Le « chef de l’État français » Emmanuel Macron, qui rappelons-le, a rendu précédemment deux hommages appuyés au maréchal Pétain, a participé ce 23 septembre à une messe géante à Marseille aux côtés de « sa Sainteté ». Le sénateur PCF des Hauts de Seine Pierre Ouzoulias répond aux questions de Médiapart (1) à propos de cette participation et déclare que cette présence contrevient à l’esprit de la loi de 1905. C’est juste d’affirmer ce point de vue, mais il y a beaucoup de choses qui devraient y être ajoutées et qui ne le sont pas. Au stade de pourrissement où est parvenu ce régime ce n’est pas une surprise, depuis 1958 jusqu’à ce jour les attaques n’ont pas cessé contre la laïcité de l’État, sous tous les gouvernements de droite et …de gauche.
Cet élu du PCF appartient à cette lignée de responsables politiques qui veulent réconcilier le christianisme social et le marxisme.
Wikipedia retranscrit ce propos de lui : « christianisme et marxisme ont un point commun majeur : l’histoire a un sens et chacune de nos vies peut en avoir un aussi, si elle est prise dans un grand projet collectif – l’édification de la Jérusalem céleste, ou de la société sans classes. »
Faut-il rappeler que depuis 1936, lors d’une célèbre conférence des cadres communistes sous la direction de Maurice Thorez, appelant à tendre la main aux catholiques, et aussi aux frères Croix de Feu, le PCF n’a jamais dérogé à cette orientation. Confondant sciemment dans l’usage du qualificatif « catholiques » l’appareil clérical et les citoyens de confession catholique.
Ce n’est pas une question anecdotique dans la période de la guerre mondiale : dans l’alliance de la « rose », le mouvement ouvrier, et du « réséda » (Aragon), sa couleur blanche est à la fois la couleur de la monarchie française et celle des catholiques. Il s’agissait de remettre le pouvoir à Charles De Gaulle à la Libération, lequel trace dès le discours de Bayeux son projet : doter la France d’institutions contre « le régime des partis » qu’il saura, après un échec lié aux conditions d’une montée en puissance des revendications sociales et politiques en 1945-1947, imposer au pays en 1958. Relevons que le programme du CNR comportant des projets de nature socialiste, intégrant les forces de la démocratie chrétienne et du PCF, fera une impasse caractérisée sur la laïcité.
Rappelons que le titre de chanoine du Latran remonte à la monarchie de droit divin et à Louis XI. Il sanctifie, donc d’un point de vue religieux, la France, fille aînée de l’Église. La Révolution Française avait tranché ce qui unissait le pouvoir royal et l’Église, un renversement historique décisif et unique dans l’Europe des Lumières.
La source du pouvoir politique n’est plus Dieu, donnant un roi au peuple, mais la nation, se donnant à elle-même les institutions dont elle décide souverainement de se doter. Bien sûr ce processus a été long, les régimes bourgeois qui suivront, déjà effrayés par les classes dangereuses (1830-1848), rétablissant une monarchie déchue, tenteront de tempérer, voire de remettre en cause les acquis de cette révolution. Napoléon rétablira le Concordat, tout en plaçant l’Église sous surveillance, nommant les évêques. C’est dans la nature d’un gouvernement bonapartiste d’utiliser la religion : quand un homme qui a faim, disait-il, à côté d’un autre qui regorge de richesses, il faut une petite voix qui lui dise : accepte ta condition dans « la cité terrestre », tu auras satisfaction dans « la cité de Dieu » (Augustin).
Mais un grand pas avait été franchi avec 1789.
Jusqu’au président René Coty en 1957, soit au moment de l’effondrement d’une IVème République parlementaire, embourbée dans la sanglante guerre en Algérie pour maintenir le régime colonial, le pouvoir laïque avait de fait rompu ce lien qui concernait des rapports millénaires avec l’Église. Il faut souligner qu’à partir du coup d’État de 1958 ce lien de nature concordataire a été rétabli : si Georges Pompidou, François Mitterrand et François Hollande, ont préféré ne pas se rendre à Latran pour recevoir cette distinction, ils l’ont entérinée discrètement. Par contre Charles de Gaulle, Valéry Giscard D’Estaing, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et – bien sûr Macron – se sont déplacés à Rome pour recevoir l’onction.
Nicolas Sarkozy avait prononcé un discours provocateur le 21 décembre 2007, soulignant que les « racines de la France sont essentiellement chrétiennes », rabaissant le rôle de l’instituteur qui ne sera jamais à la hauteur de celle du prêtre : à l’époque le sénateur Mélenchon, quelques semaines avant la proclamation du Parti de Gauche, suite à diverses interventions bien posées à l’époque, notamment au sein du Grand Orient de France, avait publié un opuscule contre cette violation caractérisée du principe de séparation porté par la loi de 1905. Concernant Sarkozy, ce n’était pourtant pas un précédent, même s’il fut spectaculaire, François Mitterrand n’avait-il pas participé es qualité au millénaire des capétiens ?
