6 JANVIER 2021, L’ATTAQUE CONTRE LE CAPITOLE, RETOUR SUR UN COUP D’ÉTAT AVORTÉ (1/8) DOCUMENT
Mediapart a traduit les huit chapitres qui composent le rapport final de la commission d’enquête de la Chambre des représentants sur l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021. Publié le 23 décembre, il pointe le rôle central de Donald Trump dans cette attaque menée par ses supporters, dont des milices d’extrême droite paramilitaires. Et montre comment il a préparé le terrain en propageant des rumeurs. Le tout pour essayer de renverser le résultat de la présidentielle et rester au pouvoir. Voici le chapitre 1.
29 décembre 2022
Àpartir du 3 janvier, aux États-Unis, la Chambre des représentants passe sous la coupe des républicains. Ces derniers devaient tenter de discréditer le travail de la commission d’enquête de la Chambre des représentants sur l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, qui a publié le 23 décembre son rapport à l’issue de dix-huit mois de travaux, au cours desquels elle a tenu neuf audiences publiques et entendu quelque soixante-dix témoins.
Mediapart a traduit les huit chapitres du rapport. Leur lecture permet de comprendre la machination qui a abouti à l’attaque menée par des partisans de Donald Trump, dont des milices d’extrême droite. Le président sortant avait pendant des mois préparé le terrain, en dénonçant à l’avance une fraude à venir pour l’empêcher d’être réélu.
Le premier chapitre du rapport, que nous publions ci-dessous, détaille ce travail de sape de Trump avant le scrutin présidentiel de novembre 2020 pour entretenir ce que la Chambre désigne comme le « grand mensonge » : la volonté du dirigeant républicain de faire croire que l’élection sera truquée et que, s’il perd, il aura été victime d’une fraude massive.
Le soir même du scrutin, il alimentera ce poison, ne cessant de se répandre en accusations fausses. Lorsqu’une partie de son entourage – surnommée l’« équipe normale » – tente de lui montrer qu’il se trompe, il se tourne vers ceux qui sont prêts à reprendre ses sornettes, au premier rang desquels l’ancien maire de New York Rudolph Giuliani – qualifiés de « voiture de clowns » par le ministre de la justice de l’époque, William Barr. Tout était prémédité.
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Tard dans la nuit électorale de la présidentielle 2020, le président Donald J. Trump s’est adressé au pays depuis la salle Est de la Maison-Blanche. Lorsque Trump a pris la parole, à 2 h 21 du matin le 4 novembre, sa réélection était très incertaine. Fox News, un média conservateur, avait correctement annoncé que le vice-président Joseph R. Biden avait emporté l’Arizona. Depuis 1996, tous les candidats républicains à la présidence avaient remporté l’Arizona. Si le président perdait l’État – et il est devenu évident dans les jours qui ont suivi que c’était le cas –, sa campagne était en difficulté. Mais au fur et à mesure que le décompte des voix se poursuivait, l’avance apparente du président Trump dans d’autres États clés – les États qu’il devait gagner – s’est progressivement réduite. Bientôt, il ne serait plus en tête du tout – il était en train de perdre.
Alors, le président des États-Unis a fait ce qu’il avait prévu de faire bien avant le jour de l’élection : il a menti.
« C’est une fraude envers le public américain. C’est une honte pour notre pays », a déclaré le président Trump. « Nous nous préparions à gagner cette élection », a poursuivi le président. « Franchement, nous avons gagné cette élection. Nous avons gagné cette élection. » Trump a affirmé, sans offrir aucune preuve, qu’une « fraude majeure » se produisait « dans notre nation ».
Aucune des affirmations du président Trump n’était vraie. Il ne se fondait sur rien pour revendiquer la victoire ou pour affirmer qu’une fraude avait lieu. Des millions de votes n’avaient toujours pas été comptés. Les États étaient simplement en train de comptabiliser les bulletins de vote déposés par le peuple américain. Les propres conseillers de campagne de Trump lui ont dit d’attendre – qu’il était beaucoup trop tôt pour déclarer victoire.
Au fur et à mesure que la soirée avançait, le président Trump a convoqué son équipe de campagne pour discuter des résultats. Le directeur de la campagne de Trump, William Stepien, et d’autres experts de la campagne lui ont déclaré que les résultats de l’élection ne seraient pas connus avant un certain temps et qu’il ne pouvait pas annoncer sincèrement sa victoire. Stepien était d’avis que, comme les bulletins de vote allaient être comptés pendant des jours, « il était beaucoup trop tôt pour faire une quelconque proclamation [sur le fait d’avoir gagné l’élection] ». Stepien a recommandé au président Trump de dire : « Les votes sont encore en train d’être comptés. Il est… trop tôt pour attribuer la victoire. »
Jason Miller, un autre conseiller principal de la campagne de Trump, a déclaré à la commission spéciale qu’il avait également plaidé, lors de conversations avec Stepien et d’autres personnes ce soir-là, contre la déclaration de la victoire à ce moment-là, car « il était trop tôt pour dire d’une manière ou d’une autre » qui avait gagné. Miller se souvient avoir recommandé de « ne pas annoncer la victoire avant d’avoir une meilleure idée des chiffres ».
Selon les témoignages reçus par la commission, le seul conseiller présent qui a soutenu la position du président Trump en faveur d’une déclaration de victoire était Rudy Giuliani, qui, selon Miller, était « indubitablement saoul ».
La décision du président Trump d’annoncer faussement sa victoire le soir de l’élection et, illégalement, de demander l’arrêt du décompte des voix, n’était pas une décision spontanée. Elle était préméditée. La commission a rassemblé une série de preuves de la planification préalable par le président Trump d’une fausse déclaration de victoire. Cela inclut de multiples communications écrites le 31 octobre et le 3 novembre 2020, adressées à la Maison-Blanche par le président de Judicial Watch, Tom Fitton [Judicial Watch est une organisation conservatrice qui se consacre à la surveillance des activités du gouvernement américain – note de Mediapart]. Ces preuves démontrent que Fitton était en contact direct avec le président Trump et a compris qu’il allait faussement annoncer sa victoire le soir de l’élection et demander l’arrêt du comptage des votes. Les preuves comprennent également un enregistrement audio du conseiller du président Trump, Steve Bannon, qui a tenu les propos suivants le 31 octobre 2020 à un groupe de ses associés qui se trouvent en Chine :
« Et ce que Trump va faire, c’est juste annoncer sa victoire, d’accord ? Il va annoncer sa victoire. Mais ça ne veut pas dire qu’il est le vainqueur. Il va juste dire qu’il est un gagnant. Pour les démocrates, plus de gens votent tôt et ça compte. C’est un vote par correspondance. Ils auront donc un désavantage naturel, et Trump en profitera. C’est notre stratégie. Il va se déclarer vainqueur.
Quand vous vous réveillerez mercredi matin, ce sera une tempête de feu… De plus, si Trump perd, à dix ou onze heures du soir, ce sera encore plus fou. Non, parce qu’il va s’asseoir juste là et dire : “Ils l’ont volée. J’ordonne au procureur général de fermer tous les bureaux de vote dans les 50 États.” Ça va être, non, il ne va pas se laisser faire. Si Trump – si Biden gagne, Trump va faire des trucs de fou. »
Toujours avant l’élection, Roger Stone, un autre conseiller extérieur du président Trump, a fait cette déclaration :
« J’ai vraiment l’impression que ce sera toujours en suspens. Lorsque cela se produira, la chose essentielle à faire sera de revendiquer la victoire. La possession, c’est les 9/10 de la loi. Non, on a gagné. Va te faire foutre, désolé. Terminé. On a gagné. Vous avez tort. Allez vous faire foutre. »
Dans les jours qui ont suivi l’élection, la propre équipe de campagne du président lui a dit qu’il avait perdu et qu’il n’y avait aucune preuve de fraude importante. Lorsque son équipe de campagne n’a pas voulu lui dire ce qu’il voulait entendre, le président Trump l’a remplacée par ce que le procureur général William Barr a décrit comme une « voiture de clowns » composée de personnes prêtes à promouvoir toutes sortes de théories du complot.
Mais Donald Trump n’était pas un consommateur passif de ces mensonges. Il les a activement propagés. À maintes reprises, le président Trump a été informé que ses allégations de fraude électorale n’étaient pas vraies. Il a choisi de les diffuser quand même. Il l’a fait même après qu’elles ont été légalement mises à l’épreuve et rejetées dans des dizaines de procès. Même la certification par le collège électoral de la victoire de l’ancien vice-président Biden, le 14 décembre 2020, n’a pas empêché le président de mentir. Tout au long, le « grand mensonge » est resté au cœur des efforts du président Trump pour bloquer le transfert pacifique du pouvoir le 6 janvier 2021.
1.1 Le « grand mensonge » reflète l’exploitation délibérée du « mirage rouge »
Le « grand mensonge » du président Trump le soir de l’élection était fondé sur de simples différences dans la façon dont les Américains votent. En 2020, il était bien connu que les démocrates étaient beaucoup plus enclins à voter par correspondance qu’en personne. En revanche, les républicains préféraient généralement voter en personne le jour de l’élection. Dans les États clés où les marges entre les candidats sont étroites, le scrutin du jour même de l’élection favoriserait le président Trump et serait, de manière disproportionnée, compté en premier. Les bulletins de vote par correspondance, qui favoriseraient l’ancien vice-président Biden, seraient comptés plus tard de manière disproportionnée. Dans certains États, il faudrait des jours pour traiter le reste des bulletins de vote par correspondance.
Le moment où les votes sont comptés a créé la possibilité de ce que l’on appelle un « mirage rouge » – ou l’illusion d’une victoire républicaine (rouge) dans les premières étapes du comptage des votes. Le président Trump semblait être en tête le soir de l’élection, mais ce n’était pas le cas. De nombreux votes par correspondance en faveur de l’ancien vice-président Biden ne seraient pas comptabilisés le jour même de l’élection. Par conséquent, le vainqueur réel ne serait probablement pas connu le soir de l’élection.
Le phénomène du « mirage rouge » était largement connu avant l’élection présidentielle de 2020. Chris Stirewalt était le chef du bureau des élections de Fox News qui a correctement annoncé que l’Arizona était pour Biden. Stirewalt et son équipe ont essayé de prévenir les téléspectateurs de ce « mirage rouge ». Il a témoigné qu’au cours des quarante ou cinquante dernières années, « les Américains ont de plus en plus choisi de voter par courrier, par anticipation ou par correspondance » et que « les démocrates privilégient cette méthode de vote plus que les républicains ».
Dans presque « toutes les élections », a précisé M. Stirewalt, « les républicains gagnent le jour du scrutin et les démocrates gagnent le vote anticipé, puis on attend et on commence à compter ». Cela « se produit à chaque fois ».
L’équipe de campagne du président Trump s’est assurée que le président était informé du moment du décompte des voix. Stepien, son directeur de campagne, a déclaré à la commission spéciale qu’il avait rappelé au président Trump, le jour de l’élection, qu’un grand nombre de bulletins de vote par correspondance devaient encore être comptés dans les jours à venir : « Je me suis souvenu qu’en 2016, j’avais eu une conversation très similaire avec lui le jour de l’élection […]. Je lui ai raconté cette conversation au cours de laquelle j’ai dit que, tout comme j’avais dit en 2016 que la nuit serait longue, je lui ai dit qu’en 2020, il s’agirait à nouveau d’un processus, car les premiers résultats seraient positifs. Ensuite, nous allons, vous savez, surveiller les retours de bulletins de vote au fur et à mesure, vous savez, qu’ils arrivent par la suite. »
D’ordinaire, l’anomalie du « mirage rouge » ne crée pas de problèmes dans le processus électoral, car les candidats attendent que les votes soient comptabilisés avant de déclarer leur victoire ou de concéder leur défaite. Comme le souligne Stirewalt, avant le président Trump, « aucun candidat n’avait jamais essayé de se prévaloir de cette bizarrerie du système de comptage des élections ».
Le président Trump, cependant, a fait un choix différent. Dans une violation extraordinaire du processus démocratique américain, il a décidé d’exploiter le potentiel de confusion concernant le décalage du comptage des voix pour tromper le public américain sur les résultats de l’élection. Lui et ses alliés ont anticipé cette décision dans leurs déclarations au cours des mois précédant l’élection de novembre 2020.
1.2 Les plans préélectoraux de Trump pour annoncer sa victoire
À Halloween, le conseiller Steve Bannon, qui avait été quatre ans plus tôt le directeur de campagne de Donald Trump en 2016, a exposé le plan de la soirée électorale. « Ce que Trump va faire, c’est simplement annoncer sa victoire. Pas vrai ? Il va annoncer la victoire. Mais cela ne signifie pas qu’il est un gagnant », a déclaré Bannon à un auditoire privé. « Il va juste dire qu’il a gagné. »
Bannon a expliqué que les démocrates « [auraient] un désavantage naturel » le soir de l’élection, parce que les démocrates seraient plus nombreux à voter par correspondance que les républicains et qu’il faudrait du temps pour compter les bulletins de vote par correspondance. Cela donnerait au président Trump l’illusion d’une avance. « Et Trump va en profiter, a déclaré Bannon. C’est notre stratégie. Il va se déclarer vainqueur. »
Lors d’une interview sur Fox News le matin de l’élection, Bannon a insisté sur le fait que le président Trump devait s’adresser à la nation ce soir-là, afin de « fournir le moteur narratif pour la façon dont nous allons aller de l’avant ». Lors d’un épisode ultérieur de son podcast le même jour, Bannon a clarifié ce qu’il voulait dire : le président Trump « va revendiquer la victoire. N’est-ce pas ? Il va crier victoire ».
