Pas moins de huit semaines après le second tour des législatives, l’ancien ministre de l’Intérieur de Hollande est l’une des pistes privilégiées de Macron pour le poste de premier ministre. Retour sur le parcours de cet ennemi des travailleurs.
4 septembre
Crédit photo : Wikimedia Commons
Il y a des noms comme ça qu’on traîne dans un coin de sa mémoire, des mauvais souvenirs qu’on pense définitivement enterrés, mais qui rejaillissent accidentellement de temps à autre : François Hollande, Manuel Valls, Parti socialiste… Ces dernières semaines, c’est Bernard Cazeneuve, dont le nom a été « testé » par l’Elysée pour occuper le poste de premier ministre, qui tente de refaire surface.
Quelqu’un se rappelle qui c’est celui-là ?
Souvent, les politiciens vivent une jeunesse radicale avant de se ranger et de faire carrière au service des puissants. Bernard Cazeneuve, même étudiant, était déjà un modéré. Militant dans les jeunesses du Parti radical de gauche (parti qui a poursuivi son évolution politique pour se fondre dans le macronisme), Cazeneuve rejoint le Parti socialiste dans les années 1990. Devenu apparatchik local adoubé par le baron Fabius, il chasse les mandats dans le Cotentin, avant d’être élu député en 1997.
Au PS, il fait partie de l’aile droite néo-libérale. Porte-parole de Hollande lors de la campagne présidentielle de 2012, il est ensuite nommé ministre délégué aux Affaires européennes après la victoire. Il défend le Pacte budgétaire européen, programme austéritaire qui instaure notamment la fameuse « règle d’or » budgétaire, au nom de laquelle les gouvernements justifient l’austérité et les attaques contre les travailleurs.
Après la démission en catastrophe du fraudeur fiscal Jérôme Cahuzac, Cazeneuve le remplace comme ministre du Budget. Là aussi il se fait le chevalier de l’austérité et taille dans les dépenses publiques. Comme son mentor Fabius, Cazeneuve est un défenseur acharné des riches et des spéculateurs à qui il veut éviter de payer des impôts.
Finalement, c’est en 2014 qu’il se révèle au grand public en devenant ministre de l’Intérieur, en remplacement de Manuel Valls, devenu Premier ministre. A la tête de la police, il mène une répression féroce contre les luttes écologistes. Cette année-là, une lutte s’enracine à la ZAD de Sivens où sa police assassine Rémi Fraisse. Mais la liste est en réalité bien plus longue : Abdoulaye Camara, Amadou Koumé, Dominique Burger, Pierre Cayet, Babacar Gueye, Mehdi Farghdani, Adama Traoré… Dans chaque cas, à ces morts ont fait suite toutes les manœuvres possibles pour empêcher les familles, les collectifs de faire la lumière, la vérité et la justice sur ces affaires et pour blanchir les policiers ou les gendarmes.
C’est Bernard Cazeneuve qui a interdit les manifestations de solidarité avec la Palestine, appliqué les mesures d’état d’urgence, criminalisé les quartiers populaires, assigné des militants associatifs à résidence, réprimé des syndicalistes. La répression de la manifestation parisienne lors de la COP21 en décembre 2015 avait alors marqué un saut à large échelle de la répression du mouvement social.
C’est finalement en 2016, lors du mouvement contre la Loi Travail que Cazeneuve a vraiment marqué les esprits. Les violences policières ont explosé contre les manifestations, d’une manière inédite depuis des années. A l’époque, Laurent Nuñez (actuel préfet de Paris, ancien bras droit de Castaner pendant les Gilets jaunes) n’était que préfet des Bouches-du-Rhône et était chargé de réprimer violemment les grévistes de Fos-sur-mer, sous les ordres du ministre.
En décembre 2016, celui que les manifestants avaient surnommé « Gazneuve », en raison de son penchant immodéré pour la lacrymo, devient Premier ministre, nommé au pied levé après le départ de Manuel Valls, candidat à la primaire socialiste, avec le succès que l’on sait. Bernard Cazeneuve détient ainsi le record du plus court passage à Matignon, nommé en plein naufrage de la Hollandie.
Depuis, Bernard Cazeneuve est resté au service de la bourgeoisie. Immédiatement après avoir quitté son fauteuil de Premier ministre, il s’est associé en tant qu’avocat d’affaires à un cabinet prestigieux.
La gauche de droite qui plaît à Macron
Comme Cazeneuve doit le gros de sa carrière, à ce qu’il a fallu trouver des remplaçants en urgence, il se voit déjà rempiler à Matignon. Pour Macron le très éphémère premier ministre de Hollande a pour mérite en effet d’avoir affiché sa détestation de la « gauche outrancière » (ce qui constitue un argument de poids dans le débat politico-médiatique actuel) et d’ouvrir de nouvelles dissensions au Parti socialiste où la crise couve.
Face à la crise démocratique et économique en cours, Cazeneuve plaide pour plus de 5ème République, plus de présidentialisme, pour le retour au septennat par exemple, et se veut le garant de la gauche « réaliste ». Celle qui lutte contre la retraite à 60 ans par exemple et protège les intérêts du patronat. Celle qui déroule le tapis à l’extrême droite et qui permet aux policiers de tirer en cas de refus d’obtempérer. Une « gauche de gouvernement » dans la parfaite continuité de celle de Hollande et de Macron.
Aussi, face au coup de force bonapartiste permanent de Macron qui cherche coûte que coûte à imposer sa politique au service des plus puissants et une cohabitation avec lui-même, la seule solution viendra de l’unité des travailleurs et de leur mobilisation sur le terrain de la lutte de classes. Une mobilisation qui doit porter des mesures sociales d’urgence face à la crise, mais également s’affronter directement au régime.
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