CONTRE LA MONTEE DES PERILS, PREPARONS LA REVOLUTION !

La crise politique actuelle au sommet en France, analogue partout dans le monde, se résume à la lente dégradation de l’emprise idéologique de l’ordre établi sur l’ensemble des classes populaires.
Tout, venant du haut, est perçu comme mensonge : la parole des politiciens, des médias, des institutions et du système de représentation électoral.
Ainsi, avant la victoire idéologique dont parle Marine Le Pen, il y a d’abord la défaite idéologique de l’ensemble du parti de l’ordre dont elle fait partie.
L’alliance gouvernementale LREM/LR/RN qui se profile chaque jour un peu plus est la tentative du capital de ne pas perdre le contrôle face à des vagues incessantes de contestation parties d’en bas depuis 2016.
Bien que ce flux montant ne soit pas encore victorieux, aucun des partis représentant les nuances idéologiques de l’ordre dominant – ou les nuances de tromperie – n’est déjà plus capable à lui tout seul de lui faire face. C’est pourquoi, ils s’allient tout en rééquilibrant ce faisant leurs rapports de force interne en changeant également de modèle général de domination.
Nous devons renverser l’angle de vue que nous proposent les médias : il n’y a succès idéologique que dans le cadre d’un recul idéologique généralisé des dominants.
Le succès idéologique du RN n’est pas l’illustration de la montée des préjugés racistes et xénophobes dans les milieux populaires, – celle-ci a eu lieu dans la période précédente – elle est l’illustration de leur montée dans les milieux fortunés, de la panique des classes bourgeoises, cherchant en renforçant le bouclier raciste, l’outil pour diviser et ralentir ce qui est aujourd’hui dominant dans la période, la montée inexorable de la conscience de classe. Cette fragilité croissante de la domination idéologique du capital se traduit donc par la tendance au regroupement de ses forces déclinantes, l’alliance de la droite avec l’extrême droite autour d’une idéologie raciste mais aussi par l’organisation du dépérissement de la démocratie avec, au sein de cette propension, le renforcement du bonapartisme, d’un homme fort au dessus des partis, tendance prépondérante en Europe, de l’Italie à la Finlande, la Hollande ou encore la Suède mais aussi sur la planète, de Trump à Milei ou Netanyahou, partout où la bourgeoisie en a la possibilité.
C’est pourquoi, en France, Macron vide progressivement les institutions de leur esprit démocratique et se dirige vers un régime plus autoritaire pour y accueillir le RN. Ils tentent, ensemble, de passer du Front républicain contre le RN à l’Arc républicain intégrant le RN et Zemmour contre LFI et la Nupes. Ce n’est pas qu’ils craignent LFI et la Nupes, mais dans un contexte général de montée des colères populaires, ils ne veulent pas prendre le risque que cette colère puisse se politiser, prendre confiance et conscience d’elle-même, bref devenir une force politique indépendante mortelle pour l’ordre établi, même en passant par le prisme déformé du jeu électoral. En effet, le jeu électoral lui-même, les périodes d’élection, ne sont plus le dérivatif sans issue aux colères sociales, mais tendent au contraire à se subordonner à la lutte de classe. Ce qui, se mesure clairement et qu’on verra plus loin, dans ce qui se passe en Inde, Indonésie ou aux USA et, soit dit en passant, rend toujours plus déconnecté et inefficace le combat purement électoral et dans seul cadre des institutions de ceux qui prétendent à l’émancipation des travailleurs. Ainsi on glisse d’une montée de l’abstention à, demain, une montée de la participation populaire pour utiliser le jeu électoral dans le cadre plus large de la lutte de classe sous toutes ses formes, sans y abandonner sa conscience.
Pour parvenir à construire l’Arc républicain en France, après que les milliardaires aient pris une possession monopolistique de la grande presse, les grands médias abreuvent quotidiennement la LFI d’insultes et d’injures, visant en fait à travers elle, le risque de politisation extra-parlementaire de la colère ouvrière. Ils font un bruit assourdissant pour cacher tout à la fois qu’ils faisaient hier autant de bruit contre le RN mais aussi pour casser la Nupes et tenter de se bâtir un nouveau ciment idéologique commun autour de la lutte contre l’immigration, du racisme, de la xénophobie et du nationalisme, camouflés derrière une prétendue lutte contre l’antisémitisme. Si la loi contre l’immigration va aggraver considérablement la vie des immigrés et en particulier des jeunes générations, elle s’inscrit toutefois dans une filiation qui n’est pas nouvelle puisqu’elle sera la 29eme loi contre l’immigration depuis 1980, toutes votées indifféremment par la gauche ou la droite. Cependant, ce qu’il y a de nouveau et qui n’est pas arrivé depuis le vote commun de la gauche et la droite pour Pétain en juillet 1940, c’est l’intégration de l’extrême-droite aux futurs projets gouvernementaux autour des élections présidentielles et législatives de 2027, si les évènements ne se précipitent pas avant ces échéances en cas de dissolution, au vu de la fragilité grandissante de la majorité macronienne, ne disposant que d’une majorité relative mais aujourd’hui en plus fracturée depuis la loi immigration.
