays voire à l’Europe, et pas le feu qui détruit les forets et qu’on subit mais le feu de la colère sociale qu’on fait subir aux destructeurs de nos vies et de la planète.
Il y avait pour aller dans ce sens en France l’appel à la mobilisation des Gilets Jaunes des 12 et 14 juillet contre la hausse des prix.
Mais les confédérations syndicales et les directions politiques de gauche qui font partie des institutions tout comme les élections représentatives, le 14 juillet et les congés payés, craignent cet incendie social – qui avait déjà contaminé la période de paix sociale des élections et menaçait le 14 juillet et les congés-, presqu’autant que Macron et les puissances d’argent.
Ces directions syndicales et politiques de gauche ont encore montré qu’elles faisaient partie du système des institutions en faisant barrage à cette initiative des Gilets Jaunes. Pour ce faire, elles se se sont ‘appuyées sur la partie des travailleurs la moins pauvre qui part en vacances, bien qu’une minorité décroissante, et sur l’habitude plus large ancrée depuis des années de cette pause estivale, . La CGT et Solidaires ont annoncé que la prochaine mobilisation n’aurait lieu que le 29 septembre, qu’un seul jour, sans plan de mobilisation et sans suite (tout en rajoutant ensuite d’autres dates par profession, comme la santé par exemple, pour amoindrir encore la portée du 29 septembre). Les directions syndicales des cheminots, sans consulter la base ont pour leur part clairement signifié qu’il fallait mettre cet été un arrêt au mouvement social qui dure depuis depuis des mois à la SNCF. Et puis LFI a fait la même chose en appelant pour sa part à une marche contre la vie chère aussi en septembre mais pas à la même date que les syndicats, ce qui a provoqué en passant les foudres de Martinez de la CGT : où va-t-on si les luttes sociales prennent un caractère politiques ! Pour lui, il faut les confiner à l’économique et à l’émiettement comme au plus fort des « trente glorieuses ».
Ces appels à la pause sociale ont des conséquences. C’est cela qui a permis à Macron de faire ce 14 juillet son discours offensif contre les chômeurs, le RSA et pour notre « sobriété » avec les moyens d’une majorité sociale qui défend le système même s’il n’a plus la majorité politique à l’Assemblée..
On retrouve exactement la même situation qu’en 2017 où la première victoire de Macron, déjà volée contre la menace Le Pen et un taux d’abstention record, avait engendré l’apparition du Front Social et une colère sociale sourde tout l’été. Pour qu’elle n’explose pas hors des cadres convenus, les directions syndicales et la LFI avaient fait les mêmes promesses d’une mobilisation en septembre avec la même division de dates entre directions syndicales et politiques qui en avait découragé plus d’un. Cela avait permis à Macron de passer l’orage et d’être « jupitérien » au début de l’hiver et mener toutes ses attaques.
Mais c’est aussi cette situation institutionnelle bloquée qui avait généré hors système l’apparition des Gilets Jaunes. Ça avait pris d’abord la forme du mouvement « Colère » en janvier 2018 qui, rappelons-le, avait mobilisé jusqu’à 250 000 manifestants avant de passer le flambeau aux Gilets Jaunes en novembre 2018. Ce mouvement a été oublié parce qu’il a été en partie occulté par une reprise de la mobilisation syndicale au même moment. En effet, c’est aussi à cet automne 2017 que le mouvement des femmes de chambre des grands hôtels avait multiplié les victoires et que celui des agents des ehpad était né dans le sud de la France, explosant au niveau nationale fin janvier 2018, entraînant avec lui toute l’opinion publique, pendant que les étudiants commençaient des mouvements d’ampleur, obligeant les confédérations syndicales pour reprendre la situation en main, à lancer la grève perlée de trois mois des cheminots et celle d’un mois et demi des électriciens.
Aujourd’hui, ce mois de juillet 2022, les directions syndicales des Aéroports De Paris ont fait reprendre le travail aux agents des ADP, à la plus grande joie des médias bourgeois, cassant la tendance à l’unification d’un mouvement historique dans l’aviation et notamment sur la plate-forme aéroportuaire de Roissy où une partie des 97 000 salariés de ses 800 entreprises avaient réussi à s’unir. Mais en forme de protestation un bon nombre de syndicalistes de base et de salariés ont tenu à maintenir toutefois leur grève du 13 juillet. De leur côté, les directions syndicales des cheminots ont annoncé, une nouvelle fois à la grande joie des médias bourgeois, après de multiples grèves locales souvent victorieuses et le succès de la grève nationale du 6 juillet à la SNCF, qu’ il n’y aura pas de grèves des cheminots cet été. Mais signe des temps, ces propos ont aussitôt été démenti par la base cheminote : des grèves de cheminots ont démarré aussitôt en réponse en Occitanie, Bourgogne-Franche-Comté et bientôt dans la région parisienne.
Cela illustre avec la continuation de nombreuses grèves cet été, par exemple chez Engie ou Dunlop et notamment une journée d’action dans tout le secteur chimie, pétrole, raffineries, stations service, pneus, caoutchouc en plein été, le 28 juillet, mais aussi des mouvements en Grande Bretagne, Espagne ou Allemagne et bien ailleurs, que la vague populaire actuelle multi-formes, aujourd’hui principalement contre la vie chère, peut être ralentie momentanément par ce genre de manœuvres, mais pas stoppée. Au contraire, le mouvement social apprend de ces expériences pour accroître sa conscience, renforcer sa détermination, affermir surtout sa volonté d’auto-organisation .
Nul ne peut dire s’il y aura une explosion sociale généralisée cet été, ou à la rentrée ou encore plus tard, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle aura lieu et toujours plus subversive plus on avance.
J
acques Chastaing 17 juillet 2022
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