L’opposant Bassirou Diomaye Faye, encore en prison il y a deux semaines, va devenir le cinquième président du Sénégal. Comment celui qui était le « plan B » d’une formation politique dissoute par les autorités a-t-il remporté la présidentielle sénégalaise dès le premier tour ? Qu’est-ce qui attend à court terme le futur chef de l’État ? Éléments de réponse.
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Il y a eu en quelque sorte un « alignement des planètes », souligne l’envoyée spéciale de RFI à Dakar, Charlotte Idrac.
D’abord, ce qui a fonctionné, c’est le programme, ce que les partisans du camp d’Ousmane Sonko appellent « le Projet ». Projet qui prévoit des changements dans les pratiques, le mode de gouvernance. Une « rupture » avec « le système » qui a trouvé un large écho, notamment auprès des jeunes.
Ousmane Sonko n’ayant pas pu se présenter, la stratégie a été de présenter sa « doublure » comme étant son alter-égo, au-delà de sa personne, celui qui incarne ce « Projet ». D’où le slogan de campagne « Diomaye mooy Sonko » (« Diomaye, c’est Sonko »). Bassirou Diomaye Faye a donc clairement bénéficié de l’aura de ce mentor qui a la capacité de mobiliser les foules.
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Pour un responsable de l’ex-Pastef, « en s’acharnant sur Ousmane Sonko depuis 2021 avec des affaires judiciaires, Macky Sall a au contraire renforcé sa popularité ».
Du côté du camp du pouvoir, Amadou Ba a sans doute payé aussi les divisions au sein de sa coalition Benno Bokk Yaakaar. Macky Sall a longtemps laissé planer le doute sur une éventuelle candidature à un troisième mandat. Il y a renoncé tardivement, en juillet, avant de choisir finalement un dauphin qui n’a pas fait l’unanimité. Et la coalition n’a pas fait bloc autour d’Amadou Ba.
Quelle place pour Ousmane Sonko ?
Après cette élection, l’une des questions qui se posent par ailleurs est celle du rôle que va jouer Ousmane Sonko. Il était le « plan A » des ex-Pastef pour la présidentielle. Condamné par la justice, il n’a donc pu se présenter. Bassirou Diomaye était le « Plan B ». Comment les deux cofondateurs de la formation politique dissoute par les autorités vont-ils cohabiter ?
« Il n’y a pas de banc présidentiel, il y a qu’un fauteuil présidentiel, et ce fauteuil, il est fait pour une seule paire de fesses », a imagé Francis Kpatindé, lors de l’édition spéciale de RFI.
Y a-t-il une possibilité que les chemins des deux hommes divergent ? Seydi Gassama, directeur d’Amnesty Sénégal, le pense : « Je crois que c’est également un risque. Nous avons vu ce qui s’est produit en Gambie entre Ousseynou Darboe et Adama Barrow. Mais je crois que Sonko est quand même un homme très intelligent. Lui et Bassirou, ils s’entendent tellement que je pense que cette crise n’aura pas lieu. »
Et c’est ce que martèle aussi Amadou Ba, mandataire du président élu. Il confirme la posture « républicaine » d’Ousmane Sonko : « On lui trouvera la place nécessaire parce qu’il devra quand même jouer un rôle important dans la vie du pays. Mais le plus important, c’est qu’on ne crée pas une histoire de dualité ou quoi que ce soit. Je pense que les deux s’entendent très bien sur comment gouverner le pays, et c’est le plus important pour la stabilité. »
Quelle place alors ? Ce sera lié au programme de campagne des ex-Pastef, à son volet institutionnel, notamment, la refondation des institutions, a dit Bassirou Diomaye Faye, lundi soir 25 mars.
Valdiodio Ndiaye, expert électoral, voit une possible répartition des rôles : « Comme ils ont dit que, désormais, le président de la République ne sera pas chef de parti, Sonko s’occupe du parti et lui, il s’occupe de l’État. Ça peut être une option. »
Une première hypothèse. Seydi Gassama, directeur d’Amnesty Sénégal, en formule une autre : « Peut-être futur président de l’Assemblée nationale ? Ce qui dépend du Parlement pendant que Bassirou gère l’État ? »
Vous en saurez davantage dans les prochains jours, a promis Amadou Ba du Pastef sur RFI.
Ahmet Ndiaye, professeur de droit constitutionnel, ne s’attend pas à des recours ou des contestations d’autres candidats, étant donné le contexte exceptionnel, « le timing serré » et le consensus pour reconnaitre la victoire de « BDF ». « Ce sera une formalité », dit-il. Ainsi, mardi 2 avril, date de la fin du mandat du président sortant, « le président élu prêtera serment devant le Conseil constitutionnel en séance publique, explique l’enseignant chercheur Mouhamadou Ngouda Mboup. Bassirou Diomaye Faye ira ensuite au Palais où il sera reçu avec les honneurs militaires », poursuit-il. Cela pour une cérémonie où Macky Sall passera le pouvoir à son successeur.
Bassirou Diomaye Faye, une fois officiellement cinquième président du Sénégal, devrait prononcer le traditionnel discours à la Nation le 3 avril au soir, à la veille de la fête d’anniversaire de l’indépendance du pays.
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