Tom Fitton a rédigé une déclaration de victoire que le président devait lire le soir de l’élection. Le 31 octobre, il a envoyé la déclaration par courriel à l’assistante du président Trump, Molly Michael, et au gourou des médias sociaux, Dan Scavino. Fitton écrit que le jour de l’élection, le 3 novembre, est la « date limite à laquelle les électeurs des États du pays doivent choisir un président ». Fitton a affirmé que le comptage des bulletins de vote arrivés après le jour de l’élection ferait partie d’un effort des « partisans » pour « renverser » les résultats de l’élection.
Bien sûr, cette affirmation n’était pas vraie : les bulletins de vote par correspondance sont régulièrement comptés après le jour de l’élection. Quoi qu’il en soit, Fitton a encouragé le président à annoncer sa victoire de manière préventive. « Nous avons eu une élection aujourd’hui, et j’ai gagné », écrit Fitton pour le président Trump. En début de soirée, le jour de l’élection, Fitton envoie un nouveau courriel à Michael pour lui dire qu’il « vient de lui parler [au président Trump] du projet de [sa déclaration] ». Plus tard dans la soirée, avant que le président Trump ne fasse ses remarques le soir de l’élection, Michael répond qu’elle est « en train de lui [au président Trump] en parler à nouveau maintenant ».
Roger Stone, le confident politique de longue date du président Trump, a dit à plusieurs associés juste avant l’élection que Trump devait annoncer sa victoire, surtout si le résultat n’était pas donné le jour de l’élection. « Espérons simplement que nous fêterons cela » le soir de l’élection, a déclaré Stone. « Je soupçonne vraiment que ce sera toujours en suspens. Lorsque cela se produit, la chose essentielle à faire est de revendiquer la victoire. » Stone a développé un langage coloré. « La possession représente les neuf dixièmes de la loi. Non, on a gagné. Va te faire foutre. Désolé. Terminé. Nous avons gagné. Vous avez tort. Allez vous faire foutre. »
En effet, des articles et reportages se sont fait l’écho de ces avertissements sur la stratégie électorale du président Trump. Deux jours avant l’élection, Jonathan Swan, d’Axios, a rapporté que le président Trump « a dit à des personnes de confiance qu’il annoncera sa victoire mardi soir s’il semble qu’il est en tête ». Swan a ajouté que « l’équipe de Trump se prépare à prétendre à tort que les bulletins de vote par correspondance comptés après le 3 novembre – un comptage légitime censé favoriser les démocrates – sont la preuve d’une fraude électorale ». Si le scrutin bascule en défaveur de Trump le soir des élections dans des États comme la Pennsylvanie, l’équipe de Trump prétendra que les démocrates ont « volé » l’élection. Chris Stirewalt, analyste électoral de Fox News, a déclaré que son équipe et lui-même « s’étaient donné du mal » pour informer les téléspectateurs que les votes anticipés seraient en faveur des républicains, mais que l’avance serait illusoire « parce que l’équipe de campagne de Trump et le président avaient clairement indiqué qu’ils allaient essayer d’exploiter cette anomalie ». D’autres ont prévenu que le président Trump pourrait également exploiter le « mirage rouge ».
1.3 Les efforts préélectoraux de Trump pour délégitimer le processus électoral
Le président Trump a également préparé le terrain pour sa fausse déclaration de victoire le soir de l’élection en couvrant les électeurs d’un blizzard de mensonges et de déclarations délégitimant le vote par correspondance au milieu d’une pandémie mortelle et remettant constamment en question la sécurité des bulletins de vote. Le président Trump a utilisé sa chaire d’intimidation, y compris son fil Twitter très suivi, pour raconter un mensonge après l’autre.
La commission spéciale a trouvé des dizaines de cas dans lesquels le président Trump a affirmé que le vote par correspondance produirait une élection « truquée ». M. Trump a dénoncé à plusieurs reprises le vote par correspondance sur Twitter, lors d’interviews et même pendant le débat présidentiel. Voici un petit échantillon des tentatives du président Trump de délégitimer le vote par correspondance.
Le 7 avril 2020, le président Trump a déclaré :
Les votes par correspondance sont une chose très dangereuse pour ce pays, car ce sont des tricheurs. Ils vont les collecter. Ils sont frauduleux dans de nombreux cas… Ces bulletins de vote par correspondance arrivent. Les bulletins envoyés par la poste sont corrompus, à mon avis. Ils les collectent, demandent aux gens d’y aller et de les signer. Et puis, dans de nombreux cas, ce sont des faux. C’est une chose horrible.
Le lendemain, le 8 avril, le président Trump a tweeté :
Les républicains devraient se battre très fort lorsqu’il s’agit du vote par correspondance à l’échelle d’un État. Les démocrates le réclament à cor et à cri. Il y a un énorme potentiel de fraude électorale et, pour une raison quelconque, cela ne fonctionne pas bien pour les républicains. @foxandfriends
Le 24 mai, le président Trump a tweeté :
Les États-Unis ne peuvent pas avoir tous les votes par correspondance. Ce sera la plus grande élection truquée de l’histoire. Les gens les prennent dans les boîtes aux lettres, impriment des milliers de faux et « forcent » les gens à signer. Ils falsifient aussi les noms. Quelques absents OK, si nécessaire. On essaie d’utiliser le Covid pour cette arnaque !
Le 17 septembre, le président Trump a faussement prétendu que les bulletins de vote par correspondance étaient mûrs pour l’ingérence étrangère :
@TrueTheVote Il y a un groupe de personnes (en grande partie des démocrates de la gauche radicale) qui veulent le massacre des élections. Les États doivent mettre fin à cette folie d’envoi massif de bulletins de vote. C’est aussi un cadeau pour toute ingérence étrangère dans nos élections !!! Arrêtez cela maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.
Avant l’élection, alors que le président Trump faisait campagne contre le vote par correspondance, Bill Stepien a tenté une intercession. Avec le leader de la minorité de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, Stepien a tenté de convaincre le président que le vote par correspondance n’était « pas… mauvais pour sa campagne ». Ils ont fait valoir que la décision du président Trump de décourager le vote par correspondance, tout en « exhortant [ses] électeurs à ne voter que le jour de l’élection, laissait beaucoup de place au hasard » et ne permettait pas de tirer parti d’une opération de la base supérieure qui pourrait encourager les électeurs de Trump à renvoyer leurs bulletins. Le président Trump n’a pas tenu compte de leur avertissement. Il a continué à diaboliser le vote par correspondance. Le « mirage rouge » était un élément clé de son « grand mensonge ».
De manière inquiétante, le président Trump a toujours refusé de s’engager à accepter le résultat de l’élection. Lors d’une interview sur Fox News en juillet, Chris Wallace a demandé : « Pouvez-vous donner une réponse directe [si] vous accepterez l’élection ? » Le président Trump a répondu : « Je dois voir. Écoutez, vous… je dois voir. Non, je ne vais pas simplement dire oui. Je ne vais pas dire non, et je ne l’ai pas fait non plus la dernière fois. »
Le 23 septembre 2020, un journaliste a demandé au président Trump s’il s’engagerait à un « transfert pacifique du pouvoir après l’élection ». Le président a refusé, disant : « Nous devrons voir ce qui se passe. » Le président a affirmé que « les bulletins de vote sont un désastre », ajoutant que s’il pouvait « se débarrasser des bulletins de vote… nous aurons un transfert très pacifique – il n’y aura pas de transfert, franchement ; il y aura une continuation ». C’est-à-dire que, selon le président Trump, il y aurait une « continuation » de sa présidence.
Le lendemain, le 24 septembre, un autre journaliste a demandé si l’élection ne serait légitime que si le président Trump la remportait. Le président a de nouveau laissé entendre que les votes par correspondance avaient quelque chose de suspect, ajoutant qu’il n’était « pas sûr » que l’élection puisse être honnête.
1.4 Le lancement du « grand mensonge » par le président Trump
Conformément au récit préélectoral mis en place par le président Trump, dans les heures qui ont suivi la fermeture des bureaux de vote, le président Trump a commencé à faire valoir que les décomptes tardifs des votes étaient illégitimes. Bien que son directeur de campagne lui ait rappelé le jour même qu’un grand nombre de bulletins de vote par correspondance ne seraient pas comptés avant plusieurs heures ou plusieurs jours, le président Trump a affirmé que les démocrates allaient « trouver […] des bulletins à quatre heures du matin et les ajouter à la liste ».
En effet, c’est exactement ce que Steve Bannon a décrit lorsqu’il a dit que le président Trump « profiterait » du « désarroi naturel » des démocrates le soir de l’élection.
Dans les jours et les semaines qui ont suivi, le président Trump a souvent fait référence à des « dépôts » de votes qui auraient été injectés dans le processus de comptage. Ses supporters se sont emparés de ces fausses affirmations. Il n’y a pas eu de « dépôts » de votes – simplement des décomptes de bulletins de vote par correspondance tels qu’ils ont été rapportés par les juridictions de tout le pays dans le cadre d’un processus totalement transparent. Ces lots de bulletins comprenaient des votes pour Trump et pour Biden. Les votes déclarés tardivement ont favorisé l’ancien vice-président, comme les conseillers de la campagne du président Trump l’avaient annoncé, en particulier dans les villes majoritairement démocrates.
Le procureur général Bill Barr a immédiatement reconnu que le « mirage rouge » était la base de l’allégation erronée de fraude du président Trump. « Dès le soir de l’élection, le président a affirmé qu’une fraude majeure était en cours, a déclaré Barr. Je veux dire que cela s’est passé, pour autant que je sache, avant qu’il y ait la moindre possibilité d’examiner les preuves. » L’affirmation du président Trump « semblait être fondée sur la dynamique selon laquelle, à la fin de la soirée, un grand nombre de votes démocrates ont été comptabilisés, ce qui a modifié le décompte des voix dans certains États, et cela semblait être la base de cette affirmation générale selon laquelle il y avait une fraude majeure ».
Le président Trump connaissait le « mirage rouge ». Il a choisi de mentir à ce sujet à plusieurs reprises – même après avoir été directement informé que ses affirmations étaient fausses. Cela a souvent été le cas pendant la période post-électorale. Le président a consciemment ignoré les faits qui ne soutenaient pas son « grand mensonge ».
1.5 Après l’élection : le président Trump remplace son équipe de campagne
Les dirigeants de la campagne du président Trump, notamment Bill Stepien (directeur de la campagne) et Justin Clark (directeur adjoint de la campagne), soutenaient le président Trump et étaient prêts à procéder à des recomptages et à d’autres litiges post-électoraux classiques, mais ils n’étaient pas prêts à promouvoir des théories du complot sans fondement. Stepien et d’autres ont qualifié ce groupe d’« équipe normale ».
Moins de deux semaines après l’élection, le président Trump a écarté l’« équipe normale » parce que ses membres ne lui disaient pas ce qu’il voulait entendre. À leur place, Trump a promu Rudy Giuliani et ses associés, des hommes et des femmes qui ont répandu des allégations infondées et extrêmes de fraude électorale. Giuliani, ancien maire de New York, a recruté plusieurs enquêteurs et avocats pour l’assister.
L’équipe de Giuliani comprenait Jenna Ellis, Bernard Kerik, Boris Epshteyn, Katherine Friess et Christina Bobb. Ellis était l’adjointe de Giuliani au sein de la nouvelle équipe juridique de la campagne Trump. Kerik, ancien commissaire principal de la police de New York et un délinquant gracié [Il avait été condamné à quatre ans de prison en 2009 après, entre autres, avoir été reconnu coupable de fraude fiscale et de mensonge à des responsables de la Maison Blanche. Il a été gracié par Trump en 2020 – note de Mediapart], était l’enquêteur en chef de Giuliani. Parmi les autres avocats qui ont collaboré avec l’équipe juridique de Giuliani figurent Sidney Powell, Cleta Mitchell et John Eastman. Comme nous le verrons plus loin dans ce rapport, Eastman est devenu un acteur clé dans les efforts du président Trump pour annuler l’élection.
1.6 L’équipe de campagne du président Trump lui a dit qu’il avait perdu l’élection et qu’il n’y avait pas de fraude significative
L’équipe de campagne du président Trump a rapidement compris qu’aucune des allégations de fraude significative n’était réelle. Bill Stepien a témoigné que, au 5 novembre, la campagne Trump n’avait trouvé aucune preuve d’activité frauduleuse. Il y avait des « allégations et des rapports », mais « rien de concret [et] de rapide » qui remettait en question les résultats de l’élection.
L’équipe de campagne de Trump a continué à enquêter sur les allégations de fraude au cours de la deuxième semaine suivant l’élection. Selon M. Stepien, alors que les gens partageaient des « allégations folles » avec le président, elle était obligée d’examiner les faits, puis de servir d’« escouade de vérité » au président en ce qui concerne les raisons pour lesquelles les allégations « ne se révélaient pas vraies ». Par exemple, M. Stepien se souvient de quelqu’un qui prétendait que des milliers de votes illégaux avaient été émis en Arizona. Ce n’était pas vrai. Les votes avaient été soumis par des électeurs à l’étranger (comme des militaires déployés ou stationnés à l’étranger) qui avaient manifestement le droit de participer à l’élection.
