Il faut que ça s’arrête, parce que pour un refus d’obtempérer on enlève des vies

« Il faut que ça s’arrête, parce que pour un refus d’obtempérer on enlève des vies. Il n’y avait aucun danger, les policiers mettaient plus en danger les citoyens dans la rue, les gens qui marchaient. Il y avait des enfants, des personnes âgées. »
Amin était quelqu’un de bienveillant, il était aimé de tous et animé par une profonde gentillesse. Sa générosité n’avait d’égale que son sourire et il était toujours disposé à aider sa famille et ses proches.
« C’est quelqu’un de très discret, très à l’écoute, quelqu’un de très serviable. En fait, il nous a traité comme sa propre famille ».
A 32 ans, il avait tout d’une personne simple, fan de foot, amoureux de voyage, la tête pleine de projets. De nature discrète, il n’aimait pas faire de vagues, ni attirer l’attention sur lui.
Rigoureux et passionné, Amin s’épanouissait également dans son travail. Titulaire d’un bac +5 en ingénierie civile, il projetait à terme de se mettre à son compte et de monter son entreprise.
Marié il y a tout juste 8 mois, il ambitionnait avec sa compagne de fonder une famille, d’avoir des enfants. C’est d’ailleurs dans cette optique, mais également pour le bien-être de sa femme, qu’il avait décidé au début de l’automne de quitter leur appartement devenu quelque peu insalubre, pour s’installer dans un logement plus agréable, entièrement rénové par ses propres soins malgré le fait qu’il était locataire.
Au mois d’octobre 2022, alors qu’il s’apprêtait à déménager c’est donc une nouvelle étape de sa vie qu’il était sur le point d’entamer aux côtés de son épouse.
Mais ce même mois, alors qu’il déménageait un canapé vers son nouveau logement avec l’aide de deux amis, il a été privé de toute chance de voir un jour ses projets d’avenir se réaliser.
Amin est abattu par la police le 14 octobre, aux alentours de 19h, à proximité de la porte de Vincennes.
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Immédiatement, l’institution policière invoque le motif du refus d’obtempérer et de la légitime défense. Le policier responsable de sa mort, qui n’était en réalité qu’un stagiaire, aurait fait usage de son arme en raison d’un danger immédiat, la voiture d’Amin leur fonçant soit disant dessus.
Sans surprise, cette version est reprise par plusieurs médias, qui ne voient pas vraiment d’inconvénient à reprendre tel quel le discours de la préfecture de police.
Rapidement, pourtant, cette affirmation semble entrer en contradiction avec celle des témoins oculaires, présents sur les lieux au moment du meurtre.
Les témoignages recueillis nous indiquent que le véhicule d’Amin ne représentait aucun danger. Se trouvant sur une voie à sens unique, avec le tramway d’un côté et des espaces de stationnement de l’autre, il ne pouvait en aucun cas constituer une menace pour les policiers qui se trouvaient derrière son véhicule (contrairement à ce qui a d’abord été affirmé par ceux-ci).
Lorsque Amin arrête son véhicule pour laisser une femme traverser, la voiture de police qui le suivait actionne son gyrophare. A l’approche de celle-ci, ses deux amis, sans-papiers, quittent précipitamment le véhicule et prennent la fuite. Ce que l’on peut aisément comprendre lorsque l’on voit le sort qui est réservé aux personnes en situation irrégulière sur le territoire français.
Au moment où Amin se penche pour fermer la portière côté passager, la police ouvre le feu. Une balle est tirée par un premier fonctionnaire. Elle touche le sol. Il passe alors la première vitesse. Un second policier ouvre le feu à deux reprises. A cet instant ils sont toujours à l’arrière du véhicule qui vient à peine de redémarrer et ne sont aucunement mis en danger. Amin est touché à l’épaule par une balle qui atteint son cœur. Sa voiture termine lentement sa course dans l’un des véhicules stationnés sur le côté droit de la route.
Alors qu’il gît inerte sur le siège conducteur, le fonctionnaire de police le maintient en joue pendant plusieurs minutes, sans tenter de lui prodiguer les premiers soins. Les pompiers n’arriveront que pour constater son décès.
N’en déplaise aux individus qui s’amusent à justifier une exécution sommaire en pleine rue par des condamnations passées, Amin était un individu lambda, n’ayant jamais causé de souci à personne et n’ayant jamais eu le moindre problème avec la justice.
L’affaire disparaît donc rapidement du paysage médiatique. La vidéosurveillance a permis d’invalider la version des faits donnée par les policiers et d’écarter l’hypothèse de la légitime défense. Le responsable de sa mort a ainsi été mis en examen. Pour autant, nulle doute que sans ces images, la parole des policiers aurait prévalu, et le motif de la légitime défense aurait été retenu.
Cela va maintenant faire trois semaines qu’Amin a été tué, et personne ne semble s’indigner outre mesure qu’une personne d’origine arabe puisse se faire abattre en pleine rue, sans le moindre motif valable, ni du fait que les trois policiers présents aient ouvertement menti lors de leur déclaration des faits.
Cela n’a pourtant rien d’un fait divers. Comment expliquer à ses parents qui ne l’ont pas vu depuis plus de quatre ans et qui le retrouvent aujourd’hui dans un cercueil, qu’en France, la police peut tuer en toute simplicité ? Qu’elle prend la vie d’innocents, et que l’Etat, complice, ferme les yeux ?
« On peut tuer quelqu’un pour un refus d’obtempérer. Aujourd’hui c’est ça les mentalités »
Cela ne peut plus durer.
Amin laisse derrière lui une famille et des proches endeuillés, qui ne comprennent pas comment un stagiaire peut se retrouver à abattre une personne innocente à la vue de tous. Déterminés à obtenir justice, ils réclament une peine exemplaire et une réforme de l’institution policière.
L’article 435-1 de la loi de février 2017 relative à la sécurité publique, qui facilite l’usage de l’arme de service des policiers et obscurcit le cadre de la légitime défense doit être réformé.
Les proches d’Amin appelleront à une marche en sa mémoire dans les prochains jours.
« On ne va pas lâcher. Je pense que c’est ça le plus important, c’est de faire du bruit et de rien lâcher […] parce que la police tue, ils tuent quand ils veulent et ils s’en sortent comme ça. »
Nous ne lâcherons rien.
Justice pour Amin.
Justice pour toutes les victimes de violences policières.
*Les propos entre guillemets appartiennent aux proches d’Amin et ont été recueillis au cours d’un échange avec l’équipe de CND.
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