Grève de 4 syndicats le 18 octobre : vers une généralisation ?

Coup de tonnerre. En quelques jours, le patronat et le gouvernement ont réussi le tour de force d’unir contre eux 4 organisations syndicales. Ce 18 octobre, la CGT, Solidaires, la FSU mais aussi Force Ouvrière lancent une grève interprofessionnelle pour l’augmentation des salaires. Une journée qui en appelle d’autres, à condition que la mobilisation soit puissante dans les entreprises. Tour d’horizon des forces en présence.

Grève qui dure dans les raffineries, flot de mépris répandu par Total, réquisition des grévistes par le gouvernement. Depuis une semaine, la bataille pour les augmentations de salaire s’emballe. Jusqu’à ce que la CGT tente un coup et fixe une prochaine date de grève interprofessionnelle le 18 octobre. Cette fois la perspective d’un mouvement long semble plausible. Les communiqués d’appel à la grève émanant des diverses fédérations CGT engagées dans la lutte essaiment, ils évoquent des grèves reconductibles.

Si la CGT, à la manœuvre dans les raffineries, se veut la locomotive du mouvement, elle est déjà rejointe par l’union syndicale Solidaires, puis par la FSU, les organisations de jeunesse et par Force Ouvrière. Le ralliement de FO au mouvement est une nouvelle de taille puisque le syndicat n’avait pas participé à la dernière journée de grève interprofessionnelle, le 29 septembre.

Alors, déjà, l’idée d’une grève générale nait dans les esprits les plus échauffés. « Mais on n’appelle pas à la grève générale », répète inlassablement Philippe Martinez au micro de BFM TV ce jeudi matin. Le conflit larvé pour les augmentations de salaire a certes changé de nature, mais une mobilisation forte reste à construire. Certains secteurs sont plus engagés que d’autres dans la batailles. Certains sortent déjà de longs mois de conflit. Sans parler des déserts syndicaux, difficiles à mobiliser.

Les raffineries tiennent

Fer de lance de la lutte contre les salaires, les raffineries restent en grande majorité en grève, malgré l’annonce des réquisitions. Chez ExxonMobil, où le mouvement dure depuis le 20 septembre, les travailleurs de la raffinerie de Fos-sur-mer ont voté la reprise du travail. En revanche, chez TotalEnergies, la raffinerie de Donges est entrée en grève ce 12 octobre. « C’est l’annonce des réquisitions qui a clairement mis le feu aux poudres », nous explique David Arnould, raffineur cégétiste à Donges. Le syndicat FO du groupe Total a également rejoint la CGT, exaspéré par les manœuvres de sa direction. Après avoir éhontément menti sur les salaires des raffineurs, celle-ci a annoncé dans la presse concéder des augmentations de salaire de 6% pour 2023…quand la CGT demande 10% dès 2022. Malgré les premières réquisitions, les raffineries restent donc dans la lutte. Des négociations doivent avoir lieu avec la direction de Total ce soir à 20h.

L’énergie se veut à l’impulsion

Dans la foulée de l’annonce des réquisitions dans les raffineries, les yeux se sont naturellement tournés vers l’énergie, où huit réacteurs nucléaires sont touchés par des mouvements de grève. Ce matin, la Fédération Nationale des Mines et Énergies de la CGT (FNME-CGT) a publié un communiqué appelant à l’élargissement de la grève dans toutes les entreprises de l’énergie dès le 18 octobre. Mais la FNME-CGT était-elle prête à rentrer dans la bataille ? La puissante fédération CGT de l’énergie semblait en effet plutôt en train de clore un conflit mené depuis plusieurs mois avec les patrons du secteur.

Il ne faut pas oublier une chose. Dans la branche des industries électriques et gazières (IEG) qui concentre plus de 160 entreprises et près de 140 000 salariés, les grèves durent depuis déjà des mois. « On ne sait pas si c’est nous qui rejoignons les raffineurs ou si c’est eux qui nous ont rejoint », fait remarquer Frédéric Ben, responsable fédéral de la CGT-FME en charge des industries gazières.

En effet, le 2 juin, la CGT, la CFE-CGC, la CFDT et FO ont entamé une séquence de lutte en appelant à une journée de grève au niveau de la branche. Objectif : obtenir 4,5% d’augmentation du salaire national de base (SNB). Après plusieurs journées de grèves fortement suivies, comme souvent dans ce secteur, les deux syndicats patronaux de la branche ont finalement proposé 3,6% d’augmentation du SNB. Une offre supérieure aux dernières augmentations obtenues (le SNB n’augmentant habituellement que de 0 à 0,3% par an) mais toujours en deçà de l’inflation. Les syndicats ont jusqu’au 17 octobre pour donner leur accord. La FNME-CGT était donc en train de consulter ses adhérents lorsque l’idée de venir rejoindre la grève des raffineries est venue la percuter. « Depuis le départ nous sommes pour la convergence des secteurs en lutte, il nous semblait normal de soutenir nos camarades », explique Fabrice Coudour, secrétaire fédéral FNME.