Alex Cannon était un avocat de la campagne Trump et travaillait auparavant pour la Trump Organization. Après l’élection, Cannon a été chargé d’examiner les allégations de fraude électorale pour l’élection de 2020 – y compris l’affirmation selon laquelle des milliers de votes inéligibles avaient été émis en Arizona. Cannon se souvient que le vice-président Pence lui a demandé ce qu’il avait trouvé. « Et j’ai répondu que je ne pensais pas que nous le trouvions, ou que je ne trouvais personnellement rien de suffisant pour modifier les résultats de l’élection », a répondu Cannon. Le vice-président Pence l’a remercié.
Cannon a également rapporté son évaluation à Mark Meadows, le chef de cabinet de la Maison Blanche. Entre mi-novembre et fin novembre 2020, Meadows a demandé à Cannon ce que son enquête avait révélé. « Et je me souviens avoir partagé avec lui que nous ne trouvions rien qui soit suffisant pour changer les résultats dans aucun des États clés », a déclaré Cannon à Meadows. « Il n’y a donc rien, là ? », a répondu Meadows.
Jason Miller, un conseiller important de la campagne Trump, a poussé les allégations de fraude électorale en public. En privé, cependant, Miller dit qu’il a raconté une histoire différente au président Trump, l’informant à plusieurs reprises qu’il n’y avait pas de fraude électorale suffisante pour avoir changé l’élection :
Miller : Ma compréhension est que je pense qu’il y a encore des questions et des préoccupations très valables avec les règles qui ont été modifiées sous le couvert du Covid, mais, en ce qui concerne la fraude et les irrégularités du jour de l’élection, il n’y en avait pas assez pour renverser l’élection.
La commission : Et avez-vous donné votre opinion à ce sujet au président ?
Miller : Oui.
La commission : Quelle a été sa réaction lorsque vous lui avez dit cela ?
Miller : « Vous n’avez pas vu ou entendu » – je paraphrase, mais – « vous n’avez pas vu ou entendu toutes les différentes préoccupations et questions qui ont été soulevées. »
La commission : Combien de fois avez-vous eu cette conversation avec le président ?
Miller : Plusieurs fois. Je ne pourrais pas mettre un chiffre précis dessus, cependant.
La commission : Mais plus d’une fois ?
Miller : Oui.
Matthew Morgan, le principal avocat de la campagne de Trump, est arrivé à une conclusion similaire. Près de deux mois après l’élection, le 2 janvier, Morgan a rencontré le personnel du vice-président. Selon Morgan, le consensus dans la pièce était que même si toutes les plaintes pour fraude et irrégularités étaient « agrégées et lues de la manière la plus favorable à la campagne […], ce n’était pas suffisant pour être considéré comme déterminant ».
En ce qui concerne la direction professionnelle de la campagne de Trump, il n’y avait aucune preuve que l’élection avait été « volée » au président Trump. Au contraire, ils avaient vu de nombreuses preuves que le président Trump avait simplement perdu – et ils l’ont dit au président.
Le 6 novembre, Jared Kushner s’est arrangé pour que l’équipe dirigeante de la campagne informe le président Trump dans le bureau Ovale de l’état du scrutin. Depuis le jour de l’élection, Matt Oczkowski, le principal expert en données de la campagne, a suivi les retours de vote dans les États clés pour analyser les chances de succès de la campagne. Miller a envoyé par SMS à Meadows de telles mises à jour sur les données des États clés. Les données de la campagne de Trump ne correspondaient pas à une victoire. Oczkowski « a fait savoir au président, en termes assez directs, qu’il allait perdre » l’élection.
Il n’y avait pas suffisamment de voix en suspens dans les États contestés pour que le président Trump puisse dépasser l’avance de Biden. Le président Trump n’était pas d’accord et a insisté sur le fait qu’il l’emporterait quand même grâce à des recours juridiques.
Mais les données ne mentent pas.
Le 7 novembre, l’Associated Press a annoncé que la Pennsylvanie et l’ensemble de l’élection présidentielle revenaient à l’ancien vice-président Biden. À ce moment-là, une petite équipe de conseillers de la campagne du président, dont Stepien, a rencontré le président et lui a dit que son chemin vers la victoire était pratiquement inexistant. L’équipe de campagne a fait savoir au président que ses chances de réussite n’étaient que de « 5, peut-être 10 % », ce que Stepien a expliqué à la commission comme étant une évaluation « très, très, très sombre ».
Rétrospectivement, l’estimation de l’équipe de campagne d’une chance de victoire de 5 à 10 %, à partir du 7 novembre, était bien trop optimiste. Dans l’un des scénarios les plus favorables possibles, par exemple, le président Trump et son équipe auraient dû gagner les recomptages en Arizona et en Géorgie, tout en l’emportant dans les litiges contestant les bulletins de vote par correspondance ou par absentéisme dans le Wisconsin, ou peut-être au Michigan ou en Pennsylvanie. Mais l’élection n’était même pas assez serrée pour déclencher des recomptages automatiques en Arizona ou en Géorgie.
L’écart le plus étroit entre les deux candidats en termes de nombre total de voix a été enregistré en Arizona, où l’ancien vice-président Biden l’a emporté avec plus de 10 000 voix. Cela peut sembler un petit nombre de voix, mais c’était plus que suffisant pour éviter un recomptage automatique. Comme l’a expliqué Benjamin Ginsberg, avocat républicain de longue date spécialisé dans les élections, à la commission spéciale, « l’élection de 2020 n’était pas serrée ». Les campagnes précédentes avaient réussi à gérer avec succès des écarts de voix de plusieurs centaines – et non de milliers de voix. La Géorgie a tout de même procédé à un recomptage manuel de tous les bulletins de vote, confirmant, quelques semaines après l’élection, que Biden avait remporté l’État. De même, le 6 janvier, l’Arizona et le Nouveau-Mexique avaient procédé à des audits post-électoraux des machines à voter ou d’échantillons représentatifs de bulletins de vote sélectionnés au hasard au niveau de l’État ou du comté, qui ont confirmé l’exactitude des résultats de leurs élections.
Chris Stirewalt, qui dirigeait à l’époque le bureau des élections de Fox News, partageait l’analyse de Ginsberg. Lorsqu’on lui a demandé quelles étaient les chances de victoire du président Trump au 7 novembre, Stirewalt a répondu : « Aucune. »
Pendant ce temps, l’équipe de campagne de Trump continuait de faire des calculs. Le matin du 12 novembre, Oczkowski a fait circuler parmi les principaux conseillers de la campagne une présentation décrivant ce qui s’était passé dans chacun des États contestés que l’équipe surveillait. Dans cette analyse, l’équipe chargée des données a examiné le taux de participation et les marges sur une base comté par comté dans une douzaine d’États, tout en prenant en compte les changements démographiques qui ont eu un impact sur les résultats. L’équipe d’Oczkowski a déterminé que le président Trump avait perdu chacun de ces six États parce que Biden avait obtenu de meilleurs résultats que lui dans certaines zones comme les centres-villes ou les banlieues. Pourtant, dans les semaines qui ont suivi, le président Trump et sa nouvelle équipe juridique – la « voiture de clown » – se sont donné beaucoup de mal pour contester les résultats des élections dans ces six États, propageant de multiples théories du complot.
Les données du scrutin ont révélé une histoire claire : le président Trump a perdu. Mais, quels que soient les faits, le président n’avait pas l’intention de reconnaître sa défaite.
Le soir de l’élection, le président Trump et Rudy Giuliani ont convenu que le président devait simplement annoncer sa victoire – même s’il n’avait aucune raison de le faire. Giuliani a également déclaré à la commission d’enquête que le président Trump lui avait demandé le 4 novembre de prendre en charge les opérations juridiques de sa campagne. Giuliani pensait que la seule façon pour que cela fonctionne serait que le président appelle l’équipe de campagne existante pour annoncer la prise en charge par Giuliani car, selon Giuliani, « ils vont être extraordinairement rancuniers, parce que déjà ils ne m’aiment pas, et je ne leur fais pas confiance ». Il a ajouté que le président était d’accord.
Bien que Giuliani n’ait pas pris la direction des opérations juridiques de la campagne avant la mi-novembre, l’ancien maire de New York a rapidement commencé à s’opposer à l’« équipe normale ».
Le 6 novembre, Giuliani et son équipe rencontraient les dirigeants de la campagne de Trump à son siège d’Arlington, en Virginie.
L’« équipe normale » n’était pas impressionnée. Stepien a déclaré à la commission d’enquête que l’équipe de campagne craignait que Giuliani ne les distraie, eux et le président Trump. Lorsque Giuliani a proposé de se rendre en Pennsylvanie pour participer aux efforts de la campagne, l’équipe de la campagne « ne l’a pas empêché de le faire ». Après seulement 10 à 15 minutes passées dans la salle de conférences, Stepien et d’autres membres du personnel ont quitté la réunion.
Le même jour, le président Trump a discuté de la stratégie juridique de la campagne dans le bureau Ovale avec Giuliani, Clark et Matt Morgan, le directeur juridique de la campagne de Trump. Avant l’élection, Morgan était responsable de la stratégie de la campagne en matière de litiges. Morgan et son équipe ont intenté des procès pour contester les changements apportés par les États-Unis aux pratiques de vote pendant la pandémie de coronavirus. Morgan a également étudié les élections précédentes pour déterminer les types d’affaires susceptibles d’aboutir. Clark a décrit comment la stratégie juridique initiale de la campagne était fondée sur sa théorie générale des affaires électorales : « regarder ce que l’on pense, ce que l’on sait et ce que l’on peut prouver », et déterminer ensuite quels cas lancer à partir de là.
Giuliani avait d’autres idées et a demandé au président Trump de lui confier la responsabilité des opérations juridiques de la campagne afin qu’il puisse appliquer la stratégie qu’il préférait. « M. Giuliani ne semblait pas lié par ces affaires ou par ces précédents. Il pensait qu’il pouvait aller de l’avant sur tout ce qui, selon lui, n’allait pas dans le sens de l’élection et élaborer une stratégie en conséquence », a expliqué Morgan. « Rudy ne faisait que chasser des fantômes », a déclaré Clark. Morgan et Clark se sont retirés de la réunion parce qu’elle « n’aboutissait à rien ».
Le lendemain, le 7 novembre, Giuliani tient une conférence de presse au Four Seasons Total Landscaping de Philadelphie, en Pennsylvanie. Il commence immédiatement à faire des déclarations farfelues, affirmant que les démocrates avaient conspiré pour voler l’élection. « Comme vous le savez depuis le début, les votes par correspondance ont suscité un certain degré de scepticisme, voire beaucoup de scepticisme, car ils étaient intrinsèquement sujets à la fraude, a déclaré Giuliani. Ces bulletins de vote par correspondance auraient pu être rédigés la veille par les hackers du parti démocrate qui étaient partout dans le centre de conventions. » Giuliani n’a fourni aucune preuve à l’appui de son allégation choquante et sans fondement. Il était facile d’entendre les échos de la campagne sans relâche du président Trump contre le vote par correspondance, et sa décision d’exploiter le « mirage rouge ».
Le 10 novembre, Giuliani et Kerik ont rencontré le président Trump dans le bureau Ovale pour discuter de leur enquête sur la fraude électorale. Le conseiller de la Maison Blanche, Pat Cipollone, et le conseiller principal de la Maison Blanche, Eric Herschmann, étaient également présents. Après la présentation de Giuliani, le président Trump a demandé à Cipollone s’il avait parlé au procureur général Barr des allégations de fraude. Un jour auparavant, Barr avait publié un mémorandum soulignant un changement dans la politique du ministère de la justice qui permettait aux procureurs fédéraux d’enquêter sur les allégations d’irrégularités de vote sans attendre que les résultats soient certifiés. La question du président Trump était un indice précoce qu’il allait faire pression sur le ministère de la justice pour qu’il reprenne à son compte ses fausses allégations de fraude.
Quelques jours plus tard, Giuliani et Justin Clark se disputent lors d’une réunion dans le bureau Ovale. Giuliani incite le président Trump à intenter une action en justice en Géorgie, mais Clark fait remarquer qu’un recomptage manuel est déjà en cours et qu’il vaut mieux attendre. Giuliani dit au président Trump que Clark lui ment. Un changement d’équipe allait suivre.
Le 14 novembre, le président Trump a annoncé sur Twitter que Giuliani était désormais à la tête de l’équipe juridique de sa campagne. L’« équipe normale » a connu des changements radicaux dans ses rôles au sein de la campagne nouvellement structurée – certains se sont imposés d’eux-mêmes -, et de nombreux cabinets d’avocats extérieurs qui s’étaient engagés à soutenir les efforts juridiques de la campagne se sont complètement désengagés.
« Je ne pensais pas que ce qui se passait était nécessairement honnête ou professionnel à ce moment-là », a expliqué Stepien. « Ce n’était pas un combat dans lequel je me sentais à l’aise », a-t-il ajouté.
Le jour de l’annonce du changement de direction, Giuliani a participé à un briefing des « remplaçants » pour coordonner les messages des fidèles de Trump lors de leurs apparitions dans les médias. Giuliani a annoncé que la stratégie de communication devait consister à « attaquer durement Dominion/Smartmatic, en évoquant Chavez et Maduro ». Giuliani a affirmé que de nouvelles poursuites seraient bientôt engagées « pour invalider plus d’un million de bulletins de vote ».
