PFAS : trois questions pour tout comprendre aux « polluants éternels »

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3 avril 2024

Les PFAS sont dans le viseur d’un projet de loi écologiste examiné le 4 avril. Ces polluants éternels omniprésents dans nos produits de consommation sont toxiques pour l’humain.

Les PFAS bientôt interdits? Le statut de ces polluants éternels sera débattu à l’Assemblée nationale le 4 avril, avec l’examen de la proposition de loi du député écologiste Nicolas Thierry. Adopté en commission du développement durable le 27 mars, ce texte pourrait signer une victoire contre ces polluants dangereux.

Développés dans les années 1940 pour un usage militaire par l’industrie chimique américaine, les alkyls poly- et perfluorés (PFAS) n’ont depuis plus quitté les recettes industrielles. La toxicité avérée dans les années 2000 de certaines substances chimiques de la famille des PFAS a conduit progressivement à la restriction et l’interdiction de certaines d’entre elles. Une réglementation qui laisse sous le radar la majorité des quelque 12 000 PFAS aujourd’hui recensés.

Parallèlement, les études scientifiques se sont multipliées sur ces polluants éternels. Des études à la fois sur la contamination massive de tous les milieux terrestres et aquatiques, jusque dans les océans arctique et antarctique. Mais aussi sur la toxicité de ces substances. À tel point qu’en 2021, cinq pays européens — l’Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège et la Suède — ont saisi l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) pour préparer une interdiction générale des PFAS à l’échelle de l’Union. En février 2023, l’Echa a présenté une proposition d’interdiction, qui trouve un écho en France avec la proposition de loi du député Nicolas Thierry.

• Qui utilise les PFAS?

L’entreprise étasunienne 3M a été la première dans les années 1950 à commercialiser des PFAS, suivie de près par sa consœur DuPont, qui a développé le Téflon. Aujourd’hui, une douzaine d’industries chimiques produisent les substances utilisées massivement dans de nombreuses filières industrielles.

Prisées pour leurs caractères antiadhésifs, imperméabilisants et résistants à la chaleur, les PFAS sont utilisés en particulier dans de nombreux produits de consommation courante comme les textiles, les emballages alimentaires, les mousses anti-incendie, les revêtements antiadhésifs, les cosmétiques, les produits phytosanitaires, les semi-conducteurs, les encres, etc.

Les PFAS seraient omniprésents dans les emballages de fast-food utilisés en France, selon une étude de 2023. Flickr/CC BY 2.0 Deed/Joey

À l’échelle internationale, certains PFAS sont déjà interdits, dans le cadre de la Convention de Stockholm : le PFOS (acide perfluorooctanesulfonique) depuis 2009, le PFOA (acide perfluorooctanoïque) depuis 2020 et le PFHxS (acide perfluorohexane sulfonique) depuis 2022. La compagnie 3M a annoncé en décembre 2022 arrêter la production de tous les PFAS à la fin 2025.

• Comment les humains sont-ils exposés aux PFAS?

Les sources d’exposition aux PFAS sont multiples. À tel point qu’en France, PFOA et PFOS ont été retrouvés chez 100% des personnes testées, dans le cadre du programme de biosurveillance Esteban entre 2014 et 2016, publiés en 2019.

Tous les milieux sont contaminés par les PFAS, polluants dits éternels car leur stabilité chimique limite leur dégradation dans l’environnement. L’exposition humaine se fait, elle, principalement par les aliments, par l’eau mais aussi par l’air, comme le montre une revue des connaissances scientifiques en 2019. Les produits animaux sont la première source d’exposition alimentaire : les PFAS s’accumulent dans les organismes vivants et se retrouvent dans la chaîne alimentaire. La transmission au nourrisson par le lait maternel est aussi aujourd’hui avérée.

Lire aussi : Polluants éternels : «L’un des pires scandales sanitaires depuis des décennies»

Une autre source de contamination connue est l’eau du robinet, alors que les nappes sont contaminées par ces polluants, en particulier à cause des rejets industriels et des mousses anti-incendie. La directive européenne 2020/2184 sur la qualité des eaux de consommation humaine cible vingt PFAS et fixe à 0,10 microgramme par litre leur concentration maximale dans les eaux destinées à la consommation. Un seuil largement supérieur à ceux en vigueur en Amérique du Nord (par exemple 0,0002 microgramme par litre aux États-Unis) ou dans certains pays du nord de l’Europe.

Ni les stations d’épuration ni les usines de potabilisation de l’eau n’éliminent aujourd’hui ces molécules. Le coût total d’un traitement des eaux usées et potables pour les éliminer a été estimé à près de 240 milliards d’euros pour l’Union européenne par le Bureau européen de l’environnement, dans une étude de 2023.

• Quelles sont les conséquences sur la santé?

Plusieurs travaux nord-américains montrent que 3M et DuPont connaissaient la toxicité de leurs produits dès les années 1960. La sociologue Lauren Richter, de l’université de Toronto, détaille «la production de l’ignorance» dans les stratégies règlementaires des PFAS, dans une publication de 2020.

Si la première étude en santé humaine ne remonte qu’à 2012 à la suite de catastrophes sanitaires aux États-Unis, depuis les études se sont multipliées. Une somme des connaissances sur la santé humaine publiée en mars 2021 détaille les différents effets connus, en lien en particulier avec le caractère perturbateur endocrinien des PFAS : une altération des fonctions immunitaires, des maladies du foie et des reins, des effets négatifs sur la reproduction et le développement, et des effets cancérigènes.

Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a classé le PFOA «cancérogène pour les humains» et le PFOS «cancérogène possible», une annonce faite le 30 novembre 2023 dans la revue The Lancet Oncology.

Ces effets sur la santé représenteraient un coût à l’échelle de l’Union européenne entre 52 et 84 milliards d’euros, selon une étude du Nordic Council of Ministers publiée en 2019.

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