Un navire de pêche qui transportait près de 750 migrants a fait naufrage dans la nuit du 13 au 14 juin au large de la Grèce alors qu’il tentait de gagner l’Italie. Il avait emprunté une route jusqu’alors méconnue et pourtant de plus en plus fréquentée : celle partant de l’est de la Libye.
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Ce nouveau drame interpelle à plus d’un titre. Tout d’abord en raison de la nationalité des rescapés. Alors que les migrants qui traversent la Méditerranée centrale depuis la Tunisie et l’Ouest libyen sont majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne, ceux-là venaient pour la plupart d’Égypte, de Syrie et du Pakistan. Si la présence d’Égyptiens n’étonne guère – Tobrouk n’est qu’à 150 km de la frontière égyptienne –, celle de Syriens et de Pakistanais a de quoi surprendre. Elle montre l’évolution perpétuelle des routes migratoires, qui se forment et disparaissent au gré des mesures instaurées par les États traversés, mais aussi de la situation économique et géopolitique. « Quand une route se ferme, une autre s’ouvre », résume Flavio Di Giacomo, porte-parole de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Italie.
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Une route de plus en plus fréquentée
Longtemps, la route empruntée par les Syriens et les Pakistanais a été celle des Balkans. La multiplication des refoulements par les garde-côtes grecs – une pratique pourtant illégale au regard du droit européen – a poussé les exilés à en chercher de nouvelles. La Libye, en raison notamment de sa position géographique, s’est naturellement imposée comme une porte d’entrée vers l’Europe. La plupart arrivent directement par avion à Benghazi, au nord-est, ou par la route depuis l’Égypte. Mais au lieu de rejoindre ensuite la région de Tripoli, à l’ouest, face à la Sicile, c’est directement depuis Tobrouk, à l’est, qu’ils tentent désormais de gagner l’Italie.
« Jusqu’en septembre, seuls 15% des départs de Libye se faisaient depuis la Cyrénaïque. On a observé une augmentation des départs depuis Tobrouk ou Benghazi à partir d’octobre », confirme Flavio Di Giacomo. Dès lors, la situation a commencé à s’inverser. Sur les quelque 22 000 personnes parties de Libye depuis le début de l’année, l’OIM relève qu’environ 13 000 sont parties de Cyrénaïque. Un choix en partie dicté par l’instabilité du pays, les risques d’enlèvement, de meurtre et de tortures… Mais aussi en raison des opérations d’interception menées par les garde-côtes du gouvernement de Tripoli, qui contrôle l’Ouest. L’Est, en revanche, laisse passer systématiquement depuis l’été.
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Pour combien de temps ? Début mai, le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen, s’est rendu en Italie où il a rencontré la présidente du Conseil Giorgia Meloni, le ministre de l’Intérieur et plusieurs autres responsables italiens. Au cœur de leurs discussions, l’immigration clandestine. À son retour, des milliers d’Égyptiens sans papiers et candidats au départ ont été renvoyés chez eux, selon les autorités de Benghazi. « Certaines rumeurs font part d’une augmentation des arrestations en Cyrénaïque par les forces du maréchal Haftar, confirme Flavio Di Giacomo, de l’OIM. Les trafiquants s’empressent donc de faire partir un maximum de migrants. »
Des risques accrus
Cette nouvelle route vers l’Europe, plus longue, accroît les risques encourus par les migrants. D’autant que les navires de pêche utilisés pour la traversée et capables de transporter plusieurs centaines de personnes, sont particulièrement vétustes. Autre motif d’inquiétude : le manque de réactivité dont sont accusés les garde-côtes européens. « Les garde-côtes italiens, maltais ou grecs attendent longtemps avant de lancer les opérations de sauvetage, en particulier quand les bateaux semblent ne pas rencontrer de problème. Mais même s’ils ne présentent en apparence aucun problème, ils peuvent chavirer d’un instant à l’autre ! », alerte Flavio Di Giacomo.
« C’est pour nous une attitude totalement irresponsable, dans le sens où ces bateaux ne sont pas à même de continuer leur voyage. Ils présentent des risques majeurs pour les gens à bord. Les États ont une obligation de secourir ces bateaux, de ramener les personnes sur la terre ferme, avant d’examiner leur situation individuelle », renchérit Vincent Cochetel, envoyé spécial du Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies pour la Méditerranée centrale et occidentale.
Avant ce dernier naufrage, l’Organisation internationale pour les migrations comptabilisait 1 039 morts en Méditerranée depuis le début de l’année. Sans compter tous ces « naufrages fantômes », ceux dont on ne sait rien à part les corps que l’on repêche, qui pourraient doubler ce bilan.
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