L’envers du décor de la tournée

7 02 2024

Oui, je sais, je suis très en retard dans mes mails et autres messages. Désolé ! Ne m’en voulez pas.

L’ENVERS DU DÉCOR DE LA TOURNÉE

Il n’y a pas que ce qui se voit dans notre agenda des projections-débats quotidiennes, et souvent deux par jour les samedi et dimanche, il y a aussi tout le reste : les ateliers philo dans les écoles et collèges, les interventions dans les médiathèques et universités, les formations que m’ont confiées des syndicalistes et autres professionnels dans certains domaines.

Et puis beaucoup de route tous les jours, souvent tard le soir ou très tôt le matin pour enchainer sur un taf ailleurs : parfois un collège dans la ville suivante à 200 bornes, du genre faire le trajet à 4h ou 5h du mat’ après avoir peu dormi pour animer 7 ou 8 ateliers philo dans des classes sur des sujets passionnants, avant de rejoindre les collectifs en lutte localement ou un projet autogestionnaire à soutenir, sans oublier les fourgons solidaires qui se préparent à partir bientôt en convoi avec nous, puis d’aller installer l’infokiosque sur le lieu de projection un peu avant l’arrivée du public pour la soirée suivante, parfois jusqu’à très tard…

Je suis très heureux du succès de Nous n’avons pas peur des ruines, à la fois le nombre de spectateurs et leur amour impressionnant pour le film, un engouement que nous n’imaginions pas aussi fort, surtout avec si peu de moyens et une médiatisation quasi nulle (même nos médias amis tardent à sortir leurs papiers pour en parler et confirmer qu’ils ont eux aussi beaucoup aimé le film, ce qui est un peu dommage, car le temps tourne et nous ne retournons pas deux fois dans certaines villes).

Mais j’avoue que je suis un peu cuit, carbonisé, crevé. Maud et Achille aussi. Nous sommes ravis, mais plus très frais à vrai dire et la pause prévue dans quelques jours va nous faire le plus grand bien.

Plus que trois projections-débats dans l’hexagone, avant de revenir du 1er mars au 6 avril : ce soir à Carmaux, demain à Montpellier et samedi à Saillans. Il parait que notre fatigue ne se voit pas, ou presque pas : tant mieux ! Il est vrai que quand on est dans le feu de l’action, on se régale, on est électrique, rechargé par le public, les retrouvailles avec les compagnons de luttes, les amis, les vieux copains de toutes sortes et tous les inconnus qui viennent nous encourager et nous remercier. Cette adrénaline nous aide joyeusement à boucler ce premier tour. Le repos et d’autres activités moins chronophages nous permettront de revenir en forme, dans trois semaines, pour un mois et demi de tournée en plus.

D’ici là, nous aurons rattrapé notre retard : nous aurons épluché nos mails, fouillé les indésirables, remonté signal et les sms en tous genres, trié l’urgent et l’important parfois perdus au milieu de messages qui vont jusqu’à nous demander où aller passer des vacances en Grèce (si, si, c’est vrai, on reçoit souvent des messages de type agence de voyage ou conseil en tour operator). Bref, on va rattraper le temps, quand nos journées redeviendront raisonnables et notre sommeil suffisant. Comptez sur nous. Et ne tardez pas à nous contacter si vous souhaitez qu’on vienne dans votre coin de l’hexagone à l’automne (et à nous le répéter, pour éviter toute erreur ou oubli), car la programmation de novembre et décembre 2024 va être construite et bouclée dans quelques jours.

J’entends certains me dire que nous devrions prévoir moins de dates, moins de projections-débats et moins d’interventions scolaires durant les journées, d’un point à un autre. Mais ce sont les mêmes qui seraient attristés si la projection-débat en moins était dans leur ville. Quant aux interventions scolaires et autres activités diurnes, c’est mon boulot, mon métier, mon parcours rémunéré : j’en ai besoin (j’en profite pour remercier ici toutes celles et ceux qui m’aident à trouver du taf au fil de la tournée, notamment les bibliothécaires, enseignants, syndicalistes et professionnels en tous genres) et aussi ma passion. Tout ce que nous faisons est aussi une affaire d’imaginaire social et nous ne réussirons pas si nous n’agissons pas également dans le champ éducatif. Ce sont deux engagements indissociables à mes yeux, aussi importants l’un que l’autre.

Hier et avant-hier, j’ai animé 14 ateliers philo dans les écoles de Mazamet et Aussillon, à partir de 7h50, avant de partir chaque soir pour Toulouse ou Carcassonne, et ainsi de suite, comme souvent. Demain matin, après la soirée d’aujourd’hui au Clap Ciné Carmaux, j’animerai à nouveau la formation des infirmiers psychiatres de Graulhet (analyse des pratiques et contribution de la philosophie à la réflexion sur les tentatives de suicide, les conduites à risques, les handicaps, les situations de crise…), avant de rejoindre le cinéma Utopia de Montpellier, non sans retrouver des compagnons de luttes, avant de reprendre la route dans la nuit vers Martigues où j’aurai encore d’autres rendez-vous vendredi, avant la dernière projection-débat à Saillans, samedi en clôture de la journée des collectifs en lutte dans la Drôme.

Contrairement à d’autres, je n’ai pas du tout l’impression que le mouvement social soit épuisé ou diminué en France. Ce n’est pas du tout ce que je vois en tout cas. Idem pour le public, la plupart du temps, toujours plus nombreux et enthousiaste (affluence moyenne encore plus forte qu’avec nos films précédents, à de rares exceptions). Les enfants aussi m’ont l’air, par endroits, bien motivés pour s’intéresser de près aux inégalités sociales, aux impasses démocratiques et au saccage de tout ce qui vit sur Terre. Rien n’est fini. Il n’y a pas lieu de baisser les bras ni de prophétiser le pire. Nous pouvons encore multiplier les grains de sables dans la gigantesque machine d’un système politique et économique trop sûr de lui, dont l’effondrement peut intervenir plus vite qu’on ne l’imagine.

Ne croyons pas toutes les sornettes que nous raconte le crétinisme médiatique : ces gens-là sont dans leur bulle, dans leur jeu de rôles, dans leur storytelling ridicule auquel beaucoup ne croient plus.

Ça vaut le coup de faire l’effort, de continuer nos luttes et notre activisme sur tous les plans, sans essayer de spéculer sur des perspectives insondables. Beaucoup de choses peuvent basculer très vite, comme l’Histoire l’a souvent montré. De plus en plus de gens n’en peuvent plus de cette pseudo démocratie qui tourne le dos à sa devise : un triptyque qui, en réalité, est le notre et en aucun cas celui du pouvoir et de l’État à son service. Si suffisamment de gens le désirent, nous serons un jour capables ensemble de donner une réalité aux mots « liberté, égalité, fraternité » (adelphité), dans les ruines du vieux monde. Ça vaut le coup de s’y préparer, non ?

Anarmicalement,

Yannis Youlountas

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