En accord avec les messages avancés par la nouvelle équipe de campagne, le président Trump, à la mi-novembre, a continué de se retrancher derrière ses positions, refusant toujours de reconnaître sa défaite. Il a continué à insister sur le fait qu’il avait été trompé dans sa victoire, avançant une théorie du complot folle après l’autre pour nier le simple fait qu’il avait perdu.
1.7 Le président Trump a eu sa chance au tribunal
« Nous avons prouvé » que l’élection a été volée, mais « aucun juge, y compris la Cour suprême des États-Unis, n’a eu le courage de permettre qu’elle soit entendue ». C’est ainsi que le président Trump a décrit les efforts visant à annuler l’élection devant les tribunaux, un jour avant que le collège électoral ne se réunisse le 14 décembre 2020. C’était faux.
Les juges de tout le pays ont effectivement évalué les affirmations du président Trump selon lesquelles l’élection a été volée. Comme l’a déclaré Benjamin Ginsberg, avocat républicain de longue date spécialisé dans les élections, devant la commission spéciale, le camp du président « a eu sa chance au tribunal », mais « dans aucun cas, un tribunal n’a jugé que les accusations de fraude étaient réelles ». En fin de compte, l’équipe de campagne de Trump et les alliés du président Trump ont intenté 62 procès distincts entre le 4 novembre 2020 et le 6 janvier 2021, remettant en question ou cherchant à annuler les résultats des élections. Sur les 62 affaires, une seule s’est soldée par une victoire du président Trump ou de ses alliés, qui a concerné relativement peu de votes, n’a pas justifié les allégations de fraude sous-jacentes et n’aurait pas changé le résultat en Pennsylvanie. Trente des affaires ont été rejetées par un juge après une audience sur le fond.
Dans chaque État où des plaintes ont été déposées, un ou plusieurs juges ont expliqué spécifiquement dans le cadre de leurs ordonnances de rejet qu’ils avaient évalué les allégations des plaignants ou les preuves supposées d’une fraude électorale généralisée ou d’autres irrégularités, et qu’ils avaient trouvé ces allégations dans l’ensemble peu convaincantes. En Arizona, par exemple, les plaignants dans l’affaire Bowyer v. Ducey ont allégué que l’élection avait été entachée par l’introduction de « centaines de milliers de bulletins illégaux, inéligibles, en double ou purement fictifs ». De même, dans l’affaire Ward v. Jackson, un juge de la cour d’État de l’Arizona a rejeté un procès intenté par le président du parti républicain de l’État après un procès de deux jours, ne trouvant aucune preuve de mauvaise conduite, de fraude ou de votes illégaux. Cette décision a été confirmée à l’unanimité par la Cour suprême de l’État, dont les sept juges ont été nommés par des gouverneurs républicains.
En Géorgie, un tribunal de l’État a rejeté l’affaire Boland v. Raffensperger, qui alléguait que des dizaines de milliers de bulletins de vote illégaux avaient été déposés par des électeurs hors de l’État ou avec des signatures non valides. Le juge a estimé que « les allégations factuelles de la plainte reposent sur des spéculations plutôt que sur des faits dûment exposés » et « ne permettent pas de conclure qu’il y a eu suffisamment de votes illégaux pour modifier ou mettre en doute le résultat de l’élection ». Le juge qui a rendu cette décision avait été nommé par un gouverneur républicain, tout comme sept des huit juges de la Cour suprême de l’État qui ont confirmé son jugement. De même, un juge fédéral a refusé de donner satisfaction au plaignant dans l’affaire Wood v. Raffensperger, qui alléguait que de nouvelles procédures de vérification des signatures des bulletins de vote par correspondance avaient gâché le résultat en rendant plus difficile le rejet des bulletins illégaux, estimant qu’il n’y avait « aucune base de fait ou de droit pour lui accorder la réparation qu’il demande ». Le juge a écrit que « [c]ette argumentation est démentie par le dossier », car les bulletins de vote par correspondance ont en fait été rejetés pour des questions de signature dans le même pourcentage qu’en 2018.
Dans le Michigan, un juge fédéral a estimé, dans l’affaire King v. Whitmer, que les allégations de « fraude électorale massive » des plaignants n’étaient fondées sur « rien d’autre que des spéculations et des conjectures selon lesquelles des votes pour le président Trump ont été détruits, écartés ou échangés contre des votes pour le vice-président Biden… ». De même, un juge d’un tribunal d’État a rejeté les réclamations des plaignants dans deux procès intentés contre Detroit et le comté environnant, qui les accusaient de fraude systématique dans la façon dont les bulletins de vote par correspondance étaient comptés ; le juge a estimé qu’un groupe de plaignants « n’a présenté aucune preuve à l’appui de ses affirmations » et que « l’interprétation des événements par l’autre groupe est incorrecte » et « résolument contredite » par des experts électoraux « hautement respectés ».
Au Nevada, un juge de la Cour d’État a rejeté une litanie d’allégations de fraude électorale systématique dans l’affaire Law v. Whitmer, statuant que les plaignants « n’ont pas prouvé, quel que soit le niveau de preuve, que des votes illégaux ont été exprimés et comptés, ou que des votes légaux n’ont pas été comptés du tout, en raison d’une fraude électorale » ou « pour toute autre raison inappropriée ou illégale ». La décision a été confirmée à l’unanimité par la Cour suprême du Nevada.
En Pennsylvanie, un juge fédéral a rejeté l’affaire Donald Trump for President v. Boockvar, estimant que l’équipe de campagne de Trump n’avait présenté rien d’autre que « des arguments juridiques exagérés sans fondement et des accusations spéculatives non étayées par la plainte et non soutenues par des preuves ». Le rejet a été confirmé par la Cour d’appel des États-Unis pour le troisième circuit, qui a statué : « Le fait de qualifier une élection d’injuste ne la rend pas telle. Les accusations nécessitent des allégations spécifiques et ensuite des preuves. Nous n’avons ni l’un ni l’autre ici. » Cette opinion a été rédigée par une autre personne nommée par Trump.
Enfin, dans le Wisconsin, un autre juge a rejeté une action en justice accusant la commission électorale du Wisconsin de « violations constitutionnelles » qui ont « probablement entaché plus de 50 000 bulletins de vote ». Selon le juge, « cette cour a donné au plaignant la possibilité de faire valoir son point de vue et il a perdu sur le fond », n’ayant pas réussi à démontrer que le résultat avait été affecté par les règles de la commission concernant les boîtes de dépôt, les adresses des bulletins de vote ou les personnes ayant revendiqué le statut de « détenu pour une durée indéterminée » pour voter depuis leur domicile. La décision a été confirmée par un panel de trois juges de la Cour d’appel des États-Unis pour le septième circuit, tous nommés par les républicains, dont un nommé par le président Trump lui-même.
En tout, parmi les juges qui ont traité ces affaires post-électorales, 22 juges fédéraux ont été nommés par des présidents républicains.
Le président Trump et ses avocats étaient bien conscients que les tribunaux rejetaient systématiquement leurs demandes. Lors d’une réunion du 18 décembre au bureau Ovale avec le président Trump, Sidney Powell et d’autres personnes, le conseiller principal de la Maison-Blanche, Eric Herschmann, a souligné que les avocats du président Trump avaient eu l’occasion de prouver leur cause devant les tribunaux et avaient échoué. Powell a répliqué que « les juges sont corrompus ». Herschmann a répondu : « Tous ? Dans chaque affaire que vous avez lancée dans le pays, vous avez perdu les gars, ils sont tous corrompus, même ceux que nous avons nommés ? »
Le président Trump a été confronté à un autre choix après avoir eu sa chance au tribunal. Il pouvait accepter qu’il n’y avait aucune preuve réelle de fraude électorale, ou continuer à amplifier les théories du complot et les mensonges. Il a choisi cette dernière option.
1.8 Le président Trump a propagé à plusieurs reprises des théories du complot
Au lieu d’accepter sa défaite, le président Trump a tenté de justifier son « grand mensonge » par une série d’affirmations de plus en plus grotesques. Le président n’a pas simplement été détourné du droit chemin par ceux qui l’entouraient. C’est le contraire qui s’est produit. Il a activement promu des théories du complot et de fausses allégations de fraude électorale, même après avoir été informé qu’elles étaient sans fondement. Des millions de partisans du président Trump ont cru que l’élection lui avait été volée. Beaucoup d’entre eux le pensent encore, mais le président Trump connaissait la vérité et a choisi de mentir à ce sujet.
Le pouvoir d’intimidation du président, depuis sa position, ne doit pas être sous-estimé, en particulier à l’ère numérique. Les mensonges incessants du président Trump ont semé le doute dans le système électoral américain. Les chercheurs qui ont étudié ce phénomène de négation des élections ont noté : « Le président Trump ne s’est pas contenté de préparer son public à être réceptif à de faux récits de fraude électorale – il l’a incité à produire ces récits et lui a ensuite renvoyé ces fausses allégations en écho. » Les réseaux sociaux ont joué un rôle de premier plan dans l’amplification des allégations erronées de fraude électorale. Peu après le jour de l’élection, la campagne « Stop the Steal », dont nous parlerons plus en détail au chapitre 6, est devenue virale. Les influenceurs de la campagne se sont fait l’écho de la déclaration de victoire prématurée du président Trump, affirmant qu’il avait gagné l’élection, que les démocrates la lui avaient volée et qu’il incombait aux « patriotes » américains de combattre cette injustice supposée.
Il en est résulté ce que le procureur général Barr a décrit comme une « avalanche » de fausses affirmations, les partisans du président Trump tentant de justifier son « grand mensonge ». Les allégations post-électorales de fraude ou d’autres malversations étaient « complètement bidon », « stupides » et « généralement fondées sur une désinformation complète », a expliqué Barr. Le récit de l’élection volée s’est avéré remarquablement durable, précisément parce qu’il s’agit d’une question de croyance – et non de preuve ou de raison. Chaque fois qu’une affirmation a été démentie, d’autres émergeaient à sa place. Barr s’est plaint plus tard que cette dynamique l’obligeait, lui et d’autres, à jouer au « jeu de la taupe ».
Le ministère de la justice des États-Unis, sous la direction de Barr et de Jeffrey Rosen, alors procureur général par intérim, a été contraint de démolir un mensonge après l’autre. Comme nous le verrons au chapitre 4, Barr a pris des mesures sans précédent pour enquêter sur l’« avalanche » de mensonges. Les allégations de fraude électorale ont été transmises aux bureaux des procureurs des États-Unis et au FBI pour enquête. Le procureur général adjoint Richard Donoghue a suivi des dizaines d’enquêtes. Aucune d’entre elles n’a été jugée fondée. Les hauts fonctionnaires du ministère de la justice du président Trump ont personnellement dit au président que les allégations qu’il promouvait étaient fausses. Mais cela n’avait aucune importance pour le président. Comme Barr l’a déclaré à la commission spéciale, le président Trump n’a jamais montré « de signe d’intérêt pour ce que les faits réels étaient ».
Par exemple, le 27 décembre, Rosen et Donoghue ont passé environ deux heures au téléphone avec le président Trump. Ils ont démenti une litanie d’allégations concernant l’élection, expliquant que chacune d’entre elles avait fait l’objet d’une enquête et s’était avérée sans fondement. Selon Donoghue, le président Trump « avait cet arsenal d’allégations sur lequel il voulait s’appuyer ». Donoghue a estimé qu’il était nécessaire d’expliquer au président, « sur la base d’enquêtes réelles, d’entretiens avec des témoins réels, d’examens réels de documents, que ces allégations n’avaient tout simplement aucun fondement ». Donoghue voulait « couper court aux rumeurs » et être « très franc » avec le président, en lui faisant comprendre que « ces allégations étaient tout simplement fausses ».
Au cours de leur conversation du 27 décembre avec le président Trump, Rosen et Donoghue ont réfuté les fausses allégations concernant : des valises de bulletins de vote en Géorgie, les machines à voter de Dominion dans le comté d’Antrim, un camion rempli de bulletins de vote en Pennsylvanie, des bulletins scannés plusieurs fois, des personnes votant plus d’une fois, des personnes décédées votant, des Amérindiens payés pour voter, et plus de votes que d’électeurs dans certaines juridictions. Alors que les fonctionnaires démontaient chaque affirmation, le président Trump « passait simplement à une autre ». Donoghue a dit au président Trump que les agents fédéraux avaient mené des dizaines d’enquêtes et des centaines d’entretiens, et qu’ils avaient conclu que les principales allégations n’étaient pas étayées par les preuves recueillies. Donoghue et Rosen ont dit « carrément » au président Trump que « la plupart des informations qu’il [recevait] étaient fausses et/ou n’étaient pas étayées par les preuves ». Le président Trump a répondu : « Les gars, vous ne regardez peut-être pas Internet comme je le fais. »
Le ministère de la justice n’était pas seul à tenter de contenir les propos conspirationnistes du président. Les mensonges du président Trump ont souvent été démontés en temps réel par des autorités étatiques, des juges, des experts, des journalistes, des fonctionnaires fédéraux et même des membres de sa propre équipe juridique. Comme nous l’avons vu précédemment, l’équipe de campagne du président a estimé qu’il n’y avait pas eu de fraude significative lors de l’élection. Le président l’a donc écartée. Les tribunaux ont rejeté presque toutes les plaintes déposées par l’équipe juridique du président. Même si les tribunaux ont rejeté les réclamations comme étant spéculatives, non étayées et sans fondement, le président Trump, Rudy Giuliani et d’autres ont continué à affirmer aux partisans de Trump, dans des discours, des tweets et des podcasts, que c’était la vérité.
