Fin de l’Intersyndicale, début du Nous. Par Laurent Degousée.

aplutsoc2 – Juin 21

FIN DE L’INTERSYNDICALE, DÉBUT DU NOUS

C’est acté : l’intersyndicale nationale, qui s’est réunie le 15 juin dernier, a sonné la fin de la mobilisation contre la réforme des retraites après une quatorzième journée de mobilisation le 6 juin dernier, qui a tout de même réuni 900.000 manifestants dont 300.000 sur Paris selon la CGT. Point de suspens cependant, non seulement au vu des déclarations répétées en ce sens de Laurent Berger, le patron de l’intersyndicale que l’arrivée de Sophie Binet vient éclipser d’autant qu’il est lui-même sur le départ, mais alors qu’elle ne s’était pas revue depuis la précédente journée du 1er mai dernier et là où elle avait pour habitude de se réunir le soir-même de celles-ci.

Avec un communiqué en forme d’oxymore titré « Continuons à agir ! » qui se termine sur « L’intersyndicale continuera de se réunir, dès la rentrée », elle est même en deçà de la précédente lutte contre la réforme des retraites de 2019 sans même prévoir, dès maintenant, une nouvelle date pour la rentrée. Mais l’honneur est sauf en faisant miroiter l’organisation d’une fumeuse « manifestation européenne », marque de fabrique de la CES présidée par Berger, et un vibrant appel à « se mobiliser pour gagner des augmentations de salaires », appel que les salarié-es de Verbaudet et de Disneyland n’ont pas attendu pour se mettre en grève et dépourvu de revendications unifiantes en la matière, à commencer par celle du rétablissement de l’échelle mobile des salaires. De même, comment peut-on, comme Solidaires, écrire dans son dernier tract « Même si les conditions d’un rebond du mouvement social paraissent compromises avant l’été, la colère sociale est toujours profondément ancrée » et ne rien chercher à initier pendant cette période ? La pause estivale (rappelons que les vacances scolaires ne débutent que le 8 juillet prochain et qu’un français sur deux n’a pas les moyens de partir en vacances) a décidément bon dos…

Du côté de la France Insoumise pour qui « La séquence est close », ce n’est guère mieux, elle qui est désormais toute tournée vers la préparation des élections européennes ‒ avec ou sans la NUPES  ‒ plutôt que celle d’une marche nationale dont ses dirigeant-es ont pourtant le secret. Idem pour le NPA canal historique, tout affairé à préparer son forum du 2 juillet prochain visant à construire une alternative politique censée être le débouché organisationnel de la séquence sociale que nous venons de vivre là où il nous faut aussi discuter comment imposer, ici et maintenant, une victoire de notre camp qui soit la meilleure garantie de se prémunir de l’accession de l’extrême droite au pouvoir en 2027.

KO technique mais victoire politique pour notre camp

Techniquement, la réforme des retraites s’appliquera bien dès le 1er septembre prochain, portant progressivement l’âge de départ de 62 à 64 ans tout en accélérant le passage à 43 années de cotisation mais la macronie ressemble à un champ de ruines, sans même la perspective de phagocyter LR pour lui assurer une apnée politique à l’Assemblée Nationale, avec Elisabeth Borne à sa tête dont tout le monde a compris que les jours à Matignon étaient comptés.

Quelle meilleure illustration de la décrépitude du régime que l’interpellation du Conseil de l’Europe, prompt par exemple à dénoncer l’atteinte au droit de manifester en Russie, quant à l’usage du 49-3 et celle à la séparation des pouvoirs, garantie d’un régime démocratique fixée pourtant il y a bien longtemps par un certain Montesquieu ? Et après que, suite à la lutte de 2016 contre la loi Travail, tout le monde déteste la police, qui aime encore la 5ème République et son coup d’Etat permanent pour reprendre la définition d’un de ses plus farouches opposants devenu ensuite une de ses incarnations les plus fortes ?

14 juillet : vers le zbeul des zbeuls ?

Comme un défi lancé à l’intersyndicale moribonde, c’est une autre intersyndicale, fantôme celle-ci, qui lui grillait la politesse en lançant, dès le 12 juin dernier, sur le site lundimatin un appel à reprendre la Bastille le 14 juillet prochain à 14 h, une idée pointée aussi à l’assemblée générale interprofessionnelle, qui s’est tenue le 10 juin dernier à la Bourse du travail de Paris et qui visait à faire un premier bilan de la mobilisation, la plus forte faut-il le rappeler depuis Mai 68. Voilà un objectif à discuter par tous ceux et celles, à commencer dans les structures syndicales de base dont les nouveaux syndiqué-es qui les ont rejoints attirés par la force de la mobilisation collective, qui veulent encore en découdre avec le pouvoir et pour qui la séquence n’est non seulement pas close mais ne fait que débuter.

Rappelons-nous que les casserolades, suite à l’intervention télévisuelle de Macron, le 17 avril dernier, après la promulgation de la loi, sont nées en dehors du cadre de l’intersyndicale et ont brisé la dynamique des 100 jours, lancée elle le 26 avril et censée marquer la reconquête de l’opinion publique par ce Napoléon d’opérette. Prolongeons l’effort en retrouvant y compris les conditions du débordement politique que nous avons connu avec l’effervescence gréviste, consécutive à l’appel intersyndical à bloquer le pays le 7 mars dernier, ou les manifestations sauvages suite à l’emploi du 49.3 le 16 mars : c’est la condition pour faire fructifier l’expérience politique acquise lors de la lutte plutôt que continuer à entretenir l’impasse qu’un véritable changement politique peut sortir de la conquête d’institutions politiques vermoulues  ou, pire, que la résignation finisse par l’emporter.

Laurent Degousée.

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