Méga-bassines : en Espagne, le modèle des retenues d’eau à bout de souffle

Peut être une image de ‎1 personne et ‎texte qui dit ’‎09:43 37% Espagne Populaires 112 Récemment ↑73920 Personnes Photos 861 اu 179K Afficher cette discussion Ludivine Bantigny @Ludivine 1j En Espagne, on détruit désormais des méga-bassines, pour beaucoup édifiées sous le franquisme (108 ont été détruites en 2021) en raison de leur nocivité pour les fleuves et rivières. "Des milieux naturels sont en danger. Le Tage est presque mort". lexpress.fr Méga-bassines en Espagne, le modèle des retenues 'eau à bout de souffle 97 17353 353 551 山 20,1K Afficher cette discussion‎’‎‎

Méga-bassines : en Espagne, le modèle des retenues d’eau à bout de souffle

L’Espagne compte 1226 barrages et retenues d’eau, un record en Europe. Mais ces retenues d’eau ont cessé d’être une solution miracle, dans un contexte de pénurie chronique d’eau.

Le réservoir de Guiamets, situé à Capcanes, en Catalogne, a connu une diminution spectaculaire du niveau d’eau lors de l’été 2022.

ANA BELTRAN / ANADOLU AGENCY / ANADOLU AGENCY VIA AFP

Les projets de réserves d’eau destinés à l’irrigation agricole, lancés face à la menace de sécheresses récurrentes, engendrent de plus en plus de tensions autour de la question de la préservation et du partage de la ressource. Le record de jours consécutifs sans pluie enregistré en janvier-février a relancé le débat entre opposants et partisans de ce modèle, à l’heure où Emmanuel Macron plaide pour un « plan de sobriété pour l’eau ».

Des méga-bassines existent en Europe, principalement en Espagne. Comme le rappelle Libération, l’Espagne est une « superpuissance » des retenues d’eau, appelées « embalses » ou « pantanos ». Selon la Société nationale de barrages et retenues d’eau, qui les fédère, le pays en compte 1226, un record en Europe, en particulier dans la moitié méridionale semi-aride du pays, qui en dépend de manière cruciale pour son agriculture.

Le recours de l’agriculture intensive aux retenues fait débat

La plupart ont été construites entre les années 1950, dans le cadre d’un plan élaboré par le régime franquiste, jusqu’aux années 1990. Mais ces retenues d’eau ont cessé d’être considérées comme une solution miracle. Le contexte est connu : celui de la pénurie chronique d’eau, liée en partie au dérèglement climatique mais aussi à la gestion agricole.

Comme le relève Libération, en 2021, dans le cadre d’une « stratégie nationale de restauration des fleuves », 108 de ces barrages ont été détruits, sur un total de 239 dans l’Union européenne. L’objectif est de réhabiliter une faune fluviale en butte aux parois en béton des barrages. Mais les syndicats agricoles et des petits agriculteurs qui en vivaient protestent contre ces destructions.

Alors que les pluies diminuent peu à peu, les réserves d’eau ne cessent de chuter. Ces jours-ci, l’ensemble des « embalses » sont à 51,7 % de leur capacité, selon le Plan hydrologique national, contre 62,7 % en moyenne au cours de la décennie passée.

« La pression agricole est si forte que les réserves d’eau ne peuvent pas se reconstituer d’année en année », estime Julia Martínez, de la Fondation nouvelle culture de l’eau, interrogée par LibérationL’agriculture est en effet particulièrement gourmande en ressources : elle utilise 85 à 95 % de ce qu’offrent ces retenues d’eau, qui avaient été pensées pour pouvoir développer l’agriculture de manière intensive et sans limites.

« Des milieux naturels sont en danger »

Contactée par EURACTIV, Joëlle Lallemand, présidente de l’APIEEE (Association de Protection, d’Information et d’Etudes de l’Eau et de son Environnement) estime que l’Espagne montre ce qu’il ne faut pas reproduire en France. « Ils ont parié sur les bassines, maintenant ils n’arrivent plus à les remplir à moitié. Ils ont asséché les sols », déplore-t-elle.

L’Espagne « ne parvient plus à les remplir que six années sur dix », affirme auprès de l’AFP Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, syndicat agricole français minoritaire totalement opposé à ce procédé.

A Madrid, le bureau de Greenpeace précise auprès de France 3 que les réserves de substitution en eau et les dérivations de fleuves dans le pays sont telles que le système est arrivé à un point de « gestion non durable ». « Des milieux naturels sont en danger. Le Tage est presque mort », déclare Julio Barea, porte-parole de Greenpeace. Selon lui, le pays « a dépassé les capacités naturelles de captation en eau », un phénomène désormais « aggravé » par le changement climatique.

Dans la région semi-désertique de l’Aragon, dans le nord de l’Espagne, une communauté d’exploitants agricoles utilise à Tauste les réserves de substitution en eau depuis des décennies sur une zone de terres irriguées de plus de 80 000 hectares. L’une de ses figures, le syndicaliste et agriculteur Javier Sanchez, estime auprès de France 3 que l’usage de ces bassines est acceptable si la gestion de l’eau reste « publique » et « pour tous les usagers », « petits ou gros exploitants ».

Les usines de dessalement, une solution alternative ?

Les agriculteurs affirment s’être adaptés à cette absence d’abondance de l’eau. La gestion de la ressource se fait ainsi à l’échelle de toute une communauté d’usagers. L’eau est partagée entre agriculteurs, industriels et particuliers, et « non réservée à quelques-uns », souligne Javier Sanchez auprès de France 3. Une façon de pointer du doigt la différence, selon lui, entre les bassines en France et les réserves en Espagne, affirme cet agriculteur qui a participé à un rassemblement à Sainte-Soline en octobre dernier.

« Normalement, il n’y a pas de problèmes de dotations d’eau à ce moment de l’année. Mais en ce moment ils refont les calculs d’attribution et c’est serré en raison du manque de pluie », explique Javier Sanchez. L’agriculteur doit faire une demande puis un volume d’eau lui est attribué.

Face au manque d’eau, les autorités régionales optent de plus en plus pour des usines de dessalement. L’Espagne en compte actuellement 765, dont 99 de grande dimension, précise Libération. En Catalogne, où les « embalses » sont à leur plus bas niveau historique (27 % de leur capacité) et la sécheresse persistante, le gouvernement régional a décrété des restrictions d’eau et a investi 2,3 milliards d’euros sur cinq ans pour doubler la capacité de l’usine de dessalement d’El Prat, qui tourne à plein régime depuis janvier 2022 afin d’alimenter Barcelone et son agglomération. Mais ces usines ne peuvent s’implanter que dans les endroits proches de la mer et consomment beaucoup d’énergie.

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