Arguments pour la lutte sociale |
Dans le Sud de la Syrie de Bachar el Assad, une agitation montante est survenue, qui vient de loin, depuis maintenant près d’un mois. Un « Mouvement du 10 août » exige un salaire minima de 100 dollars par mois (il est actuellement de près de 196 000 livres syriennes, ce qui fait 14 dollars au marché noir), se réfère à la résolution 2254 de 2015 du Conseil de sécurité de l’ONU (cessez-le-feu et élections libres), et exige la libération de tous les prisonniers politiques. A partir du 17 août au plus tard, des manifestations éclatent avec comme revendication immédiate le prix des carburants. Elles culminent et se poursuivent à Sweida et se propagent aussi à Deraa, Alep, Deir Ezzor, et Idlib (en zone non contrôlée par le régime Bachar) en solidarité. Sweida étant au cœur du pays druze et des drapeaux druzes étant brandis par les manifestants, des commentateurs parlent d’un mouvement « communautaire ». C’est faux : comme l’explique Firax Kontar, auteur de Syrie, la révolution impossible (édition Aldeia), ce drapeau a de fait ici unifié druzes et non druzes contre le régime. Surtout, dès que des foules se sont retrouvées dans la rue, elles ont réaffirmé le chemin de la révolution commencée en 2011 : Le peuple veut la chute du régime, Le peuple syrien est uni, Bachar dégage, Dégage avec la Russie et l’Iran, Dehors les marchands de captagon … Le captagon est l’amphétamine des milices du régime qui à fait de la Syrie le cœur de son trafic. La victoire militaire et tortionnaire de Bachar, avec l’aide décisive de l’impérialisme russe, sur le peuple syrien, n’a pas vu de restauration effective d’un État centralisé, mais une terreur généralisée exercée par des « seigneurs de la guerre » locaux qui pillent et entretiennent le désordre. Le soulèvement social, national et démocratique des Syriens du Sud, et potentiellement de toutes et tous les Syriens, est une gifle magistrale à Bachar, à Poutine, à tout l’ordre mondial, aussi à Washington ou Paris, à tous les chefs d’État qui ont misé sur la mort de la révolution syrienne, le massacre du peuple, et l’impunité des crimes tortionnaires de masse. Quelles qu’en soient les suites, c’est donc là un évènement majeur. Et qui entre en résonance avec la résistance et le désir de contre-attaque des larges masses opprimées dans tout le monde arabe, en Afrique, ainsi qu’avec, toutes proches, la résistance nationale du peuple palestinien et le mouvement démocratique en Israël contre Netanyahou. C’est un encouragement aux Soudanais comme aux Ukrainiens. C’est un espoir pour les millions de réfugiés – une Syrie permettant leur retour dans la liberté, tel est aussi l’un des mots-d’ordre de Sweida. En Syrie, de plus, le régime en place s’est vue enjoindre par Moscou de faire partir les Wagner qui s’y trouvent encore s’ils ne rejoignent pas l’armée russe – ces ruffians se servent très largement dans les revenus pétroliers, envers un pays qui subit un pillage colonial russe absolument sans précédent depuis les plus « beaux » temps de la colonisation occidentale, et qui a, de plus, le caractère prédateur et rapide de ceux qui savent qu’ils ne sont pas forcément là pour longtemps. Dans le Rojava, zone contrôlée par le PKK-PYD, morceau de l’État de Bachar concédé aux milices de matrice stalinienne de ce parti kurde, qui y exerce, avec le soutien militaire nord-américain, une répression de fer, tout en faisant croire à diverses couches militantes occidentales, anarchistes compris, avoir instauré un paradis « communaliste », une grave crise a éclaté, les milices arabes intégrées aux FDS (Forces Démocratiques Syriennes, le regroupement officiel placé sous l’hégémonie du PYD), s’étant révoltées contre elles. C’est donc tout l’édifice impérialiste et multipolaire édifié en Syrie en dépeçant le pays, qui tremble sous la pression de celles et de ceux d’en-bas, qui n’en peuvent plus, et qui, malgré toutes les souffrances, ne peuvent renoncer au combat jusqu’à la victoire et jusqu’à la justice. |
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