Ce projet commun s’est vu bien sûr vu récemment dans le vote de la loi immigration et à peine plus tôt, par l’intégration du RN et de Reconquête à la manifestation contre l’antisémitisme du 12 novembre cautionnée par le PCF, le PS et EELV. Mais cela s’était fait déjà plus avant, par l’ouverture par Macron en 2022 du Parlement au RN en choisissant déjà de rompre avec le barrage du Front républicain, puis par l’utilisation systématique du 49.3 pour le vote de mesures anti-sociales mais moins pour d’autres, afin de ne pas trop mettre en difficulté le RN vis-à-vis de son électorat populaire.
Les querelles et divisions actuelles entre LR, LREM et RN ne portent donc pas sur le fond idéologique mais sur le rythme du passage idéologique du Front républicain à l’Arc républicain afin de ne pas risquer de provoquer une accélération du réveil politique du prolétariat et de perdre plus d’électeurs qu’ils ne pourraient en gagner avec la fin du barrage au RN et en conséquence la recomposition toujours possible de la Nupes autour de cette question. Autour du rythme des transformations, ces querelles portent également sur les rapports de force internes pour savoir qui dirigera cet Arc républicain, Darmanin, Philippe, Le Pen ou encore Ciotti ou d’autres, puisque la situation va ouvrir tous les appétits à tous les aventuriers et apprentis Bonaparte, et comment, à partir de là se répartiront les postes, planques, prébendes et profits.
Cependant si ces querelles et divisions sont internes à leur Arc républicain, tant qu’elles ne sont pas stabilisées, elles accentuent la fragilité du régime, comme on l’a vu dans les divisions sur la loi immigration et ouvrent des brèches dont peuvent profiter les résistances populaires.
C’est ce qui vient de se passer ces dernières semaines, si on y regarde de près. Et qui recommencera tant que l’Arc républicain n’est pas consolidé.
Certes, pour le moment, en bas, on regarde ce spectacle lamentable plutôt en spectateurs désabusés voire pour certains, découragés.
Cependant, il faut bien comprendre que ce spectacle affligeant est lui-même le résultat d’un mouvement social, certes d’une défaite et d’une trahison, mais dans le cadre d’une montée ouvrière plus générale, qui reprendra rapidement et dont quelques évènements récents ont montré la possibilité de cette reprise.
C’est le lâchage de la lutte des retraites par l’alliance syndicale, complétée par la dénonciation de la révolte des quartiers de juin par le PCF, le PS, EELV, la CFDT et en même temps par la prise de position platonique de la direction de la CGT, qui ont permis le déchaînement de violence policière et judiciaire contre les jeunes avec près de 4 000 condamnations, du jamais vu.
Mais c’est aussi là, contre le risque d’autonomisation politique de la montée ouvrière qui s’était illustrée dans le combat contre le 49.3, les mégabassines et le SNU dans le cadre du mouvement des retraites additionnée de la possibilité d’une alliance du gros de la classe ouvrière et de la combativité de la jeunesse, que s’est forgé la volonté affermie d’accélérer la construction de l’Arc républicain et de son idéologie, puisque tout l’argumentaire raciste des dénonciations de la révolte des quartiers qu’on a entendu à n’en plus pouvoir durant tout l’été et après, se retrouve aujourd’hui cristallisé sous forme législative dans la loi contre l’immigration. Cette loi est une loi contre les immigrés bien sûr, mais visant tout particulièrement la jeunesse des quartiers et donc contre ce que le mouvement des retraites a montré comme possible dangereux, l’alliance du monde du travail organisé et de la jeunesse ouvrière remuante.
Nous payons par cette loi immigration les trahisons et les lâchages des combats des ouvriers et des jeunes de ce printemps. Mais ces trahisons ont un effet qui va au-delà, puisque c’est tout le mouvement important de la classe ouvrière depuis mai 2022 pour des augmentations de salaires qui s’en est trouvé stoppé, permettant au grand patronat de faire des profits records et aux actionnaires du CAC 40 de s’enrichir comme jamais aux détriments des plus pauvres.
Alors, bien sûr, le PS et la gauche, ont décidé de ne pas appliquer certains éléments de la loi dans les départements qu’ils dirigent et la direction de la CGT a appelé à réagir contre la loi immigration promettant des actions à venir d’ampleur.
