Corruption : Bardella aurait profité des détournements de fonds publics du RN

Libération révèle que Jordan Bardella aurait bénéficié d’un emploi fictif a seulement 19 ans, que le RN aurait cherché à camoufler en produisant des documents factices. Un rappel que le parti d’extrême-droite n’a rien à envier aux autres corrompus de la classe politique.

Antoine Weil

10 septembre

Depuis 2016, une affaire de détournement de fonds de l’Union européenne (UE) menace le Rassemblement National, accusé par la justice d’avoir fait passer des salariés du parti pour des assistants parlementaires, afin qu’ils soient rémunérés par les fonds de l’UE. Le procès pour cette affaire doit se tenir à partir du 30 septembre devant le Tribunal de Paris, et vise onze eurodéputés ou anciens eurodéputés du RN (et du Front national à l’époque) et treize de leurs assistants, et vise notamment Marine Le Pen, qui pourrait être condamnée à une peine d’inégibilité. Mais un homme politique de premier plan qui n’apparait pas dans le dossier pourrait finalement être impliqué : il s’agit de Jordan Bardella. Accusé lui aussi d’emploi fictif, son parti aurait cherché par tous les moyens à le protéger en produisant plusieurs documents factices.

Dans une enquête parue ce lundi, Libération révèle en effet que l’actuel chef du Rassemblement national serait un des assistants parlementaires qui a bénéficié d’un système de détournement de fonds organisé par le parti. Le FN avait ainsi pris l’habitude, notamment lors du mandat européen de 2014 à 2019, de faire employer des militants du parti comme assistants parlementaires auprès d’eurodéputés, pour qu’ils se dédient à plein temps au militantisme d’extrême-droite, en étant rémunéré par de l’argent public. Une occasion en or pour préserver les finances du RN, endetté en 2015 de près de 9,1 millions d’euros. Pour ce faire, le RN changeait régulièrement les contrats des assistants et les faisant « travailler » auprès de parlementaires différents, parfois sans qu’ils ne les aient jamais rencontrés, et sans qu’ils ne produisent le moindre travail.

Les investigations ayant porté sur les détournements les plus importants, Bardella n’a pas été entendu par l’Office centrale de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales de la police (OCLCIFF) en charge de l’enquête. Mais Libération explique avoir des preuves que ce dernier aurait reçu 10 444 euros de l’Union européenne, pour un contrat de six mois à mi-temps payé deux fois et demi le smic de l’époque, alors que Bardella n’avait que 19 ans. Sur cette période, il était employé par Jean-François Jalkh, un ténor historique du parti, proche de Louis Alliot et de Marine Le Pen.

Or l’ancien eurodéputé FN Aymeric Chauprade, désormais en conflit avec le parti, a expliqué en 2017 à la Police que Bardella n’a jamais « réellement exercé ses fonctions », et qu’il était alors « une personne s’occupant de la communication de Florian Philippot. Il n’est pas dans l’environnement de Jean-François Jalkh et n’est pas sur des activités parlementaires ». Ce serait Florian Philippot, alors vice-président du FN, qui aurait arrangé l’affaire. Libération dévoile justement un mail daté du 4 février 2015, dans lequel un assistant parlementaire proche de Philippot écrit à l’eurodéputé Jean-François Jalkh pour lui expliquer la combine, et propose de rédiger un contrat pour que Jordan Bardella, alors étudiant, soit considéré comme son assistant parlementaire.

Mais l’affaire d’emplois fictifs et de détournements de fonds ne tarde pas à exploser au visage du FN-RN. Dès l’été 2015, le Parlement européen alerte la justice française, qui entame une procédure qui va durer plus de 9 ans. Entre temps, le RN s’active alors pour étouffer l’affaire, et fait appel à un avocat belge, Ghislain Dubois, pour être « coordinateur du pôle juridique » de la délégation RN au Parlement européen. Ce dernier s’attarde alors à constituer des dossiers pour prouver que les assistants parlementaires du RN ont travaillé, et fait appel à un stagiaire en charge du « montage du dossier de Jordan Bardella ». Ce dernier explique sur une boucle de discussion Messenger du FN, qu’il a « créé des faux dossiers pour des assistants qui n’ont jamais travaillé pour le Parlement européen ». Pour inventer une preuve du travail, inexistant, de Jordan Bardella au Parlement européenn, ce stagiaire aurait ainsi réalisé en décembre 2017 des fausses revues de presse de 2015, pour faire croire que Bardella les avaient rédigé à l’époque, couvrant de blanco les traces que ces documents étaient anti-datés. Pour couvrir son emploi fictif, Bardella aurait également rempli deux ans plus tard un agenda de 2015, pour faire croire qu’il suivait les activités de l’eurodéputé Jalkh à l’époque.

De l’emploi fictif à la production de faux documents, le RN aurait donc tout fait pour surtout éviter que l’étoile montante du parti se retrouve au cœur de l’affaire de corruption qui menace la formation d’extrême-droite. L’organisation est vraisemblablement très inquiète que ces éléments refassent surface aujourd’hui, comme le montre la réaction apeurée de Louis Alliot interrogé par TF1 ce mardi matin, criant au scandale et à la « police politique ». Ce scandale de corruption fait en effet particulièrement mal au RN, tant il rappelle que, depuis ces 19 ans, Bardella vit grâce à l’argent de la population, payé par des fonds publics sans jamais avoir travaillé.

Bien loin de l’image populaire qu’il aime se donner, le parcours de Bardella et ses affaires de corruption ressemblent alors étrangement au reste de la classe politique. Au moins, maintenant que Marine Le Pen a annoncé qu’elle ne censurerait pas Michel Barnier et qu’elle est disposé à voter ces lois, Bardella pourra demander à ses nouveaux amis de LR ou macronistes des conseils pour se sortir d’affaires de corruptions qu’ils connaissent bien eux aussi.

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