Niger : comprendre la situation après le coup d’Etat en six questions

A supporter of Niger's National Concil for the sefeguard of the Homeland (CNSP) holds a placard during a demonstration outside at the Stade General Seyni Kountche in Niamey Niger on August 6, 2023. Thousands of supporters of the military coup in Niger gathered at a Niamey stadium Sunday, when a deadline set by the West African regional bloc ECOWAS to return the deposed President Mohamed Bazoum to power is set to expire, according to AFP journalists. A delegation of members of the ruling National Council for the Safeguard of the Homeland (CNSP) arrived at the 30,000-seat stadium to cheers from supporters, many of whom were drapped in Russian flags and portraits of CNSP leaders. (Photo by AFP)

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epuis le renversement du président Mohamed Bazoum, les pays ouest-africains se divisent entre les régimes militaires soutenant le putsch et ceux qui appellent au rétablissement de l’ordre constitutionnel.

Le Monde

Publié aujourd’hui 

Le 26 juillet, des militaires ont entrepris un coup d’Etat au Niger et écarté le président élu, Mohamed Bazoum. Quarante-huit heures plus tard, le général Abdourahamane Tiani, à la présidence du tout juste né Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), s’est autoproclamé chef de l’Etat. Un énième putsch dans la région, après ceux survenus au Mali, au Burkina Faso et en Guinée entre 2020 et 2022.

La communauté internationale réclame le rétablissement de l’ordre constitutionnel et la libération du président renversé, qui n’a ni quitté le pays ni démissionné. Les sanctions économiques et condamnations n’ont pas fait reculer les putschistes, pas plus que la menace, qui ne fait pas l’unanimité, de l’usage de la force brandie par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

Que s’est-il passé lors du coup d’Etat ?

Le 26 juillet, des militaires putschistes, membres de la garde présidentielle, une unité d’élite, ont renversé le président nigérien, Mohamed Bazoum. Le chef de l’Etat, sa compagne et son fils sont, depuis, retenus dans la résidence officielle, à l’intérieur du palais présidentiel.

« Cela fait suite à la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale », a avancé le colonel major Amadou Abdramane au nom du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), le 27 juillet, lequel venait de voir le jour.

La première étape vers un gouvernement de transition a été enclenchée lundi 7 août. Un premier ministre a été nommé, Ali Mahamane Lamine Zeine.

Quelle est la position de la société civile ?

Les partisans de Mohamed Bazoum ont tenté de se rapprocher de sa résidence, le 26 juillet. Ils réclamaient la libération du président, élu avec 55,75 % des voix au second tour du scrutin présidentiel de février 2021. Très vite, ils ont été dispersés par des tirs de la garde présidentielle, provoquant des bousculades. Un manifestant a été blessé.

Les nouvelles autorités militaires ont elles aussi été soutenues lors de plusieurs manifestations où des milliers de personnes se sont mobilisées : le 30 juillet, le 3 août, date d’anniversaire de l’indépendance du pays, ainsi que le 6 août.

Comment a réagi la communauté internationale ?

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE), la France ou encore les Etats-Unis ont condamné la séquestration de Mohamed Bazoum, réclamant sa libération et son retour au pouvoir. La Russie a appelé au pacifisme. En vain, une délégation de la Cedeao avait été envoyée à Niamey pour « raisonner Tiani et lui proposer un pays d’exil », avait déclaré Bola Tinubu, président de la communauté et du Nigeria, le 26 juillet. Dans la nuit du 3 au 4 août, la délégation a fait demi-tour, n’ayant pu rencontrer le président déchu, ni la junte au pouvoir.

La Cedeao confrontée au coup d’Etat au Niger.

Une fois l’événement clairement qualifié de coup d’Etat, la France a, le 29 juillet, suspendu son aide au développement et son soutien budgétaire au Niger, ne reconnaissant pas les nouvelles autorités. L’Union européenne a également interrompu « toutes ses actions de coopération ». La Cedeao a, de son côté, pris des sanctions financières et a donné une semaine aux putschistes pour rétablir l’ordre constitutionnel, menaçant notamment de « recourir à la force » en cas de besoin. En réaction, le CNSP a promis une « riposte immédiate » en cas d’agression.

Une intervention militaire est-elle encore d’actualité ?

La Cedeao, présidée par le Nigeria, avait dessiné les contours d’une éventuelle intervention militaire, selon un responsable de l’organisation régionale. Le Sénégal était prêt à mobiliser son armée, mais plusieurs pays se sont montrés réticents à l’idée d’une intervention. L’Algérie, pays frontalier au Niger, mais qui n’est pas membre de la Cedeao, s’est inquiétée des conséquences sur son territoire et dans la région du Sahel. Le Sénat nigérian estime que la société civile en paierait un lourd tribut tout comme le nord du Nigeria, partageant une frontière de 1 500 kilomètres avec le Niger.

L’ultimatum de la Cedeao est arrivé à échéance le dimanche 6 août. Les putschistes n’ont pas cédé à la pression. « Face à la menace d’intervention », les autorités ont fermé les frontières aériennes, qui avaient rouvert le 2 août après une première fermeture. Leurs soutiens maliens et burkinabés ont envoyé une délégation conjointe pour signifier leur « solidarité ».

Des forces militaires étrangères sont-elles sur place ?

Le Niger abrite un dispositif militaire français dans le cadre de sa politique antiterroriste au Sahel, une prolongation de l’opération « Barkhane », dont le retrait du Mali a été annoncé après l’installation d’un régime militaire malien.

L’évacuation des 1 500 soldats français n’est pas prévue, et leur présence a été dénoncée par les putschistes. Quelque 1 100 soldats américains sont également déployés sur place, dans le cadre de la lutte anti-djihadiste. Des soldats allemands et italiens sont également présents au Niger. Ces forces militaires ne sont pas engagées dans des combats ni dans une intervention militaire.

Où en sont les négociations ?

Victoria Nuland, la numéro deux de la diplomatie américaine, a rencontré le nouveau chef d’état-major de l’armée mais n’a pu s’entretenir ni avec le général Tiani, ni avec le président renversé, M. Bazoum. Elle dit avoir proposé des solutions pour un rétablissement de la démocratie, mais elle ne semble pas avoir convaincu les putschistes.

Selon Ouhoumoudou Mahamadou, le premier ministre du président déchu, la junte militaire a demandé à la délégation de la Cedeao de revenir, après le départ de cette dernière à la suite d’une médiation infructueuse. La mission devait être sur place mardi, avait assuré le chef du gouvernement sur TV5 Monde, mais le régime militaire dit ne pas pouvoir l’accueillir pour des raisons de sécurité. « Le contexte actuel de colère et de révolte des populations suite aux sanctions imposées par la Cedeao ne permet pas d’accueillir ladite délégation dans la sérénité et la sécurité requises », explique une lettre officielle du ministère des Affaires étrangères nigérien adressée à la représentation de la Cedeao à Niamey, datée de lundi et citée par l’Agence France-Presse.

L’Allemagne, l’Italie et les Etats-Unis ont plaidé en faveur d’une telle réponse et ont appelé à la poursuite des discussions avec les nouvelles autorités militaires. Une session d’urgence de la Cedeao devrait se tenir jeudi à Abuja, capitale du Nigeria, sur la situation au Niger. De nouvelles résolutions pourraient être prises.

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