C’est tant mieux.
Mais que ne l’a-t-elle pas fait auparavant avec autant de vigueur le 18 décembre ?
Les associations se sont trouvées bien seules contre la loi Darmanin à un moment où pouvait se faire le lien avec la mobilisation contre l’impérialisme autour des massacres en Palestine. Macron et l’Arc républicain étaient à ce moment en difficulté ayant soutenu d’une part à fond et inconditionnellement dans un premier temps le massacreur en chef Netanyahou, toutes les manifestations contre Netanyahou prenaient aussi le caractère de manifestations contre Macron et ses alliés, et, d’autre part, cette mobilisation a fait échouer à lier leur soutien à Netanyahou à une campagne en France contre les arabes et les musulmans après le fiasco de la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre.
La direction de la CGT a refusé à juste titre de participer à cette manœuvre du 12 novembre. Mais l’appel à une mobilisation vigoureuse contre la loi Darmanin à partir de ce moment de fragilité du pouvoir, aurait pu amplifier la mobilisation contre l’impérialisme en la liant à la lutte contre le racisme, et ainsi enrayer et fragiliser le processus tâtonnant et déjà conflictuel autour de l’Arc républicain, gêner ou empêcher l’éclatement de la Nupes, faire échouer le vote de la loi immigration, ou, en tous cas faire que ce vote se passe dans un tel climat de mobilisation, que ce n’aurait pas été une victoire pour les partis de l’ordre, mais une victoire idéologique de notre camp, réamorçant son regroupement politique autour de valeurs de fraternité humaine et de paix.
La direction de la CGT ne l’a pas voulu – et se contera probablement en 2024, comme à son habitude, d’une grande journée de mobilisation sans lendemain d’autant qu’on entre dans l’année des JO qu’elle ne veut pas gâcher. Elle ne l’a pas fait parce qu’elle n’est pas révolutionnaire et qu’une telle politique aurait réouvert la possibilité d’une nouvelle offensive de la classe ouvrière et de son alliance avec la jeunesse des quartiers durant tout l’automne/hiver – ce qu’elle avait refusé au printemps – voire faisant le lien avec l’ambiance de contestation des mesures autoritaires autour des JO, mettant en danger le pouvoir de Macron et la stabilité de l’ordre établi à l’avenir.
Le mouvement ouvrier défend la démocratie que les partis bourgeois ne défendent plus ou plus guère, mais avec ses propres méthodes. Et cette démocratie-là, les directions institutionnelles des forces politiques et syndicales la craignent, parce que toute forme d’auto-organisation par en bas menace leurs appareils, et leur confinement dans leur spécialité, soit économique, soit politique, soit écologique, etc.
Les possibilités de reprise de confiance en soi de la classe ouvrière ne passeront pas nécessairement dans un premier temps par une lutte économique mais du fait de la crise au sommet, des 49.3 à répétition, des querelles entre LREM, LR, RN et leurs représentants, n’importe quelle question dont peut s’emparer l’opinion populaire peut ajouter à la crise, même celle des JO. Encore faut-il savoir saisir les occasions.
En effet, partout dans ce combat pour une démocratie directe par en bas, la conscience grandit que face à la contre-révolution en cours, tous les combats sont liés, démocratiques, anti-racistes, anti-impérialistes, écologistes, féministes, anti-fascistes et même autour des JO… pour défendre ses propres valeurs, son propre monde. Il se produit un besoin de convergence, c’est-à-dire de politisation de cette montée ouvrière et populaire, même si les appareils des vieux partis et syndicats encore ancrés dans les habitudes d’hier, à séparer le politique de l’économique, l’électoral des manifestations de rue, freinent cette tendance.
Tirons-en les leçons pour 2024.
L’histoire de 2024 n’est pas écrite mais les possibilités de construire l’indépendance politique de la classe ouvrière, vitale pour notre avenir à tous, s’y multiplieront parce qu’elle est dans l’air du temps, que la crise politique au sommet a une dimension mondiale et que près de 4 milliards de personnes, près de la moitié de la planète, seront appelées aux urnes, dont l’Inde et les USA, des pays importants, en mai et novembre 2024.
Il y aura là une occasion à saisir, même si ça parait lointain. Soyons sûrs que pour décourager un peu plus le monde ouvrier, les médias abreuveront le public français des victoires de la réaction, parce qu’il y en aura, comme on l’a vu avec la victoire de Milei en Argentine, mais pas les victoires inverses, tout en dissimulant les ripostes ouvrières et quel chemin elles prennent comme cela s’est fait par exemple en Argentine où la riposte du 20 décembre a été passée sous silence.
Or chaque défaite ou succès même lointain, surtout quand ils s’accumulent comme cela va être le cas en 2024, a un effet sur le moral et les prises de conscience. Cela avait déjà été le cas dans les années 1933-1936.