La charge de réfuter les fausses affirmations du président Trump et de ses représentants a souvent incombé aux représentants des États et des collectivités locales. Par exemple, dans le Michigan, le bureau du secrétaire d’État a publié des réponses complètes et rapides aux allégations de fraude électorale sur une page « Fact Check » de son site web. En Géorgie, le bureau du secrétaire d’État a publié des communiqués de presse et tenu de fréquentes conférences de presse dans les semaines qui ont suivi l’élection pour répondre aux allégations de fraude. Les greffiers de comté dans les États contestés ont également pris la parole publiquement pour réfuter les allégations. Alors même que le président sapait la confiance du public dans la manière dont les votes sont exprimés et comptés, ces greffiers ont assuré aux électeurs que leurs élections étaient sécurisées et qu’ils pouvaient avoir confiance dans les résultats. Des experts extérieurs ont également dénoncé et démenti publiquement les affirmations soutenues et amplifiées par le président Trump. Cela a été fait dans le cadre de litiges, d’audiences du Congrès et de communiqués de presse. Le président Trump a simplement ignoré ces sources faisant autorité et a continué à promouvoir de fausses affirmations qui avaient été solidement discréditées.
Ci-dessous, la commission spéciale présente deux études de cas démontrant comment le président Trump et ses représentants ont menti face à des preuves accablantes. La première étude de cas concerne Dominion Voting Systems. Le président Trump a affirmé à plusieurs reprises que le logiciel de Dominion avait « échangé des votes » et « truqué » l’élection, bien après que les responsables de la campagne et du ministère de la justice lui ont dit que ces affirmations étaient sans fondement. La diffamation de Dominion par le président était au cœur de son « grand mensonge ».
La deuxième étude de cas examine des séquences vidéo enregistrées dans le comté de Fulton le soir des élections. Le président Trump et ses représentants ont conçu un récit fictif fondé sur une version éditée et trompeuse de la vidéo. Après ces deux études de cas, la commission spéciale examine une variété d’autres affirmations que le président a faites à plusieurs reprises. Une fois encore, ces affirmations n’avaient aucun fondement.
Systèmes de vote Dominion
Entre le jour de l’élection et le 6 janvier, le président Trump a diffusé à plusieurs reprises des théories du complot sur les machines à voter Dominion. Le président a tweeté ou retweeté de fausses affirmations sur Dominion plus de 30 fois. Il a également menti à plusieurs reprises sur le logiciel de la société lors de ses discours et interviews post-électoraux. Le personnel de campagne du président Trump lui-même, les fonctionnaires de l’administration et les fonctionnaires de l’État lui ont tous dit que ces affirmations n’étaient pas fondées. Des recomptages manuels ont confirmé la fidélité des machines. Mais aucune de ces preuves accablantes n’a eu d’importance. Le président Trump a fait preuve d’un mépris conscient pour les faits et a continué à salir Dominion.
Les alliés du président Trump ont commencé à diffuser de fausses affirmations concernant Dominion quelques jours après l’élection. Le 8 novembre, le lendemain du jour où les réseaux ont annoncé l’élection de Joe Biden, Sidney Powell a affirmé sur Fox News que les machines de Dominion « inversaient les votes dans le système informatique ou ajoutaient des votes qui n’existaient pas ». Le 12 novembre, Rudy Giuliani est apparu sur Fox News pour affirmer que Dominion était lié au dictateur vénézuélien Hugo Chavez et que son logiciel avait été créé « pour truquer les élections ». Le même jour, le président Trump a retweeté un « RAPPORT » affirmant que Dominion avait « SUPPRIMÉ 2,7 MILLIONS DE VOIX DE TRUMP DANS TOUT LE PAYS » et échangé des centaines de milliers de votes dans des États clés.
À ce moment-là, l’équipe de la campagne Trump avait examiné les allégations concernant Dominion et son logiciel et conclu que les allégations étaient fausses. Un mémo interne de la campagne, daté du 12 novembre, affirmait que le logiciel de Dominion « n’a pas conduit à des décomptes de votes incorrects » et citait les informations concluant, entre autres choses, que les machines Dominion « n’avaient pas affecté le comptage final des votes ». Le mémo abordait également diverses allégations d’influence étrangère concernant Dominion. Jason Miller a déclaré à la commission spéciale qu’à la date du 12 novembre il avait communiqué au président Trump les résultats de l’analyse des affirmations de Dominion par l’équipe de recherche interne de la campagne, en lui disant notamment que « les allégations internationales concernant Dominion n’étaient pas valables ». Des courriels et des SMS montrent que cette même analyse a été communiquée à Mark Meadows, le chef de cabinet du président Trump. L’attachée de presse de la Maison-Blanche, Kayleigh McEnany, a déclaré à la commission d’enquête qu’elle s’était retrouvée obligée de « dire [au président Trump] de s’écarter de de la théorie Dominion », l’encourageant à utiliser des arguments plus « fondés sur des faits ». Mais cela n’a servi à rien.
Même si les membres de l’équipe de la campagne de Trump ont déclaré que le résultat de l’élection n’avait pas été compromis par des problèmes avec les machines Dominion, le président a continué à attaquer Dominion sur Twitter dans les jours qui ont suivi, par exemple en retweetant une fausse affirmation selon laquelle les machines de Dominion étaient « conçues par la Chine, le Venezuela [et] Cuba » et en affirmant que Dominion avait « truqué » l’élection.
Des responsables de l’administration Trump se sont également efforcés de démentir les fausses rumeurs de manipulation des votes. L’agence de cybersécurité et de sécurité des infrastructures (CISA) du ministère américain de la sécurité intérieure a publié une déclaration commune des responsables de la sécurité des élections le 12 novembre, rassurant les électeurs sur le fait que l’élection était « la plus sûre de l’histoire américaine ». La CISA a souligné : « Il n’existe aucune preuve qu’un système de vote ait supprimé ou perdu des votes, modifié des votes ou été compromis de quelque manière que ce soit. »
C’était un autre moment décisif pour le président. Il pouvait choisir d’approuver les conclusions des propres experts en cybersécurité de son administration, ou continuer à promouvoir des fictions sans fondement sur Dominion. Le président Trump a choisi les mensonges. Le président et ses partisans n’ont jamais produit de preuves montrant que les machines de Dominion avaient affecté les résultats de l’élection. Mais le président Trump n’a pas été découragé par les faits. En effet, le président et ses partisans se sont emparés d’une simple erreur humaine dans un petit comté du Michigan comme prétexte initial pour ces allégations ainsi que pour maintenir la théorie de la conspiration de Dominion.
Aux premières heures de la matinée du 4 novembre, Sheryl Guy, une greffière du comté d’Antrim, dans le Michigan, a communiqué les résultats non officiels du décompte des voix. Le rapport en ligne de Guy était étrange. Il montrait que l’ancien vice-président Biden avait, d’une manière ou d’une autre, remporté Antrim, un comté à majorité républicaine que le président Trump devait facilement gagner. Les partisans de Trump ont rapidement pointé du doigt la victoire improbable de Biden comme preuve que Dominion avait trafiqué les votes. Ce n’était pas le cas. Guy avait commis une erreur en mettant à jour le logiciel de décompte des voix après l’ajout tardif d’un candidat local sur le bulletin de vote dans certaines circonscriptions du comté, ce qui avait entraîné des erreurs dans ses décomptes officieux lorsqu’elle avait comptabilisé les votes rapportés par les différentes circonscriptions. Guy, une républicaine, a été informée du résultat étrange et a commencé à enquêter immédiatement. Le résultat a été corrigé et le président Trump a remporté Antrim, comme prévu.
Dans les jours qui ont suivi, les responsables locaux et de l’État du Michigan ont expliqué au public ce qui s’était passé. Le 7 novembre, le bureau du secrétaire d’État du Michigan a publié une description détaillée de l’erreur de Guy et a assuré au public que les résultats officiels n’étaient pas affectés. La commission de surveillance du Sénat du Michigan, dirigée par le sénateur républicain Ed McBroom, a procédé à son propre examen complet des réclamations relatives au comté d’Antrim et a confirmé que l’erreur initiale de déclaration était entièrement attribuable à une erreur en toute bonne foi du secrétaire du comté.
La confusion dans le comté d’Antrim a été rapidement corrigée. Une erreur humaine – pas les machines à voter. Mais le président Trump s’en est servi comme prétexte pour continuer à mentir sur Dominion.
Le 12 novembre, le jour même où la CISA a publié sa déclaration sur la sécurité des élections, le président Trump a demandé à Tim Walberg, membre républicain du Congrès du Michigan, de « vérifier auprès des principaux dirigeants de l’assemblée législative du Michigan dans quelle mesure ils pourraient être d’un grand soutien en ce qui concerne la lutte contre les irrégularités électorales et les fraudes potentielles ». Cette nuit-là, le président Trump a demandé à son secrétaire intérimaire à la Sécurité intérieure, Chad Wolf, d’examiner les allégations d’irrégularités électorales dans le Michigan. Le lendemain, l’assistant du président Trump a envoyé à Wolf une lettre de législateurs de l’État du Michigan soulevant des allégations concernant l’élection, y compris une allégation incorrecte selon laquelle un logiciel Dominion défectueux avait entraîné le comptage des votes pour le mauvais candidat.
Les responsables de l’administration ont rapidement démenti l’affirmation. Wolf a transmis les allégations à la direction de la CISA, notamment à son directeur Christopher Krebs. Krebs a fourni à Wolf un communiqué de presse du secrétaire d’État du Michigan qui démentait en détail la fausse allégation concernant le comté d’Antrim et le logiciel de Dominion. Wolf a partagé une mise à jour des informations reçues de Krebs avec le chef de cabinet de la Maison-Blanche, Mark Meadows.
Le 17 novembre, Krebs a tweeté une déclaration publiée par les principaux experts électoraux du pays, qui rejetaient les affirmations selon lesquelles les systèmes électoraux avaient été manipulés, les qualifiant de « non fondées » ou « techniquement incohérentes ». Le président Trump a licencié Krebs le même jour. Il a affirmé que la déclaration publiée par Krebs était « hautement inexacte, en ce sens qu’il y a eu des irrégularités et des fraudes massives ». Le président n’avait aucune preuve pour étayer son affirmation.
Le 19 novembre, Rudy Giuliani, Sidney Powell et Jenna Ellis ont tenu une conférence de presse au siège du Comité national républicain (CNR) à Washington. Powell a affirmé qu’il y avait « une influence massive d’argent communiste par le biais du Venezuela, de Cuba et probablement de la Chine dans l’ingérence de nos élections ici aux États-Unis ». Elle a désigné Dominion, affirmant que son logiciel avait été « créé au Venezuela sous la direction d’Hugo Chavez pour s’assurer qu’il ne perde jamais une élection », et Giuliani a fait écho à ses affirmations.
Hope Hicks a raconté à la commission spéciale comment cette conférence de presse avait été accueillie à la Maison-Blanche. Le lendemain de la conférence de presse, le président Trump a parlé par téléphone avec Sidney Powell depuis le Bureau ovale. Au cours de l’appel, Powell a répété les mêmes affirmations d’ingérence étrangère dans l’élection qu’elle avait faites lors de la conférence de presse. Pendant qu’elle parlait, le président a coupé le son du haut-parleur et s’est moqué de Powell, disant aux autres personnes présentes dans la pièce : « Cela semble fou, n’est-ce pas ? »
Quelques jours plus tard, la campagne Trump a publié une déclaration affirmant que Powell ne faisait pas partie de l’équipe juridique de la campagne Trump. Mais les affirmations farfelues de Powell n’étaient pas différentes de celles que le président Trump faisait lui-même. Le 19 novembre, le même jour que l’apparition de Powell au CNR, le président Trump a tweeté et retweeté un lien vers un reportage sur One America News Network (OAN) qui était intitulé « Dominion-izing the Vote ». Le reportage prétendait que Dominion avait changé les votes de Trump vers Biden. OAN présentait un soi-disant expert en cybernétique, Ron Watkins, une figure clé du mouvement conspirationniste QAnon. Sur son propre compte Twitter, Watkins a célébré et remercié ses partisans quelques minutes seulement après que le président Trump a tweeté le clip, et le président Trump a partagé le clip plusieurs fois dans les jours qui ont suivi.
Des responsables au sein de l’administration Trump ont continué à démonter la théorie du complot du Dominion, y compris lors de rencontres en personne avec le président Trump. Le procureur général Bill Barr a rencontré le président Trump en personne à trois reprises après l’élection. Barr a déclaré à la commission spéciale : « Chaque fois que j’étais avec le président, j’ai évoqué les machines comme une sorte de pièce à conviction numéro un de l’irresponsabilité de cette affaire. » Au cours de la première de ces réunions, le 23 novembre, Barr a expliqué au président que la théorie du complot concernant les machines à voter de Dominion n’avait « aucun fondement » et qu’il s’agissait de « l’une des allégations les plus troublantes ». Barr a souligné qu’il s’agissait d’un « truc de fou » qui empoisonnait sans raison la confiance des Américains dans le système de vote. Cette « absurdité totale » rendait « un très, très mauvais service au pays », a déclaré Barr.
