A bas la loi Macron / Le Pen ! Pour battre les Le Pen (tante ou nièce), il faut battre Macron !

Éditorial du 21 décembre 2023

aplutsoc

Déc 21

Nous avons donc une loi – comment la nommer ? disons pour aller à l’essentiel la loi Macron/Le Pen – dont le cœur consiste à priver de droits sociaux – notamment des Allocations familiales – des centaines de milliers de travailleurs salariés pendant deux ans et demi (qui cotiseront !), et des travailleurs privés d’emplois pendant 5 ans, au motif qu’ils ne sont pas de nationalité française. Ces travailleurs seront affectés aux « métiers en tension » où le patronat les réclame et dans lesquels ils seront versés selon le bon vouloir des préfets. Rien que cela constitue une attaque contre toute notre classe, un coup supplémentaire porté au salaire socialisé, à la Sécurité sociale, en vue de sa destruction.

L’attaque antisociale est combinée à une attaque antidémocratique majeure. De l’avis général, le droit de la nationalité en France ne repose plus sur le droit du sol. Jusqu’en 1993, tout enfant né sur le sol français de parents non français était français. Depuis la loi Pasqua de 1993 partiellement rectifiée en 1998, il le devenait à 18 ans s’il résidait en France à ce moment là et s’il y avait vécu au total au moins 5 ans depuis ses 11 ans, et il pouvait l’être à 13 ans sur demande de lui-même ou de ses représentants légaux. A présent l’automatisme est brisé : des démarches sont nécessaires entre 16 et 18 ans, à quoi s’ajoute le risque de circulaires spécifiant des dossiers de demande à remplir et donc requérant des « conditions » à satisfaire et autre « partage des valeurs » nationales telles que définies par les ministres de la police. En outre, des condamnations pourront l’empêcher, et les personnes devenues françaises ne le seront pas complètement, car elles perdraient leur nationalité en cas de condamnation pour crimes envers des policiers. Tout cela mis bout à bout fait sortir la France du régime de nationalité fondée sur la citoyenneté égale, vers l’inconnu, en direction de la nationalité définie par les pouvoirs en place sur des critères distinctifs. Ce qui est une menace non seulement envers les étrangers, mais contre toutes et tous.

Sans détailler ici les nombreuses autres dispositions répressives et menaçantes pour les étrangers, migrants, exilés, et ainsi pour toute la population divisée et répartie en catégories, signalons l’obligation faite aux étudiants d’une « caution » destinée à payer leur éventuelle expulsion. A l’heure où l’on nous sert à toutes les sauces les joies de l’ « ouverture à l’international », quel message !

Macron, exhibant sa faiblesse tout en manifestant une irresponsabilité croissante du propre point de vue des institutions de la V° République dont il est le pilier central, la clef de voûte, n’a pas caché que pour lui, plusieurs dispositions de cette loi sont anticonstitutionnelles (en fait elles ne contredisent pas le contenu autoritaire de la constitution, mais son préambule qui lui est antérieur, sur l’égalité, les droits fondamentaux, l’égalité dans l’accès aux droits et les droits sociaux). Le Conseil constitutionnel est saisi. C’est là une porte ouverte à l’étape suivante du programme prôné par le RN et par LR : si des articles clefs sont retoqués, ils exigeront un référendum pour réformer la constitution, c’est-à-dire l’aggraver, tenter ce basculement vers une V° République réellement forte, ce qu’elle n’est plus, vers une V° République « napoléonienne ». Sauf que Macron n’est déjà plus vraiment Bonaparte et ne pourra être Napoléon !

C’est la deuxième grande loi antisociale et antidémocratique du second quinquennat Macron, après la loi contre nos retraites. Et Macron, l’exécutif, sort à chaque fois un peu plus affaibli. Des retraites, il sort victorieux mais éreinté car il a été clair pendant des mois que l’immense majorité ne voulait pas de sa politique et qu’elle l’aurait battu, et donc chassé, pour peu que les directions syndicales nationales n’aient pas tout fait sauf unir par la grève totale et la manifestation centrale l’affrontement qui montait. De la loi « immigration », il échappe à la mobilisation sociale, mais passe par une crise politique en deux séquences : le rejet par l’Assemblée nationale de sa loi puis la constitution, sur la version aggravée de celle-ci, d’une « majorité » parlementaire macroniens/LR/RN, dont le RN est la composante indispensable. Et les collectifs de sans-papiers et la Marche des solidarités ont impulsé des manifestations que CGT, FSU et Solidaires, faisant le plus longtemps possible service minimum, ont dû soutenir.

