A Marseille, Fabien Roussel invite les insoumis à «se mêler de leurs affaires»

Ambiance

En ouverture du congrès du PCF, vendredi 7 avril, le député du Nord a répondu au patron des insoumis Manuel Bompard qui, dans un courrier, a demandé aux militants communistes de «clarifier» leur position vis-à-vis des propos de leur chef sur la Nupes «dépassée».

par LIBERATION et AFP

publié le 7 avril 2023

Entre les insoumis et les communistes, le chiffon rouge brûle et ce n’est a priori pas près de se calmer. En ouverture du congrès du PCF, ce vendredi à Marseille, le secrétaire national du parti Fabien Roussel a invité les dirigeants de LFI à se «[mêler] de [leurs] affaires». La pique est plus précisément adressée au coordinateur du mouvement mélenchoniste, Manuel Bompard qui, dans un courrier, a demandé aux militants communistes de «clarifier» leur position vis-à-vis de celles de leur patron. Notamment quand ce dernier affirme dans l’Express que, selon lui, la Nupes est «dépassée».

«Personne ne dictera aux communistes ce qu’ils doivent voter, faire et choisir. Nous sommes souverains, libres, communistes», s’est exclamé Fabien Roussel, ovationné par la grande majorité des 697 délégués rassemblés au palais du Pharo. Entre le député du Nord et les insoumis, les relations ont toujours été fraîches. Ce que la dernière présidentielle n’a rien arrangé. Pour nombre de militants LFI, le patron du PCF et ses 2,28 % font partie des principaux responsables de la non-qualification de Jean-Luc Mélenchon au second tour de la dernière présidentielle. L’insoumis avait échoué d’un cheveu à 1,2 point seulement de Marine Le Pen.

Mais cette fois, la brouille concerne des propos récents de Roussel. Chez LFI, on a peu goûté aux déclarations selon lesquelles la Nupes serait «dépassée», sur le besoin de faire alliance avec l’ancien Premier ministre, très hostile aux insoumis, Bernard Cazeneuve ou les clins d’œil amicaux du communiste à l’endroit du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Dans son courrier, le député des Bouches-du-Rhône Manuel Bompard affirme avoir reçu les propos du chef des rouges avec «stupéfaction et gravit黫Alors que le macronisme s’effondre, et que l’extrême droite menace, nous ne comprenons pas et nous ne partageons pas cette volonté d’affaiblir publiquement notre construction commune», regrette-t-il. Le coordinateur de LFI Manuel Bompard a demandé aux communistes, dans un courrier, de «clarifier» leur position lors du congrès.

En position de force au congrès

«Ceux qui ont quelque chose à dire, qu’ils rejoignent le PCF», a ironisé Fabien Roussel. «Nous sommes un parti démocratique qui amende, débat, vote, nous, tout le monde ne peut pas en dire autrement», a-t-il piqué en retour dans une allusion à LFI et à son manque de démocratie interne. «Quelle incroyable agressivité. Ça dure depuis 3 ans à tout propos, avant et depuis la Nupes. Nous n’avons jamais répliqué même sur la division dans la présidentielle 2022. Alors que se passe-t-il ? Bompard ouvre un débat d’intérêt commun sur la Nupes. Pourquoi exiger le silence ?» a répliqué Jean-Luc Mélenchon dans un tweet.

Le patron des communistes est en position de force au congrès, après le plébiscite du vote interne de janvier, qui a placé sa proposition de «base commune» à 82 % des voix. Mais la minorité n’en demeure pas moins déterminée à se faire entendre, et a signé une tribune dans le journal le Monde le même jour pour dire tout le mal qu’elle pense des déclarations récentes de leur secrétaire national. «Fabien Roussel jette le trouble en proposant contre toute attente un changement d’alliance», écrivent plusieurs des membres du conseil national dans le texte, intitulé «Fabien Roussel tombe le masque».

