Jacques Chastaing a partagé une publication.
IL FLOTTE COMME UN PARFUM DE MAI 68 EN CE DEBUT D’ANNEE 2023
Le succès du 19 janvier a montré qu’on est au début d’un grand possible. La réussite du 31 janvier va faire monter une marche de plus.
L’augmentation du nombre de manifestants rend visible aux yeux de tous la montée de la mobilisation et à partir de là, la montée de la confiance des travailleurs en eux-mêmes. Ce qui est décisif pour l’avenir. Mais au delà de ce qui est immédiatement perceptible dans les manifestations, il y a ce dont personne ne veut parler, et plus profondément encore, c’est le nombre de grévistes. Le nombre de manifestants appartient encore à ce monde et fait partie des rituels qui ne font pas reculer le pouvoir, sauf s’ils prenaient l’envie aux manifestant de marcher sur l’Élysée, Matignon ou le Parlement comme l’avaient tenté les Gilets Jaunes. Par contre, ce qui échappe au contrôle de ce monde, c’est la grève. C’est elle qui contribue bien plus encore à faite monter cette confiance de la classe ouvrière en elle-même et à saper les bases de l’ordre établi. Mais ce nombre de grévistes, personne ne veut le donner. Ça fait longtemps que les directions syndicales nationales ont renoncé à compter le nombre de grévistes et à le rendre public… parce que c’est un chiffre trop subversif, qui appartient plus aux travailleurs qu’à elles-mêmes. Elles fixent l’agenda des manifestations nationales, pas celui de la généralisation de la grève. Jamais. Ça leur échappe toujours. Connaître le nombre de grévistes, voire sa progression, c’est ce qui donne réellement confiance aux travailleurs. Parce que la grève dans leur entreprise, leur service, leur bureau, leur université, leur lycée, ils la contrôlent plus facilement. Et qu’à partir de là, de cette auto-organisation possible, des coordinations peuvent naître qui donnent alors bien d’autres agendas et objectifs sous le contrôle collectif de ceux qui luttent et qui n’appartiennent plus à des appareils syndicaux ou politiques aux multiples arrières pensées et calculs politiciens. Des grandes journées d’action syndicales aussi importantes soient-elles ne feront pas reculer le pouvoir. Les manifestations ne sont qu’un témoignage visible indirect de ce qui fermente en dessous. On estime le plus souvent le rapport de un à quatre entre manifestants et grévistes. Ce qui fait que la CGT Bouches du Rhône a pu donner le chiffre de 8 millions de grévistes le 19 janvier. Le 31 janvier pourrait en compter de 10 à 12 millions, ce qui serait l’amorce d’un tournant. Parce que même sans chiffre, quand il y a beaucoup de grévistes, tout le monde peut le mesurer sur son lieu de travail et que l’auto-organisation devient alors envisageable, possible. Et c’est avec l’auto-organisation, qu’on peut construire la grève, la vraie, pas d’un jour, mais celle qui est une expérience rare et tellement enthousiasmante que rien n’y résiste, qui fait boule de neige et emporte tout comme un fleuve en furie parce que c’est le contrôle sur son mouvement, sur sa vie, qui se manifeste là et l’emporte sur les forces d’oppression. Cela va alors bien au delà des revendications d’origine, la retraite, les salaires…, pour exiger tout. Et c’est cette grève qui occupe les usines, les bureaux, les magasins, les banques, les théâtres, les universités… parfois les préfectures et quelques fois tous les lieux de pouvoir et construit un autre monde.
Les jours qui suivent le 31 prendront la couleur de l’ampleur de cette mobilisation gréviste souterraine.
Les chiffres sont clairs. Les sondages expliquent tout à la fois que 57% des français – donc dans les 75-80% d’ouvriers et employés – comprennent que pour faire reculer Macron.il faudrait un blocage total du pays, donc la grève générale, Mais en même temps 71% pensent qu’on ne gagnera pas. C’est-à-dire qu’ils savent ce qu’il faudrait faire et seraient peut-être prêts à s’y engager mais n’ont pas confiance ni en eux ni dans les directions syndicales pour le faire. Ils ont raison de ne pas faire confiance dans les directions syndicales qui n’ont plus mené ce combat pour la grève générale depuis au moins 100 ans et elles ne le mèneront plus jamais. Par contre, le basculement dans la confiance en soi, c’est-à-dire en ses collègues de travail, la confiance dans le mouvement pour gagner et donc à partir de ce moment, la volonté de ne pas en laisser la direction à d’autres mais de la prendre en main, c’est quelque chose qui est totalement imprévisible et qui peut surgir à tout moment. Le nombre de grévistes du 31 en est la base, le terrain qui permet l’élément déclencheur. En mai 68, l’élément déclencheur sur un terrain fertile a été les étudiants. Du coup beaucoup espèrent aujourd’hui dans la fougue de la jeunesse. Or, après le 19, de faculté en faculté, c’est-à-dire dans 35 d’entre elles pour l’instant, et de lycée en lycée, des assemblées générales se tiennent. Encore modestes pour le moment.