Emmanuel Macron depuis lors a voulu marquer sa présidence par la volonté de « réparer » le lien « abîmé entre l’Église et l’État ». Si les mots ont un sens, il s’agit de remettre en cause la loi elle-même. Ce que l’interview ne pose pas, c’est que dans les faits l’article 2 stipulant : « la République ne reconnaît et ne salarie aucun culte », est délibérément violée par la loi Debré de 1959, introduisant le financement public des établissements privés catholiques. Tous les gouvernements de la Vème République, surtout ceux issus de la gauche, ont prolongé cet état, voire l’ont aggravé. Tous sont revenus à la logique concordataire de l’union du trône et de l’autel, confiant à l’éducation confessionnelle de « concourir au service public », comme le précisait le préambule de la loi Savary de 1984.
La « mission enseignante » de l’Église est rigoureusement une conception d’avant 1789. De plus, dans la politique de Macron, il y a une dimension bonapartiste accentuée, soulignée par l’interview de Pierre Ouzoulias, d’intervention dans les affaires intérieures des églises, lors de l’épidémie de COVID en particulier. Cette intervention vise aujourd’hui la stigmatisation des travailleurs et leurs enfants de confession musulmane.
Là où la position du sénateur est très contestable concernant l’esprit qui serait, selon lui, celui de la loi de séparation, concerne la question des associations :
« Au moment de la loi « séparatisme », aussi, l’État s’est doté de nombreux pouvoirs pour contrôler les cultes. Pour moi, tout cela relève d’une mauvaise pente. Je suis même partisan de pousser la logique de la laïcité jusqu’au bout et de mettre les cultes sous l’égide de la loi de 1901, comme des associations classiques. Au fond, puisque l’État ne reconnaît aucun culte, il n’a pas à faire de distinction entre une association de boulistes et une association cultuelle. La seule chose qui compte, c’est qu’elles respectent la loi. »
En 1905, après des mois de conflit, dans les institutions et dans la rue, la position de Jaurès l’a emportée, comme l’a rappelé Jean Bauberot dans Médiapart (2), intellectuel et citoyen de confession protestante, refusant aussi bien la position de l’extrême gauche pour une République athée que celle du radical Chabert pour une mise en tutelle de l’Église et des autres religions. Liberté absolue de conscience et donc de culte, pour autant que la liberté de tous soit respectée, au besoin rappelée par la loi. Jean Bauberot a rappelé cet élément, notamment par rapport au port du costume ecclésiastique dans la société civile, et en relation avec l’affaire de l’abaya.
Ceci posé, le paragraphe concernant les associations n’est pas acceptable. Sauf les monuments considérés comme appartenant au patrimoine artistique, les communes doivent l’entretien des murs extérieurs des bâtiments réservés au culte et le toit. Toutefois les législateurs de 1905 ont pris la peine de différencier les associations « cultuelles », permettant aux affidés d’une confession de gérer leurs propres affaires sur leurs deniers, et les associations type loi 1901 qui peuvent solliciter les subventions de l’État et/ou des collectivités publiques. De nombreux contournements de la loi ont eu lieu pour permettre un retour au financement concordataire des cultes sous les gouvernements de gauche : le plus connu est celui de la cathédrale de la Résurrection à Évry ville nouvelle, partiellement sur des fonds publics, sous le ministère de Jack Lang. Mais bien d’autres… Autoriser les religions d’entrer dans le cadre de la loi de 1901, c’est donner un cadre légal à ce qui se pratique déjà contre la loi de 1905, dont l’apport de subventions.
Encore un effort pour devenir laïque, monsieur le sénateur !
Nous ne reviendrons pas sur l’appel délirant à la fraternité universelle de Mélenchon prononcé le 23 septembre à Sainte Marthe dans la cité phocéenne pour accueillir le pape, on relèvera à la fin du discours les trois lignes suivantes : « Pape François, La France n’est pas seulement les institutions qui rejettent à la mer. La France n’est pas seulement ces dirigeants hypocrites niant la condition humaine des migrants pour ensuite faire des simagrées dans les offices religieux où ils n’ont aucune place. » (3)
La dernière fois c’était l’islamiste antisémite Médine, invité par France Insoumise, aujourd’hui l’accueil fraternel du représentant de ce vieux parti clérical qui a été de toutes les batailles contre l’émancipation des peuples et de la pensée libre.
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