Les victoires de Macron sont très chèrement acquises et n’inspirent aucune confiance au patronat. A l’issue de l’affrontement sur les retraites, il a voulu passer à l’attaque et a envoyé Darmanin provoquer et frapper : ce fut Sainte-Soline et la tentative manquée de dissolution des Soulèvements de la terre, ce furent les violences contre la jeunesse fin juin. A la faveur de l’inflexion réactionnaire de la situation mondiale depuis le 7 octobre, le gouvernement a tenté de systématiser les interdictions de manifester cependant que se menait une opération d’union nationale avec l’extrême-droite prenant en otage la nécessaire lutte contre l’antisémitisme, le 12 novembre dernier. Ce jour-là, le RN et même la ligue de Zemmour et Maréchal étaient adoubés partis de gouvernement, membres du prétendu « arc républicain ». L’étape suivante s’est produite mardi : la « majorité » qui tient à bout de bras le président en péril repose désormais ouvertement sur le RN.

Il n’est pas exact de crier que « ça y est, l’extrême-droite est au pouvoir » (comme le fait le titre de Mediapart par exemple), car le pouvoir, c’est Macron. Il faut être précis. Le pouvoir s’appuie maintenant sur une coalition avec le RN. Le RN est devenu le principal soutien de l’exécutif, sans participer au gouvernement, participation qui pourrait être, avant 2027 évidemment, une étape ultérieure selon les développements de la situation.

Tout le monde dit que le « barrage » contre le RN appuyant Macron, c’est fini. Certes, mais là aussi il faut être plus précis. Vous voulez battre le RN ? Il faudra le battre avant 2027. Et comment ? En battant la coalition. En expliquant massivement, pour commencer, qu’il y a coalition, pour qu’ils tombent tous « en même temps ». Pour battre les Le Pen (tante ou nièce), il faut battre Macron. On ne battra pas l’extrême-droite si on n’affronte pas l’exécutif macronien qui est, de plus, le maillon faible, alors profitons-en au lieu de respecter le calendrier institutionnel et électoral de la V° République !

En les battant les uns et les autres, c’est leur V° République et son dopage éventuel par des référendums réactionnaires que nous pouvons et devons battre : ils sont la coalition de la V° République, les héritiers des putschistes du 13 mai 1958, quand Le Pen père manifestait aux Champs Élysée pour appuyer le coup d’Alger.

Nous pouvons les battre. Pour instaurer la démocratie, par l’auto-organisation à tous les niveaux, car nous sommes, le monde du travail, la jeunesse, les exploités, les opprimés, nous sommes la vraie majorité !

Certains nous dirons : vous rêvez, comment penser les battre quand l’extrême-droite est à nos portes, quand « la France pue », quand il est minuit déjà dans le XXI° siècle, etc., etc. Beaucoup de secteurs militants pour qui les idées et les mots passent avant les faits et les réalités sociales se grisent ainsi à la panique et à l’aigreur.

Nous ne sommes pas des optimistes invétérés, nous devons être de froids réalistes. D’une part, les forces sociales d’en bas ont l’expérience des Gilets jaunes et des deux mouvements de défense des retraites de 2019 et de 2023, et il faut les aider à en tirer les conclusions qui s’imposent. D’autre part, les affrontements s’imposent quand on n’a pas le choix, et c’est ce qui se prépare. Contre la coalition de la V° République étayée par l’indispensable RN, construisons la coalition d’en bas, de la majorité – la vraie, pas l’opposition parlementaire de gauche qui a respecté et respecte, dans toutes ses composantes, le cadre institutionnel et son calendrier. Et affirmons que les travailleurs sans-papiers, les habitants des « quartiers », les victimes du racisme, ont d’ores et déjà une place essentielle dans l’union nécessaire de la majorité exploitée et opprimée.

C’est avec cet optimisme de la volonté, parce que nous n’avons pas le choix, que nous souhaitons à nos camarades, lecteurs, amis, de bonnes agapes de fin d’année.

Pour battre les Le Pen (tante ou nièce), il faut battre Macron !

Le 21-12-2023.

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