Le président Trump a ignoré les graves préoccupations de Barr. Le 29 novembre, le président a été interviewé par Maria Bartiromo de Fox News. C’était la première interview depuis qu’il avait perdu l’élection. Il affirme qu’elle a été « truquée », qu’elle est truffée de « vols » et qu’elle est « totalement frauduleuse ». Il répète diverses théories du complot, en commençant par l’affirmation selon laquelle les machines à voter du Dominion présentent des « pannes » qui, selon lui, ont déplacé « des milliers de votes de mon compte à celui de Biden ». Il affirme qu’il y a eu des « dépôts massifs » de votes – une référence au « mirage rouge ». Il débite diverses autres allégations fallacieuses, notamment que des personnes décédées ont voté en grand nombre. Rien de tout cela n’est vrai.
Le 1er décembre, le procureur général Barr a de nouveau rencontré le président Trump et lui a déclaré que « les informations que ses collaborateurs diffusaient au public étaient des conneries ». Le procureur général Barr a spécifiquement dit au président Trump que les affirmations concernant les machines à voter Dominion étaient des « affirmations idiotes ». Le président Trump n’a toujours pas été dissuadé de poursuivre dans la voie du mensonge. Le lendemain de sa rencontre avec le procureur général, il a publié une vidéo dans laquelle il répétait plusieurs allégations de fraude électorale, y compris une affirmation selon laquelle « des votes avaient été échangés à tort de Trump à Biden » à l’aide de machines à voter Dominion.
Début décembre, les tribunaux avaient évalué et rejeté les allégations selon lesquelles les machines Dominion avaient été manipulées pour affecter le résultat de l’élection de 2020. Dans le Michigan, un juge fédéral a estimé que les plaintes, y compris celles liées à la fraude due à l’utilisation de machines à voter Dominion, ne reposaient sur « rien d’autre que des spéculations et des conjectures selon lesquelles des votes auraient été détruits, déconnectés ou échangés ». En Arizona, un juge fédéral a rejeté les plaintes selon lesquelles les machines Dominion auraient supprimé, échangé ou modifié des votes. Mais le président Trump et ses partisans ont refusé d’accepter les dénonciations des plaintes fabuleuses de Dominion.
Tout au long du mois de décembre, le président Trump et son équipe juridique ont tenté de faire écho à la théorie du complot de Dominion en affirmant avoir trouvé des preuves que des votes avaient été échangés dans le comté d’Antrim. L’erreur involontaire du greffier avait été corrigée des semaines auparavant et il n’y avait aucune preuve que Dominion avait modifié le décompte des voix à Antrim, ou ailleurs. Mais l’équipe juridique du président Trump a utilisé une affaire contestant une ordonnance locale sur la marijuana qui avait été adoptée à une voix près pour avoir accès aux machines à voter de Dominion.
Un juge du comté d’Antrim a émis une ordonnance autorisant les experts du plaignant à accéder à l’ordinateur du comté, aux machines à voter de Dominion, aux clés USB et aux cartes mémoire. Bien que l’objectif de l’ordonnance fût de permettre au plaignant de rechercher des preuves liées à sa contestation de l’ordonnance, il est rapidement apparu que l’équipe juridique du président Trump était à l’origine de cette manœuvre.
Une organisation nommée Allied Security Operations Group (« ASOG »), dirigée par Russell Ramsland, a effectué une analyse des machines à voter du comté d’Antrim et des systèmes connexes. Le 13 décembre, ASOG a publié un rapport sur ses conclusions. L’inspection n’a donné aucune preuve de manipulation des votes. Pourtant, le rapport comprenait une affirmation non fondée selon laquelle les machines à voter Dominion utilisées dans le comté d’Antrim et dans tout le Michigan étaient « délibérément conçues avec une erreur inhérente pour créer une fraude systémique et influencer les résultats des élections » et qu’un algorithme malveillant avait été utilisé pour manipuler les résultats de l’élection de 2020.
Des documents obtenus par la commission spéciale montrent que le président Trump et le vice-président Mike Pence ont été informés des conclusions d’ASOG par l’équipe de Giuliani. Le 14 décembre, le président Trump a largement diffusé le rapport d’ASOG et les points marquants d’accompagnement préparés par l’équipe de Giuliani. Il a également claironné le contenu du rapport sur Twitter, écrivant le 14 décembre : « WOW. Ce rapport montre une fraude massive. Le résultat de l’élection change ! »
Lors d’une réunion avec le procureur général Bill Barr ce jour-là, le président Trump a affirmé que le rapport de l’ASOG était « la preuve absolue que les machines de Dominion étaient truquées » et signifiait qu’il allait « avoir un second mandat ». Barr a déclaré à la commission spéciale qu’il pensait que le rapport de l’ASOG était « très amateur », que ses auteurs n’avaient « aucune qualification réelle » et qu’il ne fournissait aucune information à l’appui de ses conclusions radicales sur Dominion.
Barr a dit au président Trump qu’il examinerait le rapport, mais que le ministère de la justice avait déjà une bonne idée de ce qui s’était passé dans le comté d’Antrim et qu’il s’agissait d’une erreur humaine, et non d’un problème avec les machines. Quoi qu’il en soit, Barr a promis au président Trump qu’ils auraient une réponse définitive dans quelques jours, car un recomptage manuel était en cours.
Dans les jours qui ont suivi, comme Barr l’avait prédit, le rapport de l’ASOG a été rapidement et solidement critiqué par des experts au sein et à l’extérieur de l’administration Trump, y compris le ministère de la justice et le ministère de la sécurité intérieure. L’analyse initiale des experts en sécurité électorale du ministère de la sécurité intérieure était que le rapport de l’ASOG était « faux et trompeur » et « démontrait une incompréhension totale du processus actuel de certification des votes ».
Ces évaluations approfondies des données du comté d’Antrim et du rapport d’ASOG démontrent que presque toutes les affirmations du président Trump et de ses représentants au sujet du rapport étaient fausses. L’inspection d’ASOG n’a révélé aucun logiciel ou algorithme malveillant ni aucune autre preuve que les machines à voter avaient été compromises.
Plus important encore, comme le procureur général Barr l’avait promis au président Trump, dans les jours qui ont suivi la publication du rapport d’ASOG, un recomptage manuel complet de tous les bulletins de vote dans le comté d’Antrim a confirmé les résultats rapportés par les machines Dominion et a réfuté l’affirmation d’ASOG selon laquelle un algorithme avait manipulé le décompte des voix. L’enquêteur en chef de Giuliani, Bernie Kerik, a reconnu que son équipe n’avait pas été en mesure de trouver la moindre preuve qu’une machine à voter Dominion ait incorrectement échangé, supprimé ou injecté des votes pendant l’élection de 2020.
Le président Trump n’a pas été ébranlé par ces simples faits. Le président a continué à promouvoir le rapport de l’ASOG, en demandant au ministère de la justice d’approfondir son enquête. Il est revenu sur les affirmations d’ASOG lors d’un appel du 27 décembre avec le procureur général par intérim Rosen et le procureur général adjoint par intérim Donoghue, citant le taux d’erreur de 68 % dans le comté d’Antrim, selon le rapport. Donoghue a fait remarquer au président que la différence entre le comptage informatique et le comptage manuel n’était que d’un seul vote et qu’il « ne peut pas et ne doit pas se fier » à l’affirmation frauduleuse d’ASOG, car elle est tout simplement « fausse ».
La fixation du président Trump sur les machines à voter de Dominion et la théorie sans fondement selon laquelle les machines avaient manipulé des votes ont conduit à un effort concerté pour avoir accès aux machines à voter dans les États où le président Trump prétendait qu’il y avait eu fraude électorale. Dans la soirée du 18 décembre, Powell, le lieutenant général Michael Flynn (retraité) et Patrick Byrne ont rencontré le président à la Maison-Blanche. Pendant plusieurs heures, ils ont fait valoir que le président Trump avait le pouvoir, en vertu d’un décret de 2018, de saisir les machines à voter. Plusieurs responsables de l’administration ont rejoint la réunion et ont rejeté avec force cette proposition extrême.
Plusieurs avocats de la Maison-Blanche, dont Eric Herschmann, Derek Lyons et Pat Cipollone, conseiller juridique de la Maison-Blanche, ont « repoussé avec force » l’idée de saisir les machines à voter. Cipollone a déclaré à la commission d’enquête qu’il s’agissait d’une « idée horrible », qui n’avait « aucune base juridique » et il a souligné qu’il n’avait « vu aucune preuve de fraude massive lors de l’élection ». Le conseiller de la Maison-Blanche Eric Herschmann a également déclaré à la commission d’enquête qu’il n’avait « jamais vu la moindre preuve » pour soutenir les allégations contre Dominion. Le conseiller à la sécurité nationale Robert O’Brien a été contacté par téléphone pour la réunion du 18 décembre et on lui a demandé s’il avait vu « une preuve de fraude électorale dans les machines à voter ou d’ingérence étrangère dans nos machines à voter ». O’Brien a répondu que son équipe avait « examiné la question et qu’il n’y avait aucune preuve de cela ».
À peu près au même moment, le président Trump, Mark Meadows et Rudy Giuliani ont demandé à plusieurs reprises à la direction du département de la sécurité intérieure (DHS) si l’agence avait l’autorité de saisir les machines à voter, et on leur a répondu à plusieurs reprises que le DHS n’avait pas une telle autorité unilatérale. Giuliani et Powell tentaient également activement d’accéder aux machines à voter dans plusieurs États avec l’aide d’agents électoraux locaux sympathisants. Ces efforts n’ont révélé aucune preuve d’une quelconque manipulation des votes par une machine Dominion, mais le président Trump a continué à insister sur cette allégation bidon.
Le 2 janvier 2021, le président Trump a eu un long entretien téléphonique avec le secrétaire d’État de Géorgie Brad Raffensperger. Le président a évoqué à plusieurs reprises les machines à voter de Dominion, alléguant qu’elles étaient au cœur d’une conspiration contre lui. Raffensperger était incrédule. « Je ne crois pas que vous remettiez réellement en cause les machines de Dominion », a déclaré Raffensperger. « Parce que nous avons fait un recomptage manuel, un recomptage à 100 % de tous les bulletins, et nous les avons comparés à ce que disaient les machines et nous sommes arrivés à un résultat pratiquement identique. Ensuite, nous avons procédé au recomptage, et nous avons obtenu pratiquement le même résultat. »
En d’autres termes, l’histoire en Géorgie était la même que celle du comté d’Antrim, dans le Michigan : les fonctionnaires ont procédé à un recomptage manuel pour mettre fin à toute allégation selon laquelle les machines de Dominion avaient manipulé le vote. Mais une fois de plus, le président Trump a consciemment négligé ces faits élémentaires et a persisté dans ses mensonges.
Lors d’un discours prononcé le 4 janvier 2021 à Dalton, en Géorgie, le président Trump a choisi d’ignorer les observations directes du secrétaire Raffensperger. Le président a attaqué Dominion de manière rhétorique une fois de plus, affirmant qu’un « crime » avait été « commis dans cet État » et qu’il était « incommensurable ». Le président a demandé un « audit médico-légal immédiat d’un échantillon approprié de machines à voter et d’équipements connexes de Dominion ». Ses allégations étaient à la fois fausses et absurdes. La Géorgie avait déjà effectué un recomptage manuel de tous les bulletins de vote à l’échelle de l’État.
Le président Trump et ses alliés n’ont jamais fourni de preuves montrant que le logiciel de vote de Dominion avait modifié les votes lors de l’élection présidentielle de 2020. En fait, certains des plus ardents défenseurs des affirmations concernant Dominion nourrissaient leurs propres doutes quant aux affirmations qu’ils faisaient en public. Par exemple, Rudy Giuliani a affirmé à plusieurs reprises en public que les machines à voter de Dominion avaient volé l’élection et que des pays étrangers avaient interféré dans l’élection, mais les preuves découvertes par la commission spéciale révèlent qu’il ne croyait pas que ces allégations étaient vraies. Giuliani a déclaré qu’il ne croyait pas que les machines à voter avaient volé l’élection. Il a également reconnu qu’il n’avait vu aucune preuve que des pays étrangers eussent interféré dans l’élection ou manipulé les votes.
Ce témoignage est cohérent avec la reconnaissance par son enquêteur principal, Bernie Kerik, qu’il n’avait pas trouvé de preuves que les machines à voter étaient utilisées pour échanger, effacer ou introduire des votes de manière inappropriée. Christina Bobb, une avocate qui a travaillé avec Giuliani, n’a pas non plus été en mesure d’indiquer une quelconque preuve de méfait de la part de Dominion. Même Sidney Powell, peut-être le partisan le plus engagé des mensonges sur Dominion, n’a pas été en mesure de fournir à la commission spéciale la moindre preuve ou le moindre rapport d’expert démontrant que le résultat de l’élection de 2020 dans n’importe quel État avait été modifié par la manipulation des machines à voter. Et Powell s’est défendue elle-même dans un procès en diffamation intenté par Dominion en affirmant qu’« aucune personne raisonnable ne pourrait conclure que ses déclarations étaient véritablement des déclarations de fait ».
Le 6 janvier 2021, les affirmations du président Trump concernant Dominion avaient été démenties à maintes reprises. Le président savait, ou aurait dû savoir, qu’il ne possédait aucun fondement pour alléguer que les machines à voter de Dominion lui avaient coûté l’élection.
La vidéo de la State Farm Arena
Le président Trump a également promu de manière imprudente les allégations selon lesquelles les images vidéo d’un centre de comptage des bulletins de vote dans le comté de Fulton, en Géorgie, étaient la preuve d’une fraude électorale majeure. Il a été informé à plusieurs reprises que ces allégations étaient fausses, mais il les a tout de même maintenues.
Le 3 décembre, Rudy Giuliani a présenté aux législateurs de l’État un montage sélectif de bulletins de vote en train d’être comptés le soir de l’élection à la State Farm Arena du comté de Fulton. Giuliani a présenté la vidéo comme « l’arme du crime » prouvant la fraude électorale. Le président a affirmé à plusieurs reprises qu’il aurait gagné la Géorgie sans une prétendue conspiration qui s’est déroulée le soir de l’élection. Le président Trump et certains de ses partisans ont prétendu que des agents politiques avaient simulé la rupture d’une conduite d’eau pour expulser des observateurs républicains. Ces mêmes agents auraient ensuite pris des bulletins de vote illégaux dans des valises cachées sous des tables et les auraient ajoutés au compte officiel en les scannant plusieurs fois. Aucune de ces allégations n’était vraie.
Dans un discours prononcé le 5 décembre, le président Trump a fait la fausse déclaration concernant la State Farm Arena et a affirmé que « si vous prenez simplement le crime de ce que ces travailleurs démocrates faisaient…. c’est 10 fois plus que ce dont j’ai besoin pour gagner cet État ». Lors d’un discours prononcé le 22 décembre, il a diffusé les mêmes images trompeuses que celles présentées par Giuliani plusieurs semaines auparavant. Le président Trump a également désigné à plusieurs reprises l’une de ces travailleuses électorales du comté de Fulton comme bouc émissaire lors de son appel téléphonique du 2 janvier avec le secrétaire d’État de Géorgie, en citant son nom à plusieurs reprises et en la qualifiant de « professionnelle de l’escroquerie et de l’arnaque ». Il s’agissait d’un dénigrement malveillant.
Le président Trump a été directement informé au moins quatre fois que les allégations étaient fausses. Le 15 décembre, le procureur général adjoint de l’époque, Jeffrey Rosen, lui a dit : « Ce n’était pas une valise. C’était une poubelle. C’est ce qu’ils utilisent lorsqu’ils comptent les bulletins de vote. C’est bénin. » L’adjoint de Rosen, Richard Donoghue, a également démenti cette affirmation, notamment lors d’un appel téléphonique le 27 décembre et lors d’une réunion dans le bureau Ovale le 31 décembre : « J’ai dit au président moi-même… à plusieurs reprises, dans plusieurs conversations, que ces allégations concernant des bulletins de vote introduits clandestinement dans une valise et passés dans les machines plusieurs fois n’étaient pas vraies, que nous les avions examinées, que nous avions regardé la vidéo, que nous avions interrogé les témoins et que ce n’était pas vrai. »
De même, le secrétaire d’État de Géorgie Brad Raffensperger a déclaré au président Trump que ses allégations concernant la vidéo étaient fausses. Au cours de son appel du 2 janvier avec le président, Raffensperger a expliqué que l’équipe de Giuliani « a découpé cette vidéo en tranches et l’a sortie de son contexte » et que « les événements qui se sont déroulés sont loin d’être ce qui a été projeté » une fois que l’on regarde des séquences plus complètes. Raffensperger a également expliqué au président que son équipe « a fait un audit de cette vidéo, et nous avons prouvé de manière concluante qu’elle n’a pas été scannée trois fois ». Pourtant, lorsque Raffensperger a dit qu’il enverrait au président Trump un lien vers la séquence télévisée, le président a refusé : « Je ne me soucie pas du lien. Je n’en ai pas besoin. »
Les preuves réelles ont contredit toutes les affirmations du président Trump sur ce que montre la vidéo du comté de Fulton. Par exemple, l’enquêteur en chef du bureau de Raffensperger a expliqué, dans un document déposé au tribunal le 6 décembre, qu’« il n’y avait pas de bulletins de vote mystères apportés d’un endroit inconnu et cachés sous des tables… ». Comme l’a fait remarquer l’enquêteur, les images de sécurité ont montré qu’il n’y avait rien sous la table lorsqu’elle a été apportée dans la pièce. Quelques heures plus tard, en présence de journalistes et d’observateurs, « la vidéo montre des bulletins déjà ouverts mais non comptés, placés dans les boîtes, scellés, [et] stockés sous la table ». Cette constatation a été confirmée par le FBI, le ministère de la justice et le Georgia Bureau of Investigation, qui ont interrogé des témoins et examiné l’intégralité des séquences vidéo et des données des machines du site.
Les bulletins en question n’ont pas été comptés deux fois. Cela a été confirmé par un recomptage manuel complet en novembre, ainsi que par un examen ultérieur effectué par les enquêteurs. Ceux-ci ont constaté que, bien que l’on ait pu voir l’un des employés sur la vidéo en train de scanner certains lots plusieurs fois, c’était pour une raison valable : son scanner ne cessait de se bloquer. Les enquêteurs ont confirmé, à partir des journaux du scanner et de la vidéo, qu’il n’avait appuyé sur le bouton « accepter » qu’une seule fois par lot. Les enquêteurs ont également constaté que le personnel n’avait probablement pas demandé aux observateurs de partir, et encore moins ne les avait expulsés par la force de l’établissement.
Malgré ces preuves et ces témoignages concluants, le président Trump a continué d’utiliser la vidéo du comté de Fulton comme preuve d’un grand complot. Le 5 janvier, par exemple, l’assistant exécutif du président Trump a envoyé par courriel un document « de POTUS » [président des États-Unis – note de Mediapart] au sénateur Josh Hawley (républicain), au sénateur Ted Cruz (républicain) et au représentant Jim Jordan (républicain), qui citait le « Suitcase Gate » parmi les « pires fraudes » en Géorgie.
Lors de son discours du 6 janvier, le président Trump a déclaré à la foule que « dans le comté de Fulton, les observateurs républicains du scrutin ont été éjectés, dans certains cas, physiquement de la salle sous le faux prétexte d’une rupture de canalisation ». Le président a poursuivi :
« … puis les agents électoraux sortent des boîtes, des démocrates, et des valises de bulletins de vote de dessous une table. Vous l’avez tous vu à la télévision, totalement frauduleux. Et les ont scannés illégalement pendant près de deux heures, sans aucune supervision. Des dizaines de milliers de votes. Cet acte a coïncidé avec un mystérieux dépôt de votes, jusqu’à 100 000 votes pour Joe Biden, presque aucun pour Donald Trump. »
Aucune partie de l’histoire du président Trump n’était vraie. Il avait déjà été informé qu’elle était fausse.
En juin 2021, lorsque la licence d’avocat de Giuliani a été révoquée par une cour d’appel de l’État de New York, le jugement de la cour a cité ses déclarations sur les valises de bulletins de vote supposées en Géorgie comme l’une des raisons de cette révocation. « Si, comme le prétend le défenseur, il a visionné l’intégralité de la vidéo, il n’aurait pas pu conclure de manière raisonnable que des votes illégaux étaient comptés », peut-on lire dans l’arrêt de la cour.
Les propos conspirationnistes du président Trump ont mis en danger des fonctionnaires innocents dans tout le pays, y compris dans le comté de Fulton. Par exemple, lors d’une comparution en Géorgie le 10 décembre 2020, Giuliani a faussement accusé Ruby Freeman et Shaye Moss, deux fonctionnaires noires montrées dans la vidéo du comté de Fulton, de « faire circuler subrepticement des clés USB comme s’il s’agissait de flacons d’héroïne ou de cocaïne ». En fait, Moss avait reçu une menthe au gingembre de sa mère, Freeman. Comme cela est décrit au chapitre 2, des accusations sans fondement comme celles-ci ont changé à jamais la vie de travailleuses électorales comme Freeman et Moss. Tout cela au service du « grand mensonge » du président Trump.
Le mythe du faux bulletin de vote
La déformation de la vidéo de la State Farm Arena par l’équipe de campagne de Trump n’est qu’un exemple du mensonge des « faux bulletins ». Le président Trump a souvent affirmé que des « faux bulletins » en faveur de Biden avaient été injectés dans le processus de comptage des voix. À entendre le président, des camions remplis de bulletins de vote ont été livrés en pleine nuit aux centres de dépouillement et des millions de votes ont été exprimés en plus des électeurs inscrits.
Les juges, les fonctionnaires de l’administration Trump, les autorités de l’État et les experts électoraux indépendants ont constaté que chaque itération de l’allégation de « faux bulletins de vote » n’était que cela : un faux. L’équipe de campagne de Trump et ses représentants ont intenté neuf procès au cours desquels a été servie une version quelconque de l’allégation de « faux bulletins ». Chacune de ces affaires a été rapidement rejetée. Par exemple, dans l’affaire Costantino v. City of Detroit, un tribunal du Michigan a jugé que les réclamations du plaignant concernant des votes falsifiés, antidatés et doublement comptés dans les élections de la ville de Detroit étaient « incorrectes et non crédibles » et « pleines de spéculations et de suppositions sur des motifs sinistres ».
Bon nombre des allégations de faux bulletins de vote ont été soulevées et répétées publiquement par le président Trump, mais n’ont jamais été incluses dans un procès. Par exemple, un chauffeur de camion du service postal américain a affirmé qu’il avait livré des centaines de milliers de bulletins remplis depuis Bethpage, dans l’État de New York, à Lancaster, en Pennsylvanie.
Le président Trump a répété cette allégation à de nombreuses reprises. Le ministère de la justice et le FBI ont interrogé les témoins pertinents, y compris le chauffeur du camion, et ont examiné les attestations de chargement. Ils ont déterminé que l’allégation était fausse. Le procureur général Barr et son successeur, Jeffrey Rosen, ont tous deux dit au président Trump que cette allégation était fausse. Mais cela n’a pas empêché le président de la répéter.
Un autre prétendu « camion de bulletins de vote » aurait été livré au centre de dépouillement de Detroit à 4 h 30 du matin la nuit de l’élection. Ce camion aurait transporté 100 000 bulletins dans des poubelles, des corbeilles à papier, des boîtes en carton et des paniers à provisions. Une vidéo largement diffusée montrait prétendument une camionnette banalisée déposant des bulletins, qui étaient ensuite acheminés dans le centre de dépouillement sur un chariot. En fait, la seule livraison de bulletins à Detroit après minuit le soir de l’élection était une livraison officielle de 16 000 bulletins, empilés dans 45 plateaux bien organisés d’environ 350 bulletins chacun.
Le chariot présenté dans la vidéo contenait un équipement de caméra tiré par un journaliste. L’affirmation selon laquelle 100 000 faux bulletins ont été introduits clandestinement dans le centre de dépouillement au milieu de la nuit est d’autant plus ridicule que seuls 174 384 bulletins d’électeurs absents ont été enregistrés dans la ville de Detroit lors de l’élection de 2020. L’ajout de 100 000 faux bulletins aux quelque 74 000 bulletins légitimes aurait certainement été évident pour les responsables électoraux.
Le président Trump a également affirmé à plusieurs reprises qu’il y avait plus de votes exprimés qu’il n’y avait d’électeurs inscrits dans certains États, villes ou circonscriptions. Il a été facile de vérifier ces allégations et de démontrer qu’elles étaient fausses.
Par exemple, en Pennsylvanie, environ neuf millions de personnes étaient inscrites sur les listes électorales et environ 6,8 millions de votes ont été exprimés lors de l’élection présidentielle de 2020. Néanmoins, le président Trump et ses alliés ont fait de nombreuses allégations de « plus de votes que d’électeurs » en Pennsylvanie. Citant des données sur le vote par correspondance en 2020 tweetées par le sénateur de l’État de Pennsylvanie Doug Mastriano, le président Trump a affirmé que 1,1 million de bulletins avaient été « créés » et comptés de manière incorrecte. En fait, il n’y avait pas de divergence dans les chiffres réels – Mastriano a comparé par erreur les 2,6 millions de bulletins de vote par correspondance déposés lors de l’élection générale de novembre aux 1,5 million de bulletins retournés lors de l’élection primaire de juin.
Le président Trump a également fait la promotion d’une fausse affirmation d’un autre législateur de Pennsylvanie selon laquelle la Pennsylvanie comptait 205 000 votes de plus que les électeurs. Cette affirmation était fondée sur une comparaison erronée, par le représentant de l’État Frank Ryan, entre les votes enregistrés par les autorités électorales de l’État et ceux figurant dans un registre distinct de l’État. En fait, l’écart était dû au fait que certains comtés n’avaient pas encore téléchargé leurs résultats officiels dans le registre. Fin décembre 2020, le procureur général adjoint par intérim Donoghue a dit au président Trump que cette allégation était sans fondement. Le président Trump a continué à la répéter malgré tout.
Le président et ses représentants se sont livrés à des allégations fausses similaires concernant les votes excédentaires dans le Michigan. Bon nombre de ces affirmations proviennent d’une déclaration sous serment grossièrement inexacte soumise par Russell Ramsland, la personne à l’origine du rapport « très amateur » et « faux et trompeur » de l’ASOG concernant les machines à voter Dominion dans le comté d’Antrim. Ramsland a affirmé dans une déclaration sous serment similaire déposée devant un tribunal fédéral en Géorgie que 3 276 circonscriptions du Michigan avaient un taux de participation compris entre 84 % et 350 %, et que 19 circonscriptions avaient un taux de participation supérieur à 100 %.
La déclaration sous serment de Ramsland a été largement ridiculisée, en partie parce qu’il s’est appuyé sur des données concernant des dizaines de circonscriptions électorales situées dans le Minnesota, et non dans le Michigan. Même après qu’il a corrigé sa déclaration sous serment pour supprimer les cantons du Minnesota, ses données concernant le Michigan sont restées largement erronées.
