ALLONS TOUS ENSEMBLE AVEC LES PETITS PAYSANS CHERCHER MACRON A PARIS !

Les agriculteurs rassemblés sur les lieux de blocage ont hué Attal pendant qu’il parlait et la base a répondu vigoureusement à ses propositions par une action toujours aussi déterminée à Guingamp, Nîmes, Aubusson et encore ailleurs toute la journée de samedi, illustrant la profondeur de ce rejet.
Par sa détermination, son ampleur et le soutien populaire qu’il trouve auprès des français, ce mouvement met un terme à la parenthèse dans les luttes créée par la défaite des retraites et la répression des jeunes de quartier. Il ouvre une nouvelle phase de lutte qui va chercher plus qu’avant la généralisation et la politisation.
Le rejet des propositions d’Attal a eu comme conséquence une base de petits paysans, majoritairement jeunes et non syndiqués, qui s’émancipe de plus en plus de la tutelle du grand capital agro-alimentaire de la FNSEA. Face à cela, celle-ci a choisi en contre-feu une double tactique.
D’une part, après quelques hésitations, la FNSEA a déclaré que les propositions d’Attal ne suffisaient pas et a invité à amplifier encore la mobilisation en appelant à un siège de Paris à partir de lundi, comme l’ont fait les paysans d’Inde en 2020-21 autour de Delhi en faisant reculer le gouvernement, l’ont fait encore ce 26 janvier pour la visite de Macron et vont à nouveau le refaire mi-février pour faire tomber l’extrême-droite au gouvernement.
Mais la FNSEA, d’autre part, tout en essayant de limiter la marche aux départements proches de Paris, appelait aussi à suspendre la mobilisation ce week-end pour se « reposer » et reprendre des forces avant la semaine suivante, qui serait selon elle encore plus chaude. En même temps, elle annonçait qu’elle reprendrait contact avec Attal.
La FNSEA en cassant l’élan du mouvement et de la marche sur Paris qui avait commencé, veut donc essayer de reprendre en main ses troupes avant qu’elles ne lui échappent totalement comme en témoignent de nombreux comptes-rendus sur le terrain ainsi que les rapports des Renseignements territoriaux, signalant de plus en plus que la FNSEA a perdu l’initiative et que c’est la base qui décide. D’autant que la Confédération paysanne, pour sa part, cherchant le lien avec les écologistes et les consommateurs, appelle à continuer la lutte sans « suspension », suivie par la Coordination rurale, liée à l’extrême-droite, qui voulait arrêter après le discours d’Attal, mais qui sentant qu’elle pourrait bien se trouver discréditée, a décidé de suivre ses troupes et de continuer aussi.
La FNSEA reprend l’initiative en prenant la tête de cette marche sur Paris qui était en train de se préparer sans elle tout en essayant d’en émousser les caractères les plus radicaux, le blocage de Rungis et le siège de l’Elysée, et espère certainement, en accord avec le gouvernement, quelques miettes supplémentaires de la part d’Attal – ou des négociations – pour pouvoir « suspendre » plus longtemps le mouvement et espérer qu’il s’éteigne ainsi doucement.
C’est que le couple gouvernement/FNSEA joue gros.
La FNSEA joue gros parce qu’elle représente depuis toujours les intérêts du grand capital agro-alimentaire et alimente depuis longtemps par ses réseaux le vote des paysans vers la droite ou Macron. Mais les dernières évolutions économiques mondiales font qu’elle est aujourd’hui le fourrier de la liquidation de la petite propriété paysanne au profit de grandes concentrations agricoles capitalistiques. Or pour ce faire sans trop de heurts, il ne lui faut pas perdre son crédit au profit de véritables syndicats de petits paysans alors que s’approchent les élections aux chambres d’agriculture dont dépend son autorité. C’est pourquoi, en soutien à la FNSEA, le gouvernement n’envoie pas sa police. Il ne le ferait que s’il s’avérait que la FNSEA a perdu toute autorité auprès des petits paysans.
Mais, ce faisant, le gouvernement joue encore plus gros, parce qu’il y a un double risque de contagion aux autres classes populaires. D’abord directement, parce que la semaine prochaine sont annoncées la grève nationale pour les salaires des électriciens des centrales nucléaires EDF le 30 janvier qui a déjà commencé depuis longtemps pour certaines d’entre elle et qui, profitant de la situation comme il y a deux ans de la grève des pétroliers, pourrait durer et, une nouvelle fois, gagner et ainsi contribuer à changer le climat social. Puis, le lendemain, le 1er février, il y a celle des enseignants en colère contre leur ministre, qui est politique, puisqu’elle cible clairement le gouvernement et, enfin, le 6 février, il a celle des cheminots du matériel qui sont très chauds pour les salaires depuis début janvier et pourraient partir vers une grève illimitée.
Dans ce climat général ou plus de 87% des citoyens soutiennent la lutte des paysans et où 70% souhaitent une extension de leur lutte à tous, il pourrait donc se faire une jonction directe car la prolétarisation de l’ensemble de la société, des enseignants aux infirmières, est aussi particulièrement visible dans ce mouvement des petits agriculteurs. En effet, malgré toute la propagande de la FNSEA qui tente d’orienter la lutte avec ses alliés d’extrême-droite de la Coordination rurale contre l’Europe, les étrangers, l’écologie… malgré tout cela, sous ce bruit, et au travers de toutes sortes de niveaux de consciences et de préjugés, on entend sourdre partout et en permanence, des exigences très prolétariennes qui unifient toutes les catégories de petits paysans et les séparent des gros agriculteurs : « on veut pouvoir vivre de notre travail et pas survivre » ou, comme le scandaient les paysans à Montpellier : « de l’argent pour les paysans, de l’argent pour les paysans ». Ce qui est aussi la passerelle vers les revendications ouvrières puisque c’est la revendication qui anime les luttes des travailleurs pour les salaires depuis des mois et des mois : de l’argent pour les ouvriers, de l’argent pour tous ceux qui travaillent et pas pour les banquiers et autres parasites. Un changement total de perspectives et de société.
Le gouvernement peut d’autant craindre cette convergence, petits paysans et ouvriers, que la CGT y appelle, même si c’est mollement. Par ailleurs, la marche et le siège de Paris des paysans le 29 janvier, avec l’idée de rebaptiser l’Elysée au lisier, donne également une perspective centrale unificatrice et politique à toutes les luttes et toutes les colères : « aller chercher » Macron, voire le faire tomber. C’est dans les esprits de beaucoup depuis longtemps, avec par exemple déjà le Front social ou les Gilets jaunes. Mais c’est un mot d’ordre que les directions syndicales ont refusé d’avancer au moment des retraites et que les directions politiques de gauche veulent limiter aux élections, sans jamais le lier aux luttes. Le mouvement paysan pourrait bousculer tout ça et faire franchir un pas considérable aux classes populaires vers l’efficacité de leur indépendance politique.
Alors, même si la FNSEA voulait suspendre à nouveau le mouvement sans perdre tout crédit, il lui faudrait des concessions suffisamment importantes du gouvernement. Mais si le gouvernement fait ces concessions significatives, il y aurait alors là le risque pour lui qu’elles soient vécues comme une victoire de tous et encouragent ainsi cette fois-ci dans un deuxième effet indirect, toutes les classes populaires à s’engouffrer à leur tour dans le chemin de la lutte avec la même détermination qu’ont montré les petits paysans et le même objectif unificateur à toutes les luttes : faire reculer Macron et changer ainsi totalement le rapport de force.
Alors, tous ensemble avec les petits paysans dans leur siège de Paris
Jacques Chastaing le 28 janvier 2024

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