A leurs yeux, leur chef se «tourne avec empressement vers les naufragés du hollandisme» tels Bernard Cazeneuve qui «comme Premier ministre, conserva jusqu’au bout et sans le moindre repentir depuis, le cap d’une gauche aussi sécuritaire qu’austéritaire». Mais, a assuré le sénateur Christian Picquet à la tribune, au congrès, «les discussions ne portent pas sur notre participation à la Nupes». Ce soutien de Fabien Roussel a néanmoins critiqué «la position hégémonique» de LFI et une coalition qui «n’a pas permis d’élargir le socle social de la gauche et a montré des limites dans la bataille des retraites». La venue samedi au congrès de Manuel Bompard, invité comme les autres dirigeants de la Nupes, risque d’être tendue.

BMF/RMC

« PAS DE COLONNE VERTÉBRALE »: L’AMITIÉ ENTRE FABIEN ROUSSEL ET GÉRALD DARMANIN FAIT GRINCER DES DENTS

Cyprien Pézeril
Le secrétaire général du PCF Fabien Roussel et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin cultivent une amitié qui a pour origine leur région d’origine, le Nord. Une amitié à rebours de leur ligne politique, ce qui fait grincer des dents chez les Insoumis.

D’un côté, le ministre de l’Intérieur, dont le nom circule pour Matignon en cas de remaniement. De l’autre, le patron des communistes qui joue sa réélection ce week-end au congrès de son parti… Et entre les deux hommes du Nord, une amitié improbable.

« Ils s’entendent très bien », confie à RMC un proche de Gérald Darmanin. Depuis longtemps, ils se tutoient. À l’Assemblée, régulièrement, Fabien Roussel va s’asseoir à proximité du ministre pour papoter, quand ils ne sont pas en train de boire des bières à la buvette. Les deux échangent aussi régulièrement des SMS. Le ministre de l’Intérieur a pris l’habitude de le prévenir lui-même de son passage dans sa circonscription.

« Ils ont tous les deux un parcours de méritocratie républicaine. Et se sont rendus des coups de main sur leurs territoires », commente un élu du Nord, bien au fait de leur complicité.

Fabien Roussel a d’ailleurs un intérêt à rendre publique cette relation. « Gérald Darmanin sait entendre la colère, il est comme moi » confie-t-il cette semaine dans un article du Monde. Une manière opportune de montrer qu’il n’est pas sectaire, qu’il parle à tout le monde, contrairement à d’autres à gauche. Et donc de se distinguer de ses alliés de la Nupes avec qui ses relations sont exécrables.

RELATIVISER POUR NE PAS BRUSQUER LES MILITANTS DU PCF

Mais à l’aune du congrès de son parti, pour ne pas brusquer ses militants, il est contraint de rectifier le tir assurant qu' »évidemment », il n’entrerait jamais dans un futur gouvernement s’il était mené par Gérald Darmanin, l’homme de droite. « Fabien est spontané et parfois, il mord le trait », admet un communiste, quand un autre s’empresse de relativiser le lien entre les deux.

Et cette relation, si elle peut surprendre, ne devrait pas empêcher Fabien Roussel d’être réélu à la tête de son parti haut la main.

Le PCF assure à RMC que depuis le début de l’année, Fabien Roussel a attiré 1.800 nouveaux adhérents et vendu 10.000 exemplaires de son nouveau livre dans les librairies et dans les réseaux militants.

UNE RELATION QUI FAIT GRINCER DES DENTS CHEZ LFI

Néanmoins, cette relation est pointée du doigt à gauche. Principalement par les Insoumis, qui considèrent que c’est plus qu’une amitié. « Le problème, c’est que Fabien Roussel est sur la ligne de Gérald Darmanin. Il n’a pas de colonne vertébrale et déshonore la gauche », attaque carrément un députée mélenchoniste.

Un autre rappelle que Fabien Roussel défendait pendant la présidentielle la création de 30.000 postes de policiers, une mesure qu’il juge de droite. « Si Fabien Roussel pouvait rejoindre Darmanin définitivement, on serait débarrassé », balance même un autre LFI.

Cyprien Pézeril

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