Le décret de dissolution des Soulèvements de la terre a été publié au Journal Officiel.
En lisant un peu le détail, on peut repérer des éléments extrêmement dangereux pour les libertés publiques, qui viennent confirmer la toxicité de ce gouvernement et de G.Darmanin.
Déjà, il faut comprendre le rôle de ce décret : Beauvau apporte des éléments « à charge » contre les SdT pour prouver:
1. qu’il s’agit d’un groupement de fait.
2. qu’ils provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens.
Parmi ces éléments à charge, motivant la dissolution, on découvre… la lecture de l’ouvrage d’Andreas Malm, « Comment saboter un pipeline » ! Les militants qui ont fini en GAV il y a deux semaines, ainsi qu’un éditeur des Editions La Fabrique, arrêté à Londres se sont vus poser la question:
« Lisez-vous Andreas Malm? ».
S’approche-t-on donc tranquillement d’un délit de lecture ?
Ce livre n’a fait l’objet d’aucune poursuite, l’auteur a une renommée internationale, et pour qui l’a ouvert, il n’est pas un manuel de sabotage, ni ne prône la confrontation avec les FDO.
Ce dernier point renvoie certainement à un autre livre de La Fabrique, « L’insurrection qui vient », pas explicitement cité. Cette manoeuvre avait déjà été tentée au moment de l’affaire Tarnac.
Le communiqué de La Fabrique : ( en commentaire )
Deuxième point, le renversement du rapport de force entre FdO et militants, déjà bien expérimenté depuis les Gilets Jaunes. Il s’agit de dire : si vous vous protégez de la répression, c’est que vous êtes suspect.
La logique est tout particulièrement perverse : on intensifie la répression au point de plus pouvoir manifester normalement, puis on reproche aux militants d’éteindre leur portable, de mettre un masque à gaz, des lunettes de piscine, etc…
Se protéger est devenu suspect.
Et même, protéger ses correspondances, sa vie privée, est devenu suspect. Ce qui est tout de même le propre d’un Etat totalitaire, rappelons-le. A ce sujet, des associations commencent sérieusement à s’en alarmer, comme ici :
( Article de la Quadrature du net en commentaire )
Par ailleurs, quid du droit de la défense ? Le fait de refuser de répondre ou donner accès à ses appareils sans son avocat, par exemple, c’est un droit garanti par la CONSTITUTION, sauf si ça ne s’applique pas aux écolos et aux militants ?
cf Raphaël KEMPF : : « Le droit au silence et la présomption d’innocence méprisés par le gouvernement.
Parmi les arguments de la dissolution des soulèvements de la terre, , le décret mentionne le fait de ne pas répondre aux questions des enquêteurs et de soutenir des personnes interpellées. »
Petit rappel utile :
toute personne placée en garde à vue dispose « du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. » (Article 63-1 du code de procédure pénale)
Dernier glissement : est versé à charge le fait que les SdT aient publié une carte des différents acteurs liés à la construction des megabassines. On sent ici qu’implicitement il s’agirait d’une sorte de délation visant à s’en prendre à des agriculteurs.
Ces informations sont, me semble-t-il, publiques, et leur divulgation relève d’un travail d’enquête qu’aurait très bien pu produire un journaliste. Va-t-on vers un délit d’enquête ?
Plus généralement, j’attire l’attention sur l’usage du mot « violence », employé 26 fois, et notamment de la violence contre les biens qui devient égale à celle contre les personnes (et égale aux altercations avec les FdO). Ce brouillage est éminemment politique et réfléchi.
Pour ce qui est de la suite, difficile de faire des pronostics. Cependant, à mon humble avis, il n’y aura aucune difficulté à établir que les SdT sont bien un « groupement de fait ». Ce qui sera plus incertain, c’est le reste.
Le juge sera amené à se prononcer sur le fait que les SdT ont bien « provoqué à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ». C’est-à-dire ?
Que ce soit « commis par un ou plusieurs de leurs
membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l’association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants[…] se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser […] » », encore faut-il le prouver, et nous n’avons pas accès aux « preuves » versées au dossier par le ministère.
Probablement que les perquisitions et arrestations avaient pour objet de collecter des éléments pouvant établir cette « connaissance » ou des agissements des membres des SdT.
Le juge du référé-liberté du Conseil d’Etat a déjà eu deux cas similaires. La dissolution du Bloc Lorrain a été confirmée, mais celle du GALE (Groupe antifasciste de Lyon) a été suspendue
Pour le Bloc Lorrain, le fait que la violence été prônée comme « unique voie du militantisme » a été retenue. Ce sera plus compliqué à prouver pour les
SDT qui ont toujours fait état et promotion d’une diversité de tactiques.
Philippe Vion-Dury ( @PhilGood_Inc )
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