En plus de se battre pour des revalorisations dans leur branche, les salariés des IEG ont aussi mené des luttes spécifiques à leurs entreprises. C’est pourquoi, avant même le 2 juin, une multitude de conflits avaient lieu dans des entreprises comme RTE, Storengy, Elengy, Grdf… Dans certaines d’entre-elles, les grévistes ont déjà remporté des batailles conséquentes. C’est le cas chez Storengy, où un protocole de fin de conflit a été signé le 22 juillet. Dans cette entreprise, qui ne gère rien de moins que les stocks de gaz français, les augmentations négociées culminent à près de 10%. « Ça pourrait paraître compliqué de redémarrer la grève après la victoire du 22 juillet, mais rien n’est joué. De nouvelles négociations vont démarrer fin octobre », explique Frédéric Ben, secrétaire général FNME. En revanche, d’autres entreprises de la branche sont toujours en grève, comme GRDF.

La SNCF retourne au charbon

A la SNCF, la dernière journée de grève nationale pour les salaires remonte au 6 juillet à l’appel de la CGT-Cheminots, de Sud-Rail, mais aussi de la CFDT. Depuis huit ans, les travailleurs de la SNCF n’avaient pas bénéficié d’une augmentation de salaire. Ce jour-là, ils ont finalement obtenu une augmentation moyenne de 3,7% pour les petits salaires et 2,2% pour les cadres. Un résultat toujours en deçà de l’inflation. Il reste difficile de mesurer a priori le niveau de mobilisation des cheminots. Mais pour ce 18 octobre la fédération CGT-Cheminot, premier syndicat de l’entreprise, ne veut pas rater le coche. « Nous allons répondre à l’appel à l’élargissement de la mobilisation », a déclaré à l’AFP Laurent Brun, son secrétaire général.  « Les cheminots se projettent beaucoup dans les revendications salariales et ils sont aussi révulsés par la réquisition. Ils se disent : les prochains, c’est nous. Nous serons en grève le mardi 18 octobre et peut-être même au-delà », continue le secrétaire général. A la SNCF, d’autres syndicats sont susceptibles de prendre part à la grève du 18 octobre. SUD-Rail a déjà annoncé entrer en grève reconductible dès le lundi 17 octobre sur le technicentre du Landy. La fédération SUD-Rail appelle également à la grève du 18 octobre et appelle les grévistes à se réunir en assemblées générales pour décider de la suite du mouvement.

La RATP en embuscade

Secteur fer de lance de la dernière grande mobilisation contre la réforme des retraites, en 2020, les syndicats de la RATP ne se sont pas fait particulièrement remarquer sur la question des salaires. Il faut rappeler qu’ils sont engagés sur deux fronts : celui de l’inflation, certes, mais aussi sur celui de l’ouverture à la concurrence du secteur des bus et tramways. Le 23, 24 et 25 mai les salariés avaient observé une grève particulièrement suivie à ce sujet.

Cela n’empêche pas la CGT-RATP d’appeler à la grève pour les augmentations de salaire ce 18 octobre. Mais elle n’est pas majoritaire dans tous les secteurs du groupe. Chez les conducteurs de métro par exemple, c’est Force ouvrière qui est le premier syndicat. Le ralliement de FO à l’intersyndical pourrait donc augmenter fortement la mobilisation à la RATP. Toujours est-il que les annonces d’une grève le 18 octobre ont mis en branle plusieurs piquets, comme celui du dépôt de bus des Lilas (Seine-Saint-Denis), entré en grève dès aujourd’hui.

L’ éducation professionnelle lance une grève inédite

De façon inédite, l’ensemble des fédérations syndicales de l’enseignement professionnel appellent à la grève mardi 18 octobre. Leur appel a été déposé bien avant le conflit dans les raffineries. Elles s’opposent au projet de réforme de la voie professionnelle mené par le gouvernement. Si celui-ci n’a pas encore été clairement exposé, il a fait l’objet de nombreuses déclarations. Les enseignants se doutent donc de son contenu. La réforme ferait la part belle aux entreprises dans la formation de jeunes majoritairement issue des milieux les moins favorisés. Tout cela dans un contexte de « pénurie » de main-d’œuvre dans certains secteurs d’activité. Les personnels craignent ainsi que la dimension citoyenne ou émancipatrice de l’éducation soit vidée de sa substance et que cette réforme signe à moyen terme la fin de l’enseignement professionnel.

Les enseignants pourraient donc être fortement mobilisés ce 18 octobre. Rappelons que le 29 septembre, les taux de grévistes ont avoisiné les 20% et 30% dans le premier et second degré respectivement « Entre les augmentations de salaire qui ne viennent pas, les classes sans profs et la réforme des retraites, on a un cocktail explosif qui met les enseignants dans la rue », expliquait alors Sophie Venetitay, secrétaire générale du SNES-FSU.

Grande distribution discrète mais présente

Secteur discret, car épars, l’agro-alimentaire est pourtant particulièrement mobilisé sur la question des salaires. Le 29 septembre, la CGT recensait près de 400 appels à la grève. « Le taux de grévistes allant de 30% à 100% des salariés dans les entreprises de ce secteur, cela représente, au bas mot, 50 000 grévistes », précisait la CGT.

Du mouvement dans l’automobile et l’aéronautique

Dans certaines entreprises de l’industrie automobile, le conflit sur les salaire dure depuis des mois. C’est le cas notamment chez Stellantis (fusion de PSA Peugeot-Citroën et FCA Fiat-Chrysler) où les salariés étaient en grève à Rennes ces derniers jours. De multiples batailles ont également lieu dans l’aéronautique, où les salariés de Daher et de Sabenas Technics, sous-traitants d’Airbus, sont eux aussi entrés en grève cette semaine à Toulouse.

 

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