Il a fallu souvent des chocs politiques pour qu’au plus noir d’une époque surgissent soudain au grand jour les forces souterraines que tout le système cherchait à dissimuler et faire taire. Et ce qui surgit ailleurs, est le symptôme de ce qui mûrit ici. Encore faut-il avoir la volonté de le voir et de le montrer.
La grève générale de juin 1936 est survenue à la suite de la tentative de coup d’Etat fasciste de février 1934 dans un contexte général ou Hitler avait pris le pouvoir en 1933. Au même moment, la révolution espagnole de 1936 s’est déclenchée contre la tentative de coup d’Etat du général Franco, tandis que toujours au même moment, en France comme en Espagne, tout le monde suivait avec passion la guerre de l’Italie mussolinienne en Ethiopie et son incapacité à vaincre.
Aujourd’hui déjà, les tendances à l’indépendance politique de la classe ouvrière se font jour, au travers dans les parties du monde où le combat non plus de petits groupes, mais de larges masses est le plus avancé. Ce sont les appels à construire la grève générale par-delà les élections avec le syndicat ouvrier automobile UAW aux USA, la construction de cette grève générale agrégée aux élections par la coordination des paysans prolétaires du SKM en Inde pour renverser le gouvernement d’extrême-droite de Modi et éliminer la mainmise du capital sur le pays, et le nouveau Parti du travail en Indonésie qui fait de même qu’en Inde où il construit un parti ouvrier sur le mixage de la grève générale et d’une campagne électorale, sans oublier ces mêmes tendances à des échelles moindres ou naissantes dans bien d’autres pays.
En même temps, partout, ces tendances ne vont pas jusqu’à afficher la volonté d’aller jusqu’à prendre le pouvoir. Ce n’est encore qu’une pression même si elle est très forte. Or tant que le capitalisme ne sera pas complètement éradiqué, il peut reculer momentanément pour revenir à la charge dans des circonstances meilleures pour lui, et surtout fera tout pour prendre les devants face à une telle montée politique ouvrière, préférant pousser en avant la dictature et la guerre voire détruire la planète et l’humanité plutôt qu’être privé de ses pouvoirs. C’est en 1932, face à un prolétariat puissant, que la grande bourgeoisie allemande a décidé de financer Hitler et les nazis. Trump s’il était réélu, Modi aussi, préféreront liquider tout ce qui reste de démocratie, le droit de grève comme les élections et le reste et pousser le monde entier vers la guerre, comme l’a fait Netanyahou en Israël et Palestine, plutôt que de laisser se construire la conscience et l’indépendance politique de la classe ouvrière.
Et ils ont un temps d’avance.
La bourgeoisie étant plus consciente de ses intérêts généraux que la classe ouvrière, celle-ci ne pouvant le devenir, faute de partis et de journaux, qu’au travers de ses mobilisations.
Or chacun des combats de 2024 à l’échelle mondiale sera une leçon de chose vers cette prise de conscience s’il y a des militants pour les comprendre et les faire connaître. Les classes populaires ne sont pas indifférentes à ce qui se passe à l’échelle planétaire. Le mouvement pour l’environnement l’illustre mais on le voit aussi avec la Palestine, si elles comprennent en quoi cela les concerne.
Le capitalisme mondialisé a créé à l’échelle internationale une classe ouvrière jeune, féminine, connectée, cultivée, bien plus libérée des préjugés nationalistes, patriarcaux et religieux que ses parents et dont les luttes actuelles pour la survie, qu’elles qu’en soient les formes, prennent toutes l’orientation d’une contestation même de l’exploitation capitaliste. Au cœur de la surexploitation du travail, sans droits, ils sont au cœur des révoltes et des colères et peuvent entraîner l’ensemble des travailleurs dans la lutte pour la transformation du monde, pour construire ensemble le nécessaire front internationaliste des travailleurs pour un monde sans frontières et sans guerres. Faute de journaux de masse, les réseaux sociaux, dont une partie tend déjà à fonctionner en réseau, peuvent être vecteurs de ces informations et prises de conscience.
C’est bien la crainte que ces évolutions sociétales en cours ne prennent conscience d’elles-mêmes pour devenir subversives qui panique les classes réactionnaires et les démagogues à leur service.
2024 peut être l’occasion de l’accélération de ces prises de conscience. Et nous pouvons y jouer un rôle si nous ne sombrons pas dans le fatalisme et le pessimisme, en faisant prendre conscience de l’interconnexion de ces combats mondiaux, et ce faisant, en préparant leur victoire, ici comme ailleurs !
Nous faisons tout ! Sans nous, ils ne sont rien !
Jacques Chastaing, 25 décembre 2023
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