Mais l »intérêt de tous pour ces assemblées générales naissantes est un signe de cette attente de tous, parce que la jeunesse est le principal facteur d’élargissement possible de la mobilisation et qu’aucun gouvernement ne peut gagner contre sa jeunesse. On guette là l’élément déclencheur, celui qui fera, que cette fois on n’hésite plus, on se lance à fond. Mais cet élément déclencheur peut être aussi une provocation de trop de Macron et il n’en est pas avare. Ou alors une mesure injuste de plus, la goutte d’eau qui fait déborder le vase. La révolution de 1789 a démarré contre les hausses de l’octroi, les péages à l’entrée de Paris, nos péages autoroutiers actuels… Où encore un événement fortuit, comme le jeune tunisien qui s’était immolé par le feu qui a été au départ des révolutions arabes de 2009-2013 mobilisant derrière son geste des centaines de millions de personnes pour des années. Ou encore, car nous entrons dans une période de NAO et d’affichages des bénéfices colossaux des entreprises tellement contradictoires avec ce qu’on veut nous imposer pour les retraites, que des des grèves pour les salaires peuvent s’étendre et mettre le feu général dans ce contexte de lutte pour la retraite. Or, il y a actuellement déjà des grèves dans le BTP, chez Vinci pour 350 euros d’augmentation mensuelle plus une hausse des primes de 10% mais aussi dans la sous-traitance auto, de Faurecia à Plastic Omnium avec une faculté d’extension rapide puisque des grands sites de montage auto Stellantis ou Renault de Sochaux à Sandouville sont déjà en difficulté ou encore la métallurgie chez Aubert et Duval. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’une conjonction sans précédent se dessine devant nous et que nous n’avons jamais été aussi prêts du déclenchement d’un mouvement général et de la victoire.
Tous les appels à la mobilisation en dehors des grandes journées nationales d’action de l’intersyndicale à l’issue de ce 31, sont une façon de dire cette attente et cet espoir et montrent qu’on est nombreux à chercher quelque chose qui dépasse les journées saute-moutons inefficaces des directions syndicales, un quelque chose qui va finir par ouvrir les vannes aux flots révolutionnaires.
Les journées de grève des 26 et 27 des raffineurs, électriciens et dockers ont fonctionné comme ça tout comme les marches aux flambeaux le soir dans plus de 70 villes. Ces actions par elles-mêmes ne changent rien. Mais elles créent un climat. Les actions des Robins des Bois des électriciens et gaziers qui mettent l’électricité gratuite aux hôpitaux écoles, crèches, commerçants, artisans et usagers fonctionnent comme des défis à l’autorité, fabriquent un terreau subversif qui donne le ton de ce qu’il faudrait, prendre les usines, les banques, les universités… et les faire fonctionner pour nous, pour le bien de la collectivité. Les appels à la grève reconductible après le 31 janvier de certains syndicats dans l’Éducation – mais pas les plus importants – et des Assemblées Générales d’enseignants, d’étudiants et de lycéens, et puis aussi des syndicats dans l’énergie également.. mettent en relation les militants, forgent l’énergie communicative de la résistance, donnent de la joie, des raisons d’espérer et toutes ces choses qui changent le regard de chacun sur ce qui se passe autour de lui tout en délivrant en même temps un message clair de la recherche de cet élément déclencheur pour bien plus que les journées d’action sans stratégie tout en en multipliant la possibilité. Et puis les 6, 7 et 8 février, il y a de nouveaux appels des raffineurs, électriciens et cette fois cheminots à faire grève avec l’horizon toujours de cette grève reconductible à ce moment ou à la mi-février, bien qu’il vaudrait mieux parler de grève illimitée pour bien afficher sa détermination, même si on la reconduit tous les jours. Quoi qu’il en soit, depuis les sondages jusqu’aux actions des secteurs les plus déterminés, l’objectif est clair, la grève générale. La grève générale pour stopper Macron mais aussi beaucoup plus, au delà de la question des retraites, pour reprendre tout ce qui nous a été volé, le meilleur droit à la retraite du meilleur des régimes spéciaux élargi à tous, augmenter les salaires de 400 ou 500 euros par mois, passer le Smic à 2 000 euros nets, embaucher en masse dans les services publics; et puis mieux encore, infliger une défaite historique à un des gouvernements les plus réactionnaires qu’on n’ait jamais connu depuis longtemps, ce qui ouvre à tous les possibles. Nous sommes nombreux à ne pas vouloir passer à côté de ce combat.
Nous voulons tout et nous allons gagner.
Jacques Chastaing 28 janvier 2023
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