La fiction du « comptage multiple des bulletins de vote »
Le président et ses représentants ont affirmé à plusieurs reprises que les bulletins de vote de l’ancien vice-président Biden avaient été comptés plusieurs fois. Ces affirmations ont vu le jour lorsque certains ont remarqué que des agents électoraux faisaient repasser des piles de bulletins dans les machines à compter. Mais cette allégation est basée sur une incompréhension fondamentale du processus de comptage des votes : il est courant et approprié pour les agents électoraux de rescanner les bulletins s’ils ne sont pas correctement scannés et totalisés lors de la première tentative. Dans l’affaire Costantino v. City of Detroit, le tribunal a rejeté les déclarations sous serment « incorrectes et non crédibles » qui supposaient que les bulletins étaient passés dans des scanners et comptés plusieurs fois, en faveur de « l’explication plus précise et plus convaincante de l’activité » avancée par le fonctionnaire électoral « hautement respecté » ayant 40 ans d’expérience.
Comme pour d’autres allégations erronées de fraude électorale, l’affirmation selon laquelle les bulletins de vote ont été comptés plusieurs fois ne tient pas compte des garanties du processus de vote. En particulier, comme indiqué ci-dessus, il aurait certainement été patent dans le processus de vérification des votes si des centaines de bulletins avaient été comptés plusieurs fois à Detroit, car le nombre total de bulletins aurait largement dépassé le nombre d’électeurs ayant voté. Mais cela n’a pas été le cas.
Les électeurs « morts » et « inéligibles » imaginaires
En plus de leurs fausses allégations concernant les faux bulletins, le président Trump et ses représentants ont également affirmé sans relâche que des dizaines de milliers de bulletins avaient été déposés par des électeurs morts ou sinon inéligibles. Par exemple, le président Trump et Giuliani ont fréquemment prétendu que plus de 66 000 mineurs non inscrits avaient voté en Géorgie. En fait, aucun mineur n’a voté en Géorgie. Giuliani a proposé plusieurs chiffres différents et inventés sur le nombre de non-citoyens qui auraient voté en Arizona, mais n’a fourni aucune preuve pour étayer ses affirmations. En fait, l’Arizona exige de tout nouvel électeur qu’il fournisse une preuve de sa citoyenneté pour s’inscrire sur les listes électorales – ou qu’il remplisse un formulaire fédéral d’inscription sur les listes électorales qui exige que l’individu signe une attestation de son statut de citoyen sous peine de parjure – et personne ne peut voter sans être inscrit. À la mi-novembre, le personnel de l’équipe de campagne de Trump a déterminé que cette allégation selon laquelle des milliers de non-citoyens avaient voté en Arizona était fondée sur des informations « très peu fiables », et c’est l’une des fausses affirmations qui ont conduit Giuliani à perdre sa licence d’avocat à New York. Ces électeurs « inéligibles » n’existaient pas.
De même, des milliers de votes n’ont pas été émis au nom d’Américains décédés.
Lors de sa conversation du 2 janvier avec le secrétaire d’État de Géorgie, M. Raffensperger, le président a affirmé que « près de 5 000 électeurs [morts] » avaient voté lors de l’élection. Raffensperger a rapidement informé le président que ce n’était pas vrai. Mais le mensonge des « électeurs morts » ne s’est pas limité à la Géorgie. Le président Trump voulait faire croire aux Américains que les « électeurs morts » avaient contribué à sa défaite dans plusieurs États clés.
Mais même l’équipe de campagne de Trump et ses avocats ont reconnu très tôt que les affirmations concernant les « électeurs morts » étaient grossièrement exagérées, pour ne pas dire plus. Début novembre, les avocats de Trump ont découvert que de nombreuses personnes citées par l’équipe de campagne comme étant décédées étaient en fait bien vivantes. Début décembre, Eric Herschmann a informé le chef de cabinet Meadows par SMS que l’équipe juridique de Trump avait déterminé que l’affirmation selon laquelle plus de 10 000 personnes avaient voté en Géorgie n’était pas exacte. L’échange qui a suivi montre clairement que les deux hommes savaient que les affirmations de Giuliani étaient absurdes :
Herschmann : Juste pour info. Alex Cannon et son équipe ont vérifié que les plus de 10 000 morts supposés ayant voté en Géorgie ne sont pas exacts.
Meadows : Je n’ai pas entendu cette affirmation. Ce n’est pas exact. Je crois que j’en ai trouvé 22, si je me souviens bien. Deux d’entre eux sont morts quelques jours avant les élections générales.
Herschmann : C’est ce qui a été allégué lors de l’audition de Rudy aujourd’hui. Votre chiffre est beaucoup plus proche de ce que nous pouvons prouver. Je pense que c’est 12.
Meadows : Mon fils a trouvé 12 nécrologies et 6 autres possibles, selon les listes électorales précises.
Herschmann : Ça y ressemble plus. Peut-être qu’il peut aider Rudy à trouver les 10 000 autres ?
Meadows : Lol
Peu de temps après, un tribunal de Géorgie a rejeté l’allégation selon laquelle des dizaines de milliers de votes ont été émis par des électeurs inéligibles, notant que les allégations « reposent sur des spéculations plutôt que sur des faits dûment avérés ».
L’expert lui-même de l’équipe de campagne de Trump sur les supposés « électeurs décédés » a admis que la campagne ne disposait pas des données nécessaires pour tirer des conclusions sur l’existence (ou le nombre) de votes exprimés au nom d’une personne décédée. Les représentants des États disposaient toutefois de ces données et étaient en mesure d’effectuer le type d’analyse de correspondance requis. Ces autorités étatiques ont déterminé qu’il n’y avait qu’une poignée de cas où des personnes avaient voté au nom de personnes décédées.
Même dans les cas où la personne qui a voté est effectivement décédée, les avocats du président Trump savaient que la grande majorité des électeurs figurant sur leur liste d’électeurs décédés avaient en fait voté avant leur décès. Au début du mois de janvier 2021, quelques jours avant le 6 janvier, le sénateur républicain Lindsey Graham a demandé à plusieurs avocats de Trump de fournir des preuves à l’appui des affirmations de la campagne concernant les électeurs décédés. En enquêtant, l’équipe de Giuliani a conclu qu’elle ne pouvait pas trouver de preuves de l’existence d’électeurs décédés, quel que soit le nombre que Giuliani et le président Trump affirmaient publiquement. Après avoir noté les lacunes de leurs preuves, Katherine Friess, une avocate travaillant avec l’équipe juridique de Giuliani, a prévenu que le sénateur Graham « repousserait » leurs preuves. Comme l’avait prédit Friess, le sénateur Graham n’a pas été impressionné par les informations fournies par l’équipe de Giuliani. Dans son discours au Sénat le 6 janvier, Graham a expliqué pourquoi il ne s’opposerait pas à la certification des votes électoraux. Le sénateur Graham a fait référence à l’incapacité des avocats de Trump à fournir les preuves qu’il a demandées :
« Ils ont dit que 66 000 personnes de moins de 18 ans avaient voté en Géorgie. Combien de personnes croient cela ? J’ai demandé : “Donnez-m’en 10.” Je n’en ai pas eu une seule. Ils ont dit que 8 000 criminels en prison en Arizona ont voté. Donnez-m’en dix. Je n’en ai pas eu un seul. Est-ce que ça veut dire qu’il y a des problèmes dans toutes les élections. Je n’y crois pas. Ça suffit ! Il faut en finir. »
Les documents obtenus par la commission spéciale révèlent que le président Trump et ses avocats savaient que les affirmations faites devant les tribunaux au sujet des électeurs morts ou inéligibles en Géorgie étaient inexactes, et les avocats craignaient que si le président se portait garant de ces affirmations dans une autre plaidoirie judiciaire, il pourrait être poursuivi pénalement. Le 31 décembre, alors que les avocats s’empressaient d’intenter une action en justice fédérale en Géorgie, certains d’entre eux se sont inquiétés de la possibilité que le président signe une « vérification » sous serment attestant de la véracité des allégations de fraude électorale en Géorgie, y compris celles concernant le vote de personnes décédées. Comme l’a noté Eastman dans un courriel adressé à ses collègues le 31 décembre :
« Bien que le président ait signé une vérification [concernant les allégations de la Géorgie] le 1er décembre, il a depuis été informé que certaines des allégations (et des preuves apportées par les experts) étaient inexactes. Le fait qu’il signe une nouvelle vérification en sachant cela… ne serait pas correct. Et je n’ai aucun doute qu’un procureur agressif ou un procureur général quelque part s’en prendra au président et à ses avocats une fois que la poussière sera retombée sur cette affaire. »
Malgré ces inquiétudes, le président Trump et ses avocats ont déposé une plainte qui reprenait les mêmes chiffres inexacts, et le président Trump a signé une vérification dans laquelle il jurait sous serment que les chiffres inexacts étaient « vrais et corrects » ou « considérés comme vrais et corrects » au mieux de ses connaissances et de ses convictions. Un juge fédéral examinant les courriels et les plaidoiries pertinents a récemment conclu :
« Les courriels montrent que le président Trump savait que les chiffres spécifiques de la fraude électorale étaient erronés, mais qu’il a continué à les vanter, tant devant le tribunal que devant le public. La Cour estime que ces courriels sont suffisamment liés à une conspiration visant à tromper les États-Unis et à la mettre en œuvre. »
1.9 Le discours du président Trump le 6 janvier
À midi, le 6 janvier 2021, le président Trump s’est adressé à des milliers de ses partisans lors d’un rassemblement juste au sud de la Maison-Blanche. L’élection avait été décidée deux mois plus tôt. Les tribunaux ont estimé qu’il n’y avait aucune preuve de fraude significative. Les États ont certifié leurs votes à la mi-décembre. C’était fini – le président Trump avait perdu. Mais ce n’est pas ce que le président a dit aux personnes présentes. Il a prononcé un discours incendiaire du début à la fin, affirmant que rien de moins que le destin de l’Amérique était en jeu.
« Notre pays en a assez », a déclaré le président Trump. « Nous ne le supporterons plus, et c’est de cela qu’il s’agit. » Il a affirmé que ses partisans étaient descendus à Washington pour « sauver notre démocratie » et « arrêter le vol ». Il a refusé, une fois de plus, de céder. Et il a proclamé : « Aujourd’hui, je vais exposer quelques-unes des preuves qui démontrent que nous avons gagné cette élection et que nous l’avons gagnée haut la main. »
Pendant des mois, le président Trump a promu sans relâche son « grand mensonge ». Lui et ses associés ont fabriqué une histoire après l’autre pour le justifier. Pendant plus d’une heure, le 6 janvier, le président a tissé ensemble ces théories du complot et ces mensonges. Selon l’évaluation de la commission spéciale, plus de 100 fois pendant son discours le président Trump a faussement affirmé que soit l’élection lui avait été volée, soit que les votes avaient été compromis par un acte spécifique de fraude ou des violations majeures de procédure. Ce jour-là, le président Trump a répété bon nombre des mêmes mensonges qu’il avait proférés pendant des mois, même après avoir été informé que beaucoup de ces affirmations étaient fausses. Il a menti au sujet des machines à voter Dominion dans le Michigan, des valises de bulletins de vote en Géorgie, du nombre de votes supérieur à celui des électeurs en Pennsylvanie, des votes émis par des non-citoyens en Arizona, et de dizaines d’autres fausses allégations de fraude électorale.
Comme nous l’expliquerons dans les chapitres qui suivent, le « grand mensonge » était au cœur du plan du président Trump pour rester au pouvoir. Il a utilisé le « grand mensonge » pour faire pression sur des fonctionnaires fédéraux et locaux afin de défaire la volonté du peuple. Sa campagne a fait appel à de faux électeurs en prétendant sans fondement que l’ancien vice-président Biden avait remporté plusieurs États en raison d’une fraude ou d’une autre malversation. Le président a tenté de subvertir le ministère de la justice en intimidant ses dirigeants pour qu’ils approuvent ses mensonges électoraux. Et lorsque les hauts responsables du ministère n’ont pas ontempéré, le président Trump a cherché à installer un loyaliste qui le ferait.
Lorsque tous ces efforts ont échoué, le président Trump a trahi son propre vice-président. Il a fait pression sur le vice-président Pence pour faire obstruction à la session conjointe du Congrès le 6 janvier, en prétendant faussement qu’il avait le pouvoir de refuser de compter certains votes électoraux. Le président Trump savait que cela était illégal mais il a tenté de le justifier par des mensonges sur l’élection.
Le 19 décembre 2020, le président Trump a convoqué une foule à Washington pour le jour même où le Congrès devait certifier la victoire de l’ancien vice-président Biden, en affirmant que l’élection avait été volée et en promettant une manifestation « sauvage ».
Et l’affirmation bidon d’élection volée a été au centre du discours du président Trump le 6 janvier. La litanie de mensonges qu’il a racontée a soulevé une foule qui allait marcher vers le Capitole des États-Unis pour intimider le vice-président Pence et les membres du Congrès.
« Et nous nous battons. Nous nous battons comme des diables. Et si vous ne vous battez pas comme des diables, vous n’aurez plus de pays », a lancé le président Trump à la foule. Il les a incités par ces mots juste après avoir fait l’éloge de son propre mensonge du soir de l’élection – le « grand mensonge ».
Le président Trump a dit à ses partisans de « se battre » pour « sauver » leur pays d’un spectre bidon de fraude électorale supposée. Et beaucoup d’entre